Nuria Piera, un pitbull à la gueule d’ange

La très respectée journaliste dominicaine Nuria Piera a dénoncé des perquisitions dans des entreprises et résidences effectuées par la police secrète dominicaine afin de remonter à ses sources. Fonceuse, cette journaliste d’investigation est dans l’oeil du cyclone pour avoir dévoilé une affaire de corruption présumée éclaboussant des personnalités politiques de l’île.

Haïti: D’elle, les éloges ne tarissent pas. « Nuria Piera est une figure très respectée de la presse dominicaine », confirme Edwin Paraison, joint par le journal, mardi 10 avril 2012. « La lutte contre la corruption est une constante dans son travail, quel que soit le parti au pouvoir en République dominicaine », souligne l’ex-ministre des Haïtiens vivant à l’étranger. Paraison, un peu gêné par la réaction de la présidence haïtienne après la diffusion du reportage « Le chemin des millions » à l’émission « Nuria 9 » le 31 mars dernier, croit « que le dénigrement et la politisation du travail de la journaliste n’est pas la bonne stratégie ».

La journaliste à une réputation en béton et les enquêtes réalisées au cours des dernières années l’attestent, soutient Edwin Paraison. « Cette journaliste, respectée et appréciée par la communauté haïtienne en République dominicaine, a déjà, images à l’appui, présenté des reportages à la télévision sur le trafic humain, sur la violation des droits des immigrants par des militaires dominicains », explique Paraison, défenseur des droits des Haïtiens en République dominicaine.

« Nuria est une journaliste très crédible et non partisane », selon Jean Michel Caroit, correspondant du journal français Le Monde dans la région. Entre 2000 et 2004, ces dénonciations ont mis sur le gril le président Hypolito Mejia, impliqué dans des affaires de corruption. Des extraits d’émissions de Nuria Piera sont utilisés pendant la campagne par des opposants de Hypolito Mejia, candidat en lice dans la présidentielle dominicaine fin mai 2012.

Nuria Piera,50 ans, mère d’un enfant, blonde tropicale au regard doux, est un pitbull quand elle gratte, recoupe, vérifie et confronte les pistes pour révéler au public des affaires: celles recouvertes sous une chape de plomb, celles qui embarrassent quand elles sont dévoilées à l’antenne comme « Le chemin des millions », le 31 mars 2012. Au coeur d’une controverse après avoir indexé le président Michel Martelly et Mirlande H. Manigat, des receveurs présumés de largesses du puissant sénateur du PLD, Felix Bautista, Nuria Piera ne flanche pas. Elle persiste et signe. A la note de la présidence haïtienne qualifiant son enquête de fantaisiste, elle rétorque : « C’est la note du gouvernement haïtien qui est fantaisiste ».

Polémique, elle rappelle Watergate, cette fameuse enquête de deux jeunes journalistes du Washington Post qui a déclenché une enquête parlementaire contre le président américain Richard Nixon, contraint à la démission pour éviter l’affront de la destitution en 1974 face à des démocrates déchaînés.

Démentir avant d’accepter les faits est monnaie courante. Le contraire de la présidence haïtienne m’aurait étonné» , soutient le récipiendaire 2006, 2007, 2008 du prix Casandra du meilleur programme de journalisme d’investigation. Les vagues de fond, dans son pays, n’en finissent pas. Face au flot de perquisitions des services d’intelligence du gouvernement dominicain dans des entreprises et des résidences pour remonter à ses sources, Nuria Piera dénonce. Plus, elle souligne que si ses informations n’étaient pas authentiques, ces perquisitions n’auraient pas eu lieu.

Felix Bautista, mécène du PLD et proche allié du chef de l’Etat dominicain, Leonel Fernandez, devrait plutôt susciter l’attention de la police dominicaine, soutient Nuria Piera, âgée de huit ans quand elle crève le petit écran à l’émission « The Mark Sheriff », sous la direction de Mark Cordova, entre 1971 et 1984.

Avec sa solide formation en communication sociale et en droit acquise des années plus tard, elle s’était lancée dans la direction de son propre programme « Nuria 9 », caractérisé par des questions politiques, sociales et religieuses.

Dans une rubrique introduite à l’émission « À moins d’un mètre », elle a reçu plusieurs personnalités, y compris l’actuel président dominicain, Leonel Fernandez. Ce programme battant des records d’audience, conçu pour permettre au public d’apprendre davantage sur la vie et le travail d’un personnage politique, d’un artiste, d’un homme d’affaires, est une des cordes à l’arc de Nuria Piera.

Nuria Piera, très appréciée dans le milieu éducatif, reçut en 2011 les honneurs de l’Université autonome de Santo Domingo. Son travail a été récompensé par différentes institutions, nationales et internationales, dont:
Les 17 prix “Casandra” – 3 fois de suite de 1988 à 1990; deux fois de suite en 1992 et 1993; 4 fois de suite de 1996 à 1999; puis 7 fois, successivement, de 2001 à 2007 et un dernier en 2011. En 2001, elle a reçu le Microphone d’Or pour ses travaux d’investigation. Les organisations religieuses, féministes et de droits humains reconnaissent également le travail désintéressé de Nuria Piera, divorcée de l’écrivain Pablo Mackinney.

Reconnue aussi sur la scène internationale, Nuria Piera, en 1992, a été honorée par la « Voix de l’Amérique », une agence d’information. Elle a également été nominée au cours de la même année pour les prix « Emmy » de l’Academy of Television des États-Unis.

Rigoureuse, méthodique, cette journaliste, qui bénéficie de l’estime de ses confrères et de nombreuses autres personnes dans son pays, n’en finit pas de surprendre. Avec son rictus de pitbull, elle dit disposer d’autres documents susceptibles d’attiser une saga dont les échos pourraient parcourir les deux “ailes” de l’île.
Roberson Alphonse
ralphonse@lenouvelliste.com

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