Un 18 Novembre sans éclat

Le Nouvelliste | Publié le : 2012-11-19
Robenson Geffrard rgeffrard@lenouvelliste.com
Entre manifestation de rue contre le pouvoir en place et indifférence des plus hautes autorités du pays, le 209e anniversaire de la Bataille de Vertières a été célébré en Haïti sans éclat ni respect pour les Héros de l’indépendance. Dans un message préenregistré, le président de la République a tenté d’expliquer son absence du pays alors que le Premier ministre, lui aussi absent le 18 novembre, a fait le mort.

18 novembre. L’une des dates les plus importantes dans l’histoire d’Haïti. Elle ramène l’anniversaire de la Bataille de Vertières qui a conduit à l’indépendance du pays.  Paradoxalement, ni le chef de l’Etat, Michel Martelly, ni le Premier ministre Laurent Lamothe ne sont au pays. La première dame de la République et les membres du gouvernement ont simplement déposé une gerbe de fleurs sur le chevalet d’honneur.  Ensuite,  les ministres et le haut état-major de la police nationale ont fait une petite tournée au Musée du Panthéon national, « pour saluer la mémoire des Pères fondateurs de la Patrie. » Rien de plus pour marquer cette grande date.

A Port-au-Prince, à l’initiative de plusieurs organisations populaires se réclamant de la mouvance Lavalas, des milliers de gens, mécontents de l’absence du chef de l’Etat du pays pour cette date historique, ont gagné les rues pour critiquer et réclamer le départ de Michel Martelly. Selon eux, l’absence du président de la République ce 18 novembre  prouve que ce dernier n’a aucun respect pour le pays encore moins pour les Héros de l’indépendance.

«  Le président veut faire plaisir au Blanc. C’est pourquoi il n’est pas au pays pour commémorer la victoire des Noirs sur les colons », ont lancé plusieurs manifestants. Les protestataires, qui ont eu le support de plusieurs leaders politiques, comme Paul Denis, en ont profité une fois de plus pour dénoncer la hausse des prix des produits de première nécessité sur le marché.

Au Cap-Haïtien, où la Bataille de Vertières a eu lieu entre la puissante armée napoléonienne et l’armée indigène, les activités pour célébrer le 209e anniversaire de la victoire glorieuse des esclaves sur leurs colonisateurs n’étaient pas plus solennelles que dans le reste du pays. Entre le Te Deum et la parade d’élèves, les Capois, sinistrés après les inondations meurtrières de la semaine dernière, ont, dans la poussière, marqué cette date.

La tentative d’explication du chef de l’Etat

Depuis jeudi dernier, le président Martelly se trouve en Europe où il a déjà participé au XXIIe Sommet ibéro-américain des chefs d’Etat et de gouvernement et continue de rencontrer d’autres personnalités internationales. Dans un message préenregistré, diffusé le 18 novembre, le chef de l’Etat a expliqué qu’il n’est pas au pays pour célébrer ce 209e anniversaire de la Bataille de Vertières parce qu’il a pris «  ses bâtons de pèlerin pour aller chercher des opportunités d’investissement partout afin de créer des emplois pour la population… »

« Je vous salue en cette journée historique de ce 18 novembre et je vous dis que la lutte pour améliorer les conditions de vie de la population ne va pas s’arrêter », a-t-il déclaré. Le chef de l’Etat a réitéré ses promesses de sécurité et de stabilité afin d’attirer les investisseurs internationaux.

« Ceux qui sont contre la paix et la stabilité  sont des ennemis de la démocratie, du pays, du développement et de la population. Seules la paix et la stabilité peuvent mettre le pays sur les rails du développement… », a-t-il affirmé.

Selon Michel Martelly, le temps est donc venu « pour nous d’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire de cette grande terre. Il est impérieux que nous réapprenions à vivre ensemble dans l’harmonie et la paix pour nous focaliser sur ce qui nous rassemble, nous rapproche et nous unit en vue de cheminer ensemble vers la nouvelle Haïti que nous entretenons tous dans nos rêves depuis des lustres. »

Dans son discours, le chef de l’Etat a rappelé que la population l’a hissé au timon des affaires pour que « nous retrouvions la fulgurance de Cappoix-La-Mort se relevant de sa chute et brandissant son épée pour entraîner ses troupes…comme lui, je crie aujourd’hui : « Grenadiers à l’assaut».

« Nous devons remporter ensemble tous les Vertières qui se dressent devant nous. C’est pourquoi il nous faut gagner les Vertières de l’éducation pour tous, de l’emploi généralisé, de la réhabilitation de l’environnement et de l’instauration de l’Etat de droit. Il nous faut donc oser les affronter ensemble et les vaincre en suivant les grands enseignements de notre histoire… », a-t-il ajouté.

Parallèlement, Michel Martelly n’a pas oublié ses promesses de campagne consistant en la remobilisation des Forces armées d’Haïti. « En ce 18 novembre, date inscrite au palmarès de l’humanité et consacrée par la Constitution en vigueur comme le jour des Forces armées, je réitère à la nation et au monde entier ma ferme volonté de continuer à travailler à mettre sur pied la force publique nationale constitutionnelle en m’inspirant bien évidemment du souhait largement exprimé par tous les secteurs de la vie nationale d’un retrait progressif des forces étrangères et d’une prise en charge par l’Etat haïtien des fonctions essentielles de défense et de sécurité nationale, remplies jusqu’ici par la force onusienne », a indiqué le président.

De belles paroles qui ne convainquent pas des leaders de l’opposition politique

Visiblement, les explications du chef de l’Etat pour justifier son absence du pays ce 18 novembre n’ont pas convaincu les leaders de l’opposition politique. « C’est un scandale inacceptable », a fulminé Mirlande Manigat, secrétaire générale du RDNP. « Lorsqu’on est à la tête de l’Etat, il faut assumer ses responsabilités », a-t-elle lancé aux autorités du pays.

Selon madame Manigat, les dirigeants d’Haïti, Michel Martelly et Laurent Lamothe, n’ont pas eu une éducation axée sur l’amour de la patrie, le respect des héros et des dates importantes pour le pays.

« Aucune conférence, aucun sommet n’est plus important que la célébration de la Bataille de Vertières », a fait remarquer l’ancienne candidate à la présidence. Madame Manigat a indiqué que le XXIIe Sommet ibéro-américain n’a pas de grande importance pour le pays. « Rien ne peut expliquer son absence », a-t-elle souligné.

Pour sa part, Evans Paul du KID pense que l’absence du président Martelly au pays le 18 novembre est un mépris à cette grande bataille menée par nos ancêtres pour la liberté du pays sous le joug de l’esclavage. « C’est aussi une absence de culture historique chez le président qui ne sait pas les valeurs historiques de cette date. S’il s’agissait d’une activité de carnaval, je ne crois pas que le chef de l’Etat aurait quitté le pays », a-t-il relevé.

Pour le Premier ministre Laurent Lamothe, lui aussi absent du pays le 18 novembre, l’on sait qu’il a été en Floride aux Etats-Unis jeudi dernier pour prendre part comme ancien étudiant de l’Université Saint Thomas à un forum sur l’entrepreneuriat. Le Nouvelliste a tenté en vain d’entrer en contact avec le chef du gouvernement pour savoir les causes de son absence du pays dimanche dernier.

Robenson Geffrard rgeffrard@lenouvelliste.com
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