Un sommet stratégique pour la diplomatie d’affaires

Le Nouvelliste | Publié le : 2013-01-21
Carl-Henry CADET aloccarlo@hotmail.com
Les défis et enjeux de la coopération et des relations économiques entre les pays de l’Union européenne (UE)et ceux de la région de l’Amérique latine et des Caraïbes (ALC) seront au coeur des discussions cette semaine à Santiago entre les leaders des deux régions. Au 7e sommet de l’Union européenne et de la Communauté des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes, Haïti, engagée dans une diplomatie d’affaires, aura l’occasion de promouvoir ses priorités pour la reconstruction.
Le président Michel Martelly accompagné du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy lors de son périple en Europe en novembre 2012.
Le président Michel Martelly accompagné du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy lors de son périple en Europe en novembre 2012.
Reuters
C’est sous les thématiques de l’investissement et du développement durable que se tiendra le 7e Sommet de l’Union européenne et de la Communauté des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes. Les 26 et 27 janvier courant, les dirigeants de l’Amérique latine et des Caraïbes et leurs homologues de l’Union européenne sont attendus à Santiago, en Chili, pour donner ” un nouvel élan” à leur coopération.Ce rendez-vous international s’annonce comme une nouvelle vitrine pour le gouvernement haïtien en quête d’opportunités économiques. Bien que les discussions ne se porteront pas spécifiquement sur un pays, la problématique de la reconstruction d’Haïti, 3 ans après le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier, figure dans l’agenda des rencontres. Dans son discours devant le Parlement européen en novembre dernier, le président Michel Martelly avait souhaité qu’Haïti casse les chaînes de sa dépendance à l’aide humanitaire, grâce à une coopération économique.

Entre aide et investissement

” Haïti a encore besoin d’aide, mais les Haïtiens ont surtout besoin de travail productif, d’échanges commerciaux, d’investissements directs “, avait déclaré le chef de l’Etat. En ce sens, le sommet de Santiago entend répondre à cette attente du gouvernement haïtien. ” Il ne s’agira pas d’une conférence de levée de fonds, précise Christiane Leffleur, manager directeur pour l’Amérique latine et les Caraïbes pour le service européen des actions extérieures. Mais plutôt d’une réunion de discussions sur les stratégies de long terme de la coopération entre les deux régions.

Principal donateur d’Haïti depuis le tremblement de terre de 2010, l’UE entretient des relations économiques de plus en plus intenses avec les pays de l’ALC. Deuxième partenaire commercial de la région (1), elle représente aussi le premier investisseur étranger dans les pays du CELAC ( avec 43% des investissements directs étrangers de la région)(2). En matière d’échanges économiques et commerciaux, ” il y a un potentiel d’expansion considérable “, estiment, néanmoins, les responsables de l’UE.

C’est dans cette perspective que la coopération au développement de l’UE envisage de lancer, le 22 mars prochain, un programme de facilitation des investissements dans la Caraïbe. Ce programme, déjà implémenté en Afrique et en Amérique latine, vise à supporter le développement de deux axes importantes dans la promotion des investissements : la construction d’infrastructures et la capitalisation du secteur privé.

Si les discussions se porteront aussi sur la sécurité juridique, le développement durable et la responsabilité sociale, les questions économiques sont prévues comme les sujets centraux du sommet de Santiago. En prélude à cet événement auquel est attendu le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et celui de la commission européenne, José Manuel Barroso, un sommet rassemblera plusieurs hommes d’affaires des deux régions.

Entre risques et opportunités

Premier marché du monde occidental avec ses 500 millions de consommateurs, l’UE présente des opportunités peu exploitées par Haïti malgré les avantages commerciaux dont ce dernier bénéficie. En 2010, Haïti exportait pour seulement 26 millions d’euros vers l’Union européenne alors qu’elle importait pour plus de 206 millions de l’Ancien Continent. Elle dirigeait 5% de ses exportations vers l’Europe et y achetait 6% de ses importations (4). Pourtant, le pays, qui a signé les Accords de partenariat économique (APE) en décembre 2009, pourrait tirer le maximum de bénéfices en adoptant une stratégie pro-active.

Avec une forte croissance ces dernières années (moyenne de 4,5% au niveau régional), les économies de l’ALC sont de plus en plus considérées comme une bouée de sauvetage par les pays de l’UE en proie à des crises économiques sévères. Mais pour soutenir cette croissance pendant les deux prochaines années, la région de l’ALC devra s’appuyer sur un environnement macroéconomique plus accommodant, des flux de capitaux plus substantiels (notamment d’IDE) et une demande externe plus robuste, selon les recommandations de la Banque mondiale (5).

Au niveau de la zone euro, par contre, les perspectives économiques restent sombres : cette dernière devra attendre 2014 pour renouer avec la croissance (6). Est-ce un risque pour sa coopération avec les pays de l’ALC ? Christiane Leffleur ne le nie pas. ” Malgré les difficultés économiques actuelles, les Etats de l’UE partagent la vision de poursuivre leur aide au développement “, tente de rassurer le cadre de l’UE.

A la tribune du parlement européen, le président Martelly avait reçu l’engagement du peuple européen de rester un partenaire fiable aux cotés des Haïtiens. “Nous voulons aider votre pays à devenir un pays stable et démocratique”, avait promis le président du Parlement, Martin Schulz.

Le gouvernement haïtien qui, lors de cette mission, avait présenté la reconstruction nationale comme un tremplin pour les entreprises européennes, aura l’opportunité de poursuivre sa stratégie de diplomatie d’affaires au Sommet de Santiago.

Carl-Henry CADET aloccarlo@hotmail.com

Le Sommet de Santiago sera le septième sommet de l’UE depuis celui de Rio de Janeiro qui a institué un ” partenariat stratégique” entre les deux régions. En 2010, la région ALC a mis en place la Communauté des Etats latino-américains et des Caraïbes (CELAC). Et c’est cette communauté qui représente l’homologue de l’UE dans le processus de partenariat birégional.
(1) Les échanges de biens entre l’UE et les pays de la région ALC se chiffrent aujourd’hui à 202 milliards d’euros. Source : Union européenne. (2) La valeur de ces investissements directs étrangers est estimée à 398 milliards d’euros. Source : Union européenne. source : Union européenne. (3) « Opportunité pour les entreprises du textile habillement d’Haïti de développer leur activité avec l’UE », rapport produit par Roger Zacaropoulos, consultant de la Commission européenne, l’Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP) et le Centre de développement de l’entreprise. (4) “L’union européenne, un grand marché ouvert à Haïti”, Claude-Bernard Célestin, revue Momentum, organe de la Chambre de commerce et d’industrie de l’Ouest, deuxième édition, pages 79-80, juillet 2012. (5) Perspectives solides pour le monde en développement, mais des embûches à l’horizon, Perspectives économiques mondiales, janvier 2013, Banque mondiale. (6) Idem.
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