SUCCAR Salim VS Canada

Ce jeudi 16 février 2023, c’est avec indignation que j’ai appris sur les réseaux sociaux que  le Gouvernement du Canada, que vous représentez en Haïti, avait inscrit mon nom sur une liste de  personnalités frappées par des sanctions ayant toute sorte de motifs, dont celui, non avéré, retenu  à mon encontre, que j’aurais accompli des actes de corruption à grande échelle. 

La décision du secteur bancaire local, entre autres, de mettre en application ces sanctions  et de bloquer systématiquement et arbitrairement les comptes en banque des sanctionnés m’a vite  fait prendre conscience de la gravité de la situation et des risques de mort civile y attachés. 

La présente se veut être une dénonciation de la légèreté avec laquelle des accusations  fallacieuses, portées par des personnes dont je mésestimais les capacités de nuisance, ont pu  trouver des oreilles complaisantes au sein de l’ambassade du Canada en Haïti, au point de les  transmettre aux autorités étatiques canadiennes empressées d’exécuter des sanctions prévues par  la résolution 2653 de l’ONU du 21 octobre 2022 et de sanctionner le soussigné en vertu du  règlement du 15 février 2022 modifiant celui entré en vigueur le 3 novembre 2022 sur les mesures  économiques du Canada visant Haïti. 

Je ne doute pas en effet que vos attributions vous portent naturellement à faire part à vos  supérieurs hiérarchiques du développement de toutes les activités locales haïtiennes susceptibles  d’influencer la politique du gouvernement canadien vis-à-vis d’Haïti.

Ne voulant pas encore douter de votre bonne foi dans le désir affiché de contribuer à la  lutte contre les gangs armés, cette lettre se veut surtout un plaidoyer en faveur d’un réexamen de  la fiabilité de vos sources d’informations, assorti des rectifications qui s’imposent d’elles-mêmes  auprès de votre gouvernement, de manière à ce que mon nom soit définitivement rayé de la liste  de vos sanctionnés. 

En ce qui concerne l’énormité des accusations de trafic d’armes, un retour en arrière  s’impose : de mai 2012 à décembre 2014, j’ai été un collaborateur immédiat du Premier ministre  haïtien d’alors, monsieur Laurent Salvador Lamothe. D’abord comme Directeur de cabinet  pendant les trois premiers mois, puis comme conseiller juridique. Pendant cette période, le  gouvernement auquel je prêtais mes services, prit la résolution de placer une commande d’armes,  de munitions et d’équipements divers, destinés à la Police nationale, pour lui permettre de  combattre la criminalité sans cesse grandissante. Ces équipements transitèrent du reste par le  Canada, avec, bien sûr, l’aval de ce pays ami, lesquels contribuent jusqu’à présent à équiper la  plupart des entités spécialisées des forces de police.  

Plus de dix (10) ans après que les autorités compétentes que sont le Ministère de la Justice  et de la Sécurité Publique et la Police Nationale d’Haïti eurent pris livraison de ces armes à la  douane de Port-au-Prince 1 un ancien député élu en 2012, en mal de paraître ayant échoué à se  faire élire sénateur de l’Ouest aux élections générales de 2016, s’amuse encore, après avoir échoué  à maintes reprises, à m’accuser de trafic d’armes à feu. Ce personnage à moralité pour le moins  douteuse, ancien repris de Justice se targuant d’avoir fait partie des Forces armées d’Haïti jusqu’à  la démobilisation de celles-ci en 1995, entama alors une campagne médiatique tous azimuts visant  ma personne ainsi que celle de l’ex premier Ministre Lamothe pour tenter de rester dans l’arène  politique. 

Ces graves accusations ne se cantonnèrent pas à être proférées au cours de « conférences de  presse », largement relayées, mais firent l’objet au cours de ces dernières années de plaintes et  dénonciations formelles auprès des autorités haïtiennes de poursuite en matière pénale, lesquelles,  au vu de l’indigence de l’argumentaire et des pièces y attachées firent régulièrement classées sans  suite par le parquet du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince 2 et qualifiées de  diffamation par les tribunaux étrangers.3 

Aussi, j’ai peine à m’imaginer que ces prétendues « informations » étayées sur de tels  amalgames fomentés par un esprit dérangé, et aient pu être prises au sérieux par l’ambassade du  Canada en Haïti. La résolution du 15 février 2023 du gouvernement canadien me concernant réfère  à des « actes de corruption importants », à une « fraude à grande échelle » et à la « mauvaise  gestion des fonds publics. », accusations gratuites ne serait-ce que du fait qu’à aucun moment de  ma vie je n’ai été comptable de deniers publics.  

1 Annexe 1: Copie de l’Accusé réception de la PNH 

2 Annexe 2: Classements sans suite du Parquet 

3 Annexe 3: Article du Nouvelliste confirmant le cas de diffamation 

2 | Page 

Monsieur l’Ambassadeur, 

Selon les informations qui me sont parvenues, il semblerait que votre deuxième source  « d’informations », viendrait d’une personnalité du milieu des affaires devenue très proche de vous  et avec laquelle j’ai entretenue une liaison romantique qui a mal tournée. 

Ses diatribes ayant sans doute porté sur des faits allégués de corruption auraient été tenues  à mon encontre, sous le sceau de la confidentialité et de l’immunité. Elles ont sans doute visé un  tout autre agenda que celui du bien-être de la population. Elles ne pourraient avoir d’autre but que  de jeter l’opprobre et le discrédit sur ma personne, ma famille et même mes collaborateurs. Cette  personne étant assurée qu’elle a pu trouver des oreilles complaisantes au sein de l’ambassade du  Canada en Haïti.  

Soyez persuadé, monsieur l’ambassadeur que je défendrai mon honneur et ma dignité par  devant toutes les instances concernées de votre pays, y inclus les commissions d’éthique au sein  de votre gouvernement et de votre parlement. 

Tout en saluant à leur juste valeur les efforts du Canada pour appuyer le gouvernement  haïtien dans la lutte contre la prolifération exponentielle de gangs armés terrorisant, massacrant et  kidnappant des membres de la population, ayant d’ailleurs personnellement échappé de justesse à  une fusillade des gangs de Laboule 124 , ayant dû payer maintes rançons pour des proches  collaborateurs victimes d’enlèvement et ayant rallié toute la société civile et des affaires pour la  signature de la pétition du 26 mars 2022 contre l’insécurité5, je me sens tout de même en droit de  questionner la méthodologie des prises de sanctions décidées en toute opacité par votre pays, sans  possibilité pour les concernés de se défendre, ou d’avoir accès au dossier d’inquisition dont ils sont  l’objet, donc en violation flagrante des principes universels en matière de garantie judiciaire. 

Des voies venant d’horizons divers commencent à se faire entendre pour de pareils  questionnements. Ainsi, ce lundi 20 février 2023, la fondation « Droits Humains Sans Frontières »  s’alarmant contre cet état de fait, a déposé au bureau du Haut-commissariat des Nations Unies un  rapport contenant une analyse générale des droits humains en Haïti, dans lequel il est dénoncé ces  nouvelles pratiques d’indexation sans preuves qu’elle juge illégales et arbitraires, et pour lesquelles  une demande de réparation des dommages causés à la dignité de ces personnes.  

Le soussigné se veut partie prenante de ce mouvement qui démarre et qui ne fera que  s’amplifier dans les jours et les semaines à venir. 

Pour terminer, et sans vanité aucune, je me targue au cours de mes vingt (20) ans de carrière  comme avocat, d’avoir toujours travaillé du bon côté de l’état de droit ayant participé  successivement à la mise en place de l’infrastructure haïtienne de lutte contre le blanchiment des  

4 Annexe 4: Article sur l’attaque dont j’ai été la victime 

5 Annexe 5: Copie de la Pétition contre l’Insécurité

3 | Page 

avoirs (CNLBA) à la mise en place de l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF),  ayant représenté Haïti au Groupe d’Action Financière de la Caraïbe (GAFIC), et au Groupe  d’Action Financière International (GAFI), et ayant participé à la rédaction de la nouvelle loi de  lutte contre le blanchiment des avoirs et contre le financement des activités terroristes ainsi qu’aux  travaux visant à l’adoption de la loi contre la corruption. Ces actions rentrent en ligne droite de la  logique de la carrière honorable que j’ai choisie.6  

Monsieur l’Ambassadeur, 

Je reste persuadé qu’après l’éducation, le bien le plus précieux que vous aspirez à  transmettre tout comme moi à vos enfants, est un nom honorable et sans tâche, pour qu’ils gardent  la tête droite. 

Aussi, je vous demande, au regard de mon droit sacré à la défense et en vertu des principes  du contradictoire et de l’État de droit, de bien vouloir me communiquer toutes les preuves que  vous pourriez avoir et tous les témoignages qui vous ont conduits à susciter l’adoption unilatérale par votre Pays de cette décision grave et inique qui ne fait que ternir ma réputation et celle de ma  famille. 

Dans l’attente, tout en vous remerciant de votre attention à la présente qui se veut être une  lettre ouverte, je vous prie d’agréer mes civilités.  

Salim SUCCAR, Avocat 

  1. : M. Ariel Henry, Premier Ministre 

: M. Jean Victor Généus, Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes : Commissariat aux Conflits d’Intérêts et à l’Éthique 

: Fondation « Droits Humains Sans Frontières » 

6 Cartons de participation aux réunions des Institutions Internationales et CV

4 | Page 

Share:

Author: `