Martelly acculé à convoquer une assemblée constituante

Haïti: Haïti se trouve aujourd’hui plongée dans une situation calamiteuse et confuse qui, si elle est mal gérée, peut déboucher sur une crise politico-constitutionnelle sans précédent. Aussi singulier que cela puisse paraitre, le pays fonctionne aujourd’hui sous l’égide d’une Constitution amputée d’une dizaine de ses articles, puisque ceux-ci ont cessé d’exister dès la publication des « amendements » publiés dans le journal officiel Le Moniteur du 13 mai 2011, alors que lesdits amendements n’ont fait l’objet d’aucun vote au Parlement. Il s’agit donc d’amendements « fictifs » qui pourtant, aujourd’hui, font autorité parce que publiés dans le Moniteur. Or, ces amendements sont en contradiction non seulement avec les amendements qui ont été effectivement votés par l’assemblée nationale, mais aussi avec plusieurs autres articles qui n’étaient pas concernés par la déclaration d’amendement.

Si on veut extrapoler un peu, on dirait même qu’aucune constitution n’est, aujourd’hui, en vigueur en Haïti. La Constitution de 1987, telle que votée le 29 mars, n’est plus en vigueur tandis que la constitution supposément amendée n’est point applicable, en raison des multiples contradictions qui la caractérisent.

La première décision attendue du Président Martelly serait d’ordonner l’annulation du numéro extraordinaire du 13 mai du Moniteur et éteindre ainsi sa force juridique. Cette décision aurait aussi pour effet de consacrer la nullité des « amendements » promulgués et de rétablir l’ensemble des dispositions de la Constitution de 1987. Car, il est inacceptable qu’un pays vive sans Constitution, en ce 21è siècle.

Plusieurs parlementaires – dont le président du bloc majoritaire à la chambre basse, le député Tolbert Alexis – ont déclaré que le texte d’amendement publié dans le Moniteur est un faux. Le député Alexis a également annoncé que le document qui contient les minutes de l’assemblée nationale du 9 mai, a été subtilisé. Pour sa part, le Sénateur Steven Benoit a énuméré au moins 8 articles qui sont publiés dans des termes différents de ceux dans lesquels ils ont été effectivement votés.

En d’autres termes, le vrai texte d’amendement n’a pas été publié et ne saurait donc enter en vigueur, alors qu’aujourd’hui aucune autorité, ni l’ancien Président René Préval ni le Président Michel Joseph Martelly, n’est habilitée à faire publier les corrections nécessaires, sans violer la procédure. Et, la violation de la procédure constituerait en elle-même une cause suffisante d’invalidation de l’amendement.

On ne peut publier plus aucun texte avec la signature du Président Préval et les ministres concernés, M. Préval n’étant plus président et les ministres étant démissionnaires. La situation est donc inextricable et ne peut trouver de solution dans les lois existantes, puisque la norme qui est dans l’impasse est celle qui se trouve au sommet de la hiérarchie juridique en Haiti, la Constitution. Par conséquent, la solution doit être trouvée en dehors de cette Constitution dont l’inapplicabilité n’est plus à démontrer.

En effet, les erreurs, qui se seraient glissées, ou les manipulations, qui auraient été orchestrées, peuvent être transformées en opportunités et sont susceptibles de fournir, aux politiciens et autres membres de la société civile, un prétexte pour mettre fin à l’hypocrisie et au marronnage dont ils ne cessent de faire montre quand il s’agit d’aborder la question de l’amendement constitutionnel ou d’une nouvelle Constitution.

En ce qui a trait à l’avortement de l’amendement, certains diront même, Dieu merci!, puisque cet amendement n’allait pas considérer un certain nombre de problèmes relevés dans la Constitution. On allait devoir continuer à vivre avec ces élections à répétition, avec un régime politique hybride (qui n’est ni parlementaire ni présidentiel), avec l’interdiction de deux mandats consécutifs pour le président de la République ( alors que les parlementaires sont indéfiniment rééligibles), avec un système politique qui fait fi du principe du ”Check and Balance” au niveau des pouvoirs de l’Etat, comme c’est le cas dans les véritables démocraties.

Conséquences

Les options sont très limitées. Cependant, une chose est sure. A la lumière des arguments susmentionnés, l’amendement tombe. Maintenant, on peut attendre la dernière session de la 49ème législature, dans un peu moins de 4 ans, pour présenter une nouvelle déclaration d’amendement dans l’espoir d’avoir une constitution amendée dans les 5 ans à venir. Entre-temps, les Haïtiens de la diaspora continueraient de subir les discriminations politiques actuelles pour encore plusieurs années, et toutes les imperfections qu’on souhaitait corriger demeureraient.

L’autre décision qu’on pourrait prendre, mais qui demande un certain courage de la part des décideurs, serait d’initier les démarches pour doter le pays d’une nouvelle Constitution, en convoquant une assemblée constituante. Certains hésitent à soulever cette question parce qu’ils veulent être ”politically correct”, comme quoi ils sont respectueux de la Constitution de 1987 et fidèles à ses promesses, puisque c’est ce qui est beau à dire.

Mais, en fait, l’option d’une nouvelle Constitution permettrait au pays de se défaire des contraintes actuelles de la procédure d’amendement et permettrait d’apporter des changements en profondeur dans le système politique haïtien, tout en conservant les acquis contenus dans la Constitution de 1987.

On profiterait pour résoudre les problèmes des élections à répétition, des temps des mandats qui doivent être harmonisés, la question du régime politique (Président/Premier Ministre ou Président/Vice Président).

Beaucoup de personnalités importantes de cette société – dont l’ancienne candidate à la présidence, Mirlande Manigat – sont d’avis qu’Haiti a besoin d’une nouvelle Constitution. Cependant, certains omettaient d’en parler ou ne pensaient pas qu’il était opportun d’initier de telles démarches sous la présidence de René Préval, sous prétexte que celui-ci aurait pu manipuler le processus en faveur de son camp politique.

Bien sûr, le président en fonction, ne devrait pas bénéficier des avantages de cette nouvelle Constitution, notamment en ce qui concerne les mandats consécutifs. Mais il ferait oeuvre qui vaille en s’armant de courage et en mettant à profit son leadership pour doter le pays, avec la collaboration de toutes les forces vives de la nation, d’une nouvelle Constitution, d’un nouveau contrat social, d’une nouvelle organisation socio-politique. C’est la seule option viable qui semble nous rester en ces temps de confusion et d’errements politico-constitutionnels.

Joseph Guyler C. Delva
josephguylerdelva@gmail.com

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3 thoughts on “Martelly acculé à convoquer une assemblée constituante

    1. Actually Jean, no. That post was not written by Haitian-Truth. Only posted for a complete view of what opinion is. Look at almost every Daily reports written in regards to Preval and his actions (and in-actions) Almost all of those posts end with ARREST PREVAL. We do not flip-flop in our views

  1. Je pense qu’il est extremement urgent qu’un ‘tel scandal’ soit investige dans l’unique but de traduire les auteurs en justice pour fraude serieuse et haute trahison.Haiti a besoin d’exemple..

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