Haïti: Une campagne de presse, de toute évidence commanditée, menée tambour battant autour de contrats de travaux publics ou de services engageant ma signature avec des firmes dominicaines et haïtiennes est en cours. Pour les tenants de cette opération de lynchage médiatique, ces contrats auraient été conclus dans des conditions irrégulières par le seul fait qu’ils seraient intervenus dans les jours qui ont précédé la cérémonie de passation des pouvoirs au président Martelly ou dans les semaines qui ont suivi sa prise de fonction, ou encore par le fait que des procédures liées à la passation des marchés publics n’ont pas été totalement et scrupuleusement respectées. Pourtant l’on semble oublier que l’alinéa 2 de l’article 3 de la Loi sur les marchés publics stipule clairement: « Sont exempts des dispositions de la présente Loi, les marchés publics découlant de l’application de la Loi d’Urgence » !
De là à insinuer et même accréditer, tout bonnement, l’existence de pots-de-vin ou de dessous de table est un pas qui semble avoir été vite franchi. Dans l’intérêt de la vérité, je me vois dans l’obligation de sortir de la position de réserve dans laquelle je m’étais cantonné en ma qualité d’ancien Premier ministre, pour ne pas interférer dans les affaires gouvernementales, et rétablir les faits.
Je ne crois pas qu’il soit tellement nécessaire d’insister sur l’environnement dans lequel ces contrats ont été passés. Le séisme du 12 janvier 2010 et ses conséquences dévastatrices sont encore présents dans tous les esprits. Pour faire face à cette catastrophe d’une ampleur inégalée à l’échelle du pays, une loi d’urgence a été adoptée par le Parlement permettant au gouvernement de recourir à des procédures exceptionnelles, incluant la passation de marchés publics.
L’assistance internationale dans ces moments post-tragédie a été d’un grand secours. Mais elle s’est surtout adressée à la situation humanitaire. En outre, le déblocage des fonds externes obéit à des conditionnalités extrêmement lourdes, avec des délais de décaissement relativement longs. Un exemple : s’il avait fallu attendre un financement étranger, la route Gonaïves/St-Marc serait encore un cauchemar. Ce tronçon a pu être réalisé grâce aux ressources du fonds Petrocaribe. Et aujourd’hui, Gonaïves se trouve à 2 heures de route de Port-au-Prince.
En dépit de ses faibles ressources, le gouvernement ne pouvait rester les bras croisés. Il se devait de relever le défi, de démontrer que nous, Haïtiens, pouvions prendre en mains notre destin et amorcer la reconstruction. Ce faisant, le gouvernement se trouvait en phase avec l’un des choix fondamentaux du président Préval de doter le pays d’un ensemble d’infrastructures pour combler les carences du pays dans ce domaine et asseoir définitivement les bases de son décollage économique.
La campagne d’intoxication en cours a tenté d’incriminer la période de signature de ces contrats. A entendre des auteurs de cette campagne, ces contrats auraient été conclus à la va-vite et, circonstance aggravante, à l’insu de la nouvelle équipe au pouvoir. Rien n’est plus faux. Et je le dis haut et fort.
D’abord, les protagonistes de cette campagne font l’impasse sur le délai pour arriver à la signature d’un contrat. Un contrat, ça se négocie, et la négociation réclame du temps. Il y avait donc un certain nombre de projets de contrats en cours de négociation. Et leur aboutissement a coïncidé, pour certains d’entre eux, avec l’avènement d’un nouveau président de la République à la tête de l’Etat. La question était dès lors : que faire ? Je n’allais tout de même pas engager la nouvelle administration en gestation sans avoir son aval formel.
Dès l’élection du président Martelly, le président Préval et moi-même l’avons rencontré à plusieurs reprises. Parmi les dossiers d’Etat qui lui ont été présentés, la question de ces contrats a été mise sur le tapis : les chantiers retenus, leur objet, le coût des travaux, les délais d’exécution, tout a été passé en revue.
Je rappelle que j’étais dans une période couverte par la loi d’urgence et j’étais toujours investi des pouvoirs qui m’autorisaient à engager l’Etat en recourant à des procédures célères de passation de marchés publics, telles le gré à gré ou les appels d’offres restreints.
Je ne veux pas tomber dans une espèce d’autosatisfaction ou de vantardise mal placée. Mais je constate que la grande majorité des inaugurations, présidées par la nouvelle administration, portent sur des chantiers initiés ou laissés par mon gouvernement. Je parie qu’il en sera de même pour au moins les prochains 12 à 14 mois. Et il est bon que la continuité de l’Etat le permette. Les gens se font bien des illusions sur le temps de maturation d’un projet, de sa conception à son démarrage, voire à sa finition.
Les contrats signés, j’ai attendu l’investiture du président Martelly pour ordonner les avances de démarrage en m’assurant, une fois de plus, que le chef de l’Etat et son équipe étaient d’accord avec le financement de ces travaux. De longues et ardues discussions ont même, dans certains cas, conduit à des aménagements importants des cahiers des charges.
Les vices de forme signalés dans ledit document sont ridicules. Par exemple, comment respecter scrupuleusement la nécessité qu’une compagnie justifie de cinq ans de pratique en Haïti alors qu’il était justement établi que nous avions besoin de nouvelles compagnies qui puissent répondre aux appels d’offres. Ce qui est sûr, c’est qu’à date, aucune compagnie haïtienne ou étrangère n’a pu démontrer que les tarifs accordés pour les différents contrats aient été surévalués. Quant aux fautes typographiques et incorrections grammaticales, il faut avouer qu’elles sont regrettables mais, dans les conditions de l’époque, compréhensibles et surtout ne lèsent en rien les intérêts de l’Etat haïtien. La capacité de résilier les contrats sans préavis par l’Etat haïtien est une clause qui, contrairement à ce qu’avancent les « amis » de Monsieur Conille, protège l’Etat ! De toute façon, il a toujours moyen d’apporter les éventuelles corrections nécessaires de façon administrative et responsable sans pour autant vouloir crier au loup sur la place publique. Discréditer ainsi toutes les institutions responsables du contrôle ne peut en rien aider à l’ouverture prônée vers le secteur privé.
Une deuxième ligne d’attaque cible la nationalité des firmes engagées. Il n’y a pas eu une volonté de mon gouvernement de privilégier les firmes dominicaines au détriment de compagnies haïtiennes ou immatriculées ailleurs dans le monde. Je ne sais à quel mobile obéissent ceux qui cherchent à indexer des compagnies dominicaines et m’ont accusé d’être en collusion avec elles. Est-ce une forme de nationalisme étroit et, pour tout dire, dépassé ? Je n’ose pas le croire. En tout cas, certains n’hésitent pas à faire flèche de tout bois et, foulant aux pieds les nombreuses manifestations de solidarité haïtiano-dominicaine, n’hésitent pas à ressusciter, pour les besoins d’une cause innommable, les relents d’un anti-dominicanisme primaire. Où est l’intérêt du pays dans cette campagne d’intoxication ? Je ne crois pas avoir de leçons de patriotisme à recevoir de quiconque. Mon choix de rester haïtien et mettre Haïti au-dessus de tout projet personnel ou de tout choix de carrière ne souffre pas de discussion. Je viens d’une famille qui a dû subir l’exil à la fin des années 50, connues comme le point de départ des années de plomb dans notre histoire politique, pour rentrer au pays une fois que les conditions le permettaient POUR NE PLUS LE QUITTER. Ma passion d’Haïti n’est pas un choix occasionnel, le temps d’une fonction politique. C’est un choix viscéral. C’est un choix profond qui fait corps avec moi-même. Port-au-Prince, le 15 mars 2012 Jean-Max Bellerive
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