Laurent Lamothe rejette les accusations « sans fondement » du rapport Latortue

Après une première audition en avril 2016 par la Commission d’enquête du Sénat de la République présidée à l’époque par le Sénateur Youri Latortue, l’ancien Premier ministre Laurent Lamothe a répondu à l’invitation qui lui a été adressée et s’est présenté une deuxième fois le jeudi 13 juillet 2017 devant cette Commission sénatoriale pour, dit-il, contester et clarifier les faits qui lui sont reprochés et consignés dans les conclusions et recommandations du rapport Latortue.

Publié le 2017-07-13 | Le Nouvelliste

National –

Laurent Lamothe est apparu calme au Bicentenaire, costume bleu, cravate bleu et lunettes à manches bleu, arborant un large sourire, donnant la main aux agents de sécurité, embrassant dans la petite allée menant à la salle des commissions les femmes préposées à l’entretien. Ponctuel, Laurent Lamothe, l’influent ancien Premier ministre de mai 2012 à décembre 2014, a gardé son allure et son entregent. Pour sa deuxième audition, comme le veulent les commissaires chargés d’«approfondir» l’enquête sur l’utilisation et la « dilapidation » de l’argent du PetroCaribe, la séance de questionnement s’est déroulée à huis clos. Une source proche de l’ancien chef du gouvernement, présente à la séance d’audition, affirme à Le Nouvelliste que Laurent Lamothe a rejeté avec véhémence, l’une après l’autre, les accusations « sans fondement » de la commission dans son rapport d’août 2016 à son encontre, à savoir violation de la loi de passations de marchés, pour avoir soi-disant antidaté des contrats d’urgence tels la construction du lycée Toussaint Louverture, la construction du lycée Alexandre Pétion, la construction du marché de Fontamara et du wharf Jérémie à Cité-Soleil. Selon ce rapport, ces projets ne figurent pas dans la résolution d’urgence PetroCaribe de décembre 2012, mais figurent au contraire pour la première fois dans la résolution du 11 décembre 2013. Ce qui a leur avis, prouverait que ces contrats auraient été signés après décembre 2013, donc pendant l’année 2014. Des accusations que Lamothe a démenties catégoriquement, selon notre source, mettant en défi les enquêteurs de prouver le contraire et les enjoignant par la suite de s’appuyer uniquement sur des faits et non des rumeurs pour faire éclater la vérité. «J’ai donné des explications très claires sur trois principaux projets, à savoir les constructions du lycée Alexandre Pétion, du lycée Toussaint L’ouverture et du marché de Martissant », affirme Laurent Lamothe, en marge de l’audition qui a duré plus de deux heures. « Tous ces contrats ont été signés pendant la période d’urgence du 5 novembre 2012 au 5 janvier 2013. Et tous les projets ont été approuvés par la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA) et la Commission nationale des marchés publics (CNMP) avait été informée », martèle l’ex-premier ministre précisant avoir décortiqué pour les sénateurs le chronogramme d’exécution de ces contrats afin de porter les clarifications qu’il faut. « Si ces contrats avaient été effectivement antidatés et signés après décembre 2013, comment expliquer que les avances, les ordres de démarrage et les visites de chantiers aient été faits pendant toute l’année 2013, supposément avant la signature du contrat ? », s’interroge l’ancien Premier ministre, inversant au passage les rôles, tout en s’enorgueillissant de la fin des travaux depuis belle lurette dans les lycées Pétion et Toussaint qui accueillent présentement des milliers de potaches. Sur le marché de poisson de Martissant, encore inachevé malgré plusieurs décaissements, Laurent Lamothe explique qu’il y a une dette de l’État en faveur de la firme d’exécution qui bloque le chantier. «C’est une chose très simple: si vous réalisez un projet et que vous avez des arriérés de paiement, le projet s’arrête », enchaîne-t-il, dégustant l’occasion qu’il a eue de faire comprendre qu’«en aucun cas, il n’y a eu de contrats antidatés», comme l’a consigné le rapport Latortue. « Malgré les allégations erronées de surévaluation de ce projet, 3 ans après mon départ, les gouvernement qui m’ont succédé n’ont toujours pas réévalué à la baisse », rétorque Lamothe, sûr de lui et de la liasse de documents sur les projets réalisés sous son administration qu’il a apporté aux enquêteurs en guise de preuves. Les commissaires, quant à eux, se plaignent du fait qu’ils n’ont pas encore eu «des aveux de corruption» de la part de certains chefs. « Nous pensions que beaucoup allaient faire des aveux mais ils ne le font pas », maugrée Nènèl Cassy qui dénonce moult contradictions dans les déclarations. « Chaque audition nous permet de découvrir d’autres contradictions», révèle-t-il, croyant dur comme fer que leur «méthodologie est payante ». En sa qualité de premier ministre émanant du parlement, Laurent Lamothe soutient, la main sur le cœur, confie une autre source ayant assisté à l’audition, avoir administré la chose publique avec intégrité et honnêteté et a mis au défi quiconque de prouver que qu’il avait reçu un centime de ces firmes pour l’exécution de ces projets. «La nation doit savoir ce qui a été réalisé avec tout cet argent», a glissé Evalière Beauplan. Sur ceux qui sont invités et qui s’apprêtent à bouder l’invitation, ils n’auront aucun prétexte, explique le président de la commission de suivi et d’approfondissement de l’enquête sur l’argent du pétrole vénézuélien qui coula à flots sur Haïti entre 2008 et 2016. «La charge qui a été retenue contre eux dans le rapport Latortue sera maintenue», renforce Beauplan, sénateur du Nord-Ouest, de souche Lavalas. Sur le passage de Laurent Lamothe à la Primature, cinq résolutions de décaissement de fonds évalués à 688 millions de dollars américains ont été signées, rapportent les commissaires qui veulent convaincre de leur bonne foi. Or, les documents remis par Laurent Lamothe ce jeudi attestent d’un montant qui s’élève à 668 millions de dollars. Outre cette inexactitude, Laurent Lamothe a passé le plus clair de cette séance, a-t-on appris, à démanteler environ une dizaine d’erreurs factuelles, des erreurs d’interprétation et des affirmations infondées, dont est émaillé le rapport d’aout 2016 sur sa gestion. « Si le commissaire du gouvernement faisait son travail, il devrait mettre l’action publique en mouvement contre ceux sont épinglés dans le rapport Latortue mais qui vont bouder notre invitation », renchérit le sénateur Nènèl Cassy, comme une pique à peine voilée à Marie Carmelle Jean Marie qui vient d’annoncer qu’elle ne se rendra pas une seconde fois au bord de mer pour répondre aux questions des sénateurs. Beaucoup de questions ont été posées par les journalistes qui se sont agglutinés sur la table des commissaires, mais le tennisman les a éludées avec tact. « Je donnerai un point de presse demain!» Toutefois, avant de laisser l’enceinte du parlement, Laurent Lamothe a clamé haut et fort que les documents qu’il a soumis prouvent que tout a été fait dans les règles et rappelé, à l’intention des sénateurs, qu’avant d’accuser un ordonnateur de corruption, de malversation ou de dilapidation des fonds Petrocaribe, il faut faire cet exercice de base consistant à obtenir le décompte final de chaque projet; vérifier si l’Etat a acquitté toutes ses dettes envers les firmes d’exécution et pourquoi les contrats sont toujours en vigueur, pourquoi n’ont-ils pas été résiliés?; s’informer s’il y a un rapport de carence pour déterminer qui doit qui et enfin s’il existe des retenues légales de garantie permettant à l’Etat de récupérer ces les fonds décaissés au besoin.

Share:

Author: `