Martelly et Manigat indexés dans une affaire de corruption

Manigat et Martelly le jour du premier tour des élections de 2010 (Photo: AFP)

Le Nouvelliste:La diffusion de l’enquête « Le chemin des millions » de Nuria Piera fait des vagues sur l’île. Elle indexe des politiques de haut rang pour largesses présumées.
Haïti: La journaliste Nuria Piera fait le buzz, des deux côtés de l’île depuis la diffusion, sur Channel 9, en République dominicaine, le 31 mars 2012, d’une enquête embarrassante : « Le chemin des millions ». Cette star de la télé en République voisine révèle que le candidat puis le président haïtien, Michel Martelly, a, entre février et novembre 2011, reçu plus de 2,5 millions de dollars à travers des intermédiaires du sénateur Felix Bautista (PLD), propriétaire de plusieurs entreprises de construction ayant obtenu de juteux contrats en Haïti après le séisme.

Le 5 novembre 2011, 150 000 dollars auraient grossi un compte en banque haïtien. 837 000 dollars de la compagnie « Construction Rofi » ont également été déposés sur un compte Unibank # 0102-1012-000942393, a informé la journaliste Nuria Piera. Les largesses du sénateur Felix Bautista, proche de Leonel Fernandez, ont facilité, entre autres, l’obtention d’un contrat à la « HADOM », une société inéligible aux appels d’offres à cause de sa patente obtenue du fisc dominicain seulement le 4 avril 2011, a souligné l’enquête. Selon la journaliste Nuria Piera, le sénateur et homme d’affaires Felix Bautista a également donné 250 000 dollars à la candidate à la présidence, Mirlande H. Manigat.

« La présidence a l’obligation morale et politique de fournir des explications suite à la publication de l’enquête de cette journaliste, qui, selon ce que j’ai entendu, est crédible », a commenté le sénateur Jean William Jeanty. Le sénateur des Nippes a cependant attiré l’attention sur ce dossier et d’autres scandales dont l’objectif est de « fragiliser l’Etat haïtien pour justifier la mise sous tutelle du pays ».

Tôt lundi, silence radio à la présidence, stupéfaction et indignation de Mme Manigat. « On n’a pas de commentaires », a répondu laconiquement une source proche de la présidence. Cependant, une source gouvernementale a révélé que « le pouvoir s’exprimera bientôt sur ce dossier ». Plus tard ce lundi un court communiqué a été rendu public.
.
Mme Mirlande H. Manigat a confié sur Magik 9 sa « stupéfaction » et son « indignation » en apprenant cette information qu’elle dit avoir d’abord prise pour un canular, un poisson d’avril. « Je n’ai pas reçu de l’argent directement pendant la campagne. J’avais un comité qui cherchait des fonds en Haïti, en République dominicaine, à Aruba, au Venezuela. Si le comité avait reçu un tel montant, j’en aurais été informée », a expliqué Mirlande Manigat. « Je n’accepte pas de pot-de-vin et je ne suis pas impliquée dans la corruption », a-t-elle ajouté, rappelant que l’une de ses consignes était de collecter des fonds, sans redevance aucune vis-à-vis du donateur. Mirlande H. Manigat a aussi indiqué qu’elle connaît le sénateur Felix Bautista et d’autres personnalités politiques en République dominicaine.

Manigat et Martelly se sont rendus à plusieurs reprises en République dominicaine pour y rencontrer le président Leonel Fernandez et d’autres responsables dominicains avant et après les dernières élections.

L’article 125 et suivant de la loi électorale interdit tout financement de plus de 2 millions de gourdes. Et pour toute donation de 100 000 gourdes, le donateur et le receveur doivent la déclarer à l’institution électorale, a indiqué Me Newton St-Juste sur Magik 9. Un mois après les élections, les partis politiques ont l’obligation légale de remettre au CEP le bilan de leurs dépenses, a ajouté le juriste, pour qui le financement occulte des campagnes électorales sera difficile à éradiquer.

Le CEP s’en balance

« Aucun parti politique n’a respecté cette disposition de la loi électorale », a confié un cadre du CEP. « La faute incombe en partie au CEP, qui ne fait pas pression sur les partis politiques », a confessé cette source qui souligne aussi que la loi électorale n’interdit pas aux partis politiques ni aux candidats d’accepter des financements de donateurs étrangers. « Ce n’est pas interdit. Il y a une seule obligation, le don doit être déclaré », a-t-il dit.

La publication de l’enquête de la journaliste Nuria Piera intervient moins d’une semaine après la « décoration de l’ordre Duarte Sanchez Mella au grade de Grand- Croix plaque d’or » décernée par le président Leonel Fernandez au 56e président d’Haïti, Michel Joseph Martelly, sur fond de campagne électorale en République voisine où le parti de Fernandez (PLD) brigue de nombreux postes. Cette distinction a été octroyée à Martelly alors que la polémique enflait, dans l’indifférence du Parlement, sur des contrats irréguliers, dont certains, avec des firmes dominicaines, passés en 2011.

L’ULCC n’est pas encore touchée de cette affaire

C’est seulement au niveau de la presse, comme tout le monde, que l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) a entendu parler de cette affaire. « Il n’y a rien d’officiel encore, on n’a pas été touché. Il existe des formes de saisies pour l’ULCC. Oui, comme tout le monde, on a eu l’information par notre section de presse. On attend », a fait savoir au Nouvelliste l’ancien colonel Antoine Atouriste, le directeur de l’ULCC joint au téléphone lundi soir.

Il a souligné que l’ULCC peut enquêter sur n’importe qui. Même le président de la République. Il suffit qu’il y ait des soupçons ou des évidences de corruption qui sont établies par des institutions prévues pas la loi, a-t-il avancé.

M. Atouriste a souligné qu’il y a la Cour supérieure des comptes qui traite de la régularité ou des irrégularités au niveau des comptes de l’Etat. De façon générale, il y a des sanctions administratives si l’acte d’irrégularité ne se porte pas vers la corruption. Mais, quand il y a des évidences de corruption ou des soupçons de corruption, automatiquement le dossier est acheminé à l’ULCC pour enquête.

Le Nouvelliste a tenté sans succès d’entrer en contact avec le directeur de l’UCREF et les responsables de la Unibank. Le nom de cette banque commerciale a été cité dans le rapport d’enquête de la journaliste dominicaine Nuria Piera.

Le Nouvelliste a aussi tenté en vain de parler à l’ambassadeur dominicain en Haïti dont le pays est au coeur de cette affaire.

Roberson Alphonse
et Robenson Geffrard

Share:

Author: `