Où est passé Joseph Robert François Marcello ? par Pierre Raymond Dumas

Haïti: 12 janvier 2009, 8 h 30 a.m. Hallucinés, accablés par la brutalité du désastre, on a appris l’enlèvement de Joseph Robert François Marcello aux abords de sa résidence sise à Delmas. Suspens vertigineux.

Marcello, ce n’est pas n’importe qui. Et sûrement pas un simple fonctionnaire anonyme. C’est le Coordonnateur de la Commission Nationale des Marchés Publics, placée hiérarchiquement sous l’autorité du Premier ministre, depuis 2005. On voudrait que ce soit une plaisanterie. Pas lui, pas les autorités gouvernementales totalement silencieuses, dans les rôles de victime et d’Etat «opaque» de ce si glauque fait divers. Laxisme, démission.

Les mêmes grands mots reviennent dans toutes les bouches, en privé, dans les bureaux publics, à la radio. On cherche des explications, on appelle les amis, on discute avec frénésie et anxiété. Ce kidnapping de l’un des grands commis de l’Etat a provoqué une intense émotion collective accompagnée d’un épouvantable sentiment de malaise né du mutisme dérangeant, inacceptable, incompréhensible des autorités juridico-policières et des dirigeants politiques. Rien ne va dans cette attitude silencieuse. Ça ne colle pas. L’indifférence ou l’insouciance des uns. L’amnésie des autres. Plaies puantes. Laxisme, démission.

ENGAGEMENT PATRIOTIQUE

Ça y est, je vois. A la Primature, je rencontrais souvent Marcello. Intransigeant, loin du l’administrativement correct de la signature business. Discrétion et gentillesse. Une des rares figures intègres d’une nation noyée dans les scandales de corruption. Réaliste mais pas résigné. La République de Port-au-Prince n’aime guère la rectitude, Marcello, si. Cadre retraité de la Banque Nationale de Crédit (BNC), il s’est forgé des convictions, profondes. Avec toujours au centre l’idée qu’on ne peut pas éviter l’engagement patriotique, chacun à sa façon, dans son bureau ou son petit coin, avec fracas ou tout doucement.

Nos rencontres professionnelles et amicales, nos conversations chaleureuses, quels enseignements ! Et on écoute Marcello et sa voix prenante, Marcello et son sourire accueillant, Marcello et son goût contagieux pour le poisson grillé ou boucané, Marcello et ses anecdotes enrichissantes, Marcello et son ton péremptoire de gardien du bien commun quand il s’enflamme sur les cas de mauvaise gestion financière ou de concussion avérée.

Et ce ne sont pas l’indifférence et l’amnésie qui l’emporteront en fin de compte, qui nous empêcheront d’évoquer cette franche amitié. Ce drame infini profane trop de vies et de rêves, impose et pose trop de questions dont on craint de deviner les réponses tant elles concernent les tristes ravages de l’insécurité, de la violence maffieuse ou de l’inimitié personnelle et les liens obscurs de la cupidité et du banditisme. Laxime, démission.

L’incertitude, étouffante, est ici seule reine, laissant une famille anéantie, des proches et des amis désemparés, qu’aucune explication judiciaire ou transversale – délinquance d’ordre économique, maladie, pur hasard, contrat – ne pourra pas apaiser. On accumule les rumeurs, on suppute. Jusqu’à s’en casser la voix, mais pour de vrai, au fil des questions auxquelles aucune autorité n’a de réponse. Laxisme, démission et immobilisme politico-sécuritaire.

Menacée, la fille de Marcello laisse le pays

Méthilde Marcello, la fille de l’ex-directeur du CNMP Joseph François Robert Marcello, a laissé le pays la semaine dernière suite à des menaces qu’elle dit avoir reçues en relation avec l’enlèvement et la disparition sans suite de son père le 12 janvier 2009 alors que ce dernier, objet de menaces de mort, rentrait chez lui à Delmas.

Ingénieur-agronome, diplômée de l’Université Quisqueya, Méthilde Marcello travaillait comme consultante en gestion des risques et désastres dans un organisme public. « Elle a laissé Haïti toutes affaires cessantes au début de la semaine dernière et a envoyé sa démission jeudi à son arrivée aux Etats-Unis d’Amérique. A ses proches collègues, elle a fait savoir que c’est suite à des menaces directes liées à l’affaire Marcello qu’elle a pris sa décision », a indiqué au Nouvelliste une de ses connaissances.

Méthilde Marcello était le seul membre de la famille de M. Marcello qui vivait encore Haïti. Son départ précipité – qui ressemble à s’y méprendre avec une fuite en exil – est intervenu après la désignation de Jude Célestin, directeur général du CNE, comme candidat de Inite pour les prochaines présidentielles. La clameur publique avait toujours établi un lien entre le Centre National des Equipements (CNE) et la disparition de Joseph François Robert Marcello qui dirigeait le jour de sa disparition la Commission Nationale de Passation de Marché.

Rongée par l’angoisse, une autre fille de M. Marcello, Rose Marcello, le 6 février 2009, avait confié dans une lettre ouverte que l’un des reproches qu’on pouvait faire à son papa était, malgré son pragmatisme légendaire, d’avoir été trop naïf envers l’Etat haïtien, d’avoir trop cru à la décence des uns et des autres ; d’avoir cru, même parfois par-delà ses négations, qu’une autre Haïti est possible ; que chacun sur cette île a droit à une vie décente.

« Jamais je n’ai pensé être un jour de ces femmes et filles qui, dans des stades et sur des places publiques au Chili, en Argentine et en Espagne, défilent avec une photo dans un cadre. Mais j’y suis prête. La vie m’y a préparée. En un quart de siècle, j’ai vu des soulèvements populaires, des coups d’Etat, des changements de régime, un million d’hommes périr et une famille noire à la Maison Blanche… et tant de choses encore. Je ne reculerai pas devant ma destinée. Si je dois passer des heures au soleil, une photo en main, je le ferai. Pas parce que j’espère en la justice haïtienne, pas pour crier réparation ou vengeance, mais tout simplement pour lui, parce qu’il le mérite. Car si les rôles étaient inversés, cet homme aurait marché jusqu’en enfer pour nous. Je n’ai pas le droit d’abandonner », avait écrit Rose Marcello qui a eu 25 ans le jour du rapt.

Selon des sources proches de la police judiciaire, un suspect a été arrêté. Un an, jour pour jour, après l’enlèvement de M. Marcello, le dossier avait perdu de son actualité à cause du tremblement de terre du 12 janvier. Avec le départ de Méthilde Marcello, l’affaire risque de rebondir et de faire des remous…

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1 thought on “Où est passé Joseph Robert François Marcello ? par Pierre Raymond Dumas

  1. Looks like Preval, Celestin – and company, are about to be attacked for their crimes. The Masrcellos kidnap, and murder, on the orders of Celestin/Preval, by AMaraql Duclona is well documented.

    Duclona was captured and interrogated, befor extradition to France, for the Preval-ordered murder of a French consul. Duclona said he kidnapped and killed Marcello on the direct orders of Preval.

    Celestin obtained a false passport, for Duclona, and Duclona stayed at the house of Preval’s sister before escaping to the DR.

    Celestin then took Marcello’s place and stole millions of dollars.

    Now it is time for Justice.

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