Lettre ouverte à Patricia Préval, fille d’un homme de rien.

Chère Patricia,

Permettez d’abord cette apostrophe qui ne doit qu’à la stricte politesse courtoise. Nul paternalisme (je suis bien plus âgé que vous, mais votre père visiblement vous suffit comme modèle et c’est tant mieux pour votre Oedipe). Nul ironie non plus, comme pourrait le laisser penser le jeu de mot de mon titre, facile je vous l’accorde, pour qualifier l’homme de bien qu’est votre père, selon le portrait en creux que vous en faites dans votre remarquable et désormais célèbre témoignage sur Facebook, relayé amicalement sur le Net.

Il est paradoxal que pour être si rétive à vous aventurer dans le Cyber-Espace dont vous dressez avec talent toutes les gammes de l’éprouvante et oppressante climatologie, vous n’en ayez pas moins eu recours à lui pour présenter au Monde entier ce plaidoyer pro-domo.

Emouvant, convaincant, efficace ? En tout cas la forme sera saluée par toute personne de bonne foi. On y reconnait bien la souche, plus maternelle que paternelle, issue d’une lignée où l’on s’est toujours nourrit d’une Pléiade de belles-lettres et de beaux esprits.

Sur le fond, les opinions polarisées et les clivages haïtiens triompheront. S’agit-il d’une mise au point anti-diffamatoire, d’un exercice philosophico-littéraire, expression d’un blues post-adolescent autour de la figure d’un père que se dispute toute une Nation, ou d’une participation subliminale à la campagne électorale de papa en grande difficulté ? Un peu de tout cela ?

Quelque qu’aient été vos intentions réelles, souffrez, chère Patricia, quelques remarques et conseils bienveillants.

1) Pour ce qui vous concerne directement et personnellement, préférez à l’avenir la méthode retenue par votre belle-mère, Elizabeth (alias Lady Babeth), pour couper court à la rumeur malveillante. Confrontée à la terrible accusation partie anonymement d’un site Internet mexicain d’être actionnaire de l’entreprise de vidange Sanco soupçonnée dans la filière de contamination et de propagation originelle du choléra, Mme René Préval III a immédiatement envoyé aux médias haïtiens qui s’en étaient trop hâtivement fait l’écho, une note de presse précise et tranchante pour tout réfuter en bloc. Je comprends qu’il était plus délicat peut-être de faire de même s’agissant de votre vie la plus intime, mais enfin pourquoi attendre si longtemps et laisser couler le fiel si loin dans vos entrailles ? Si c’est la vérité, c’est si simple alors, comme vous venez de le faire au passage, de dire : Jude Célestin n’est pas mon amant, je ne porte aucun enfant de lui ni de quiconque, et je n’ai aucune intention de devenir Première Dame ! A défaut d’une réelle presse d’investigation, le monde virtuel s’accommoderait parfaitement de ce parler vrai et de votre voix bien à vous.

2) Je vous l’ai dit au début de cette lettre, votre réflexion est dans l’ensemble de belle facture et peut certainement susciter chez les profanes politiques la sympathie, voire l’admiration. Pourquoi cependant ce mélange des genres et ses petits sarcasmes désobligeants et inutiles envers les deux principaux rivaux du poulain de votre père ? L’amertume filiale était sans doute trop forte pour empêcher ces débordements, mais sachez qu’ainsi vous avez nui à votre cause. Beaucoup ont été amené à partir de ces phrases à vous attribuer une motivation politique cachée, notamment un appel de solidarité plus ou moins subtil aux jeunes et surtout à l’électorat féminin, enjeu si important vu la présence d’une femme en tête de la course. De toute façon, chère Patricia, quoique vous puissiez penser personnellement ou politiquement des autres concurrents, sachez bien que d’innombrables citoyens haïtiens ayant bien plus d’expérience professionnelle, de connaissance de l’histoire ou des hommes que vous, sont convaincus qu’un(e) Président(e) autre que Préval ou Célestin fera mieux pour le pays dans le trou où il se trouve et que c’est leur droit le plus entier de matérialiser ce pari, cette envie, ce choix souverain de vie commune et d’avenir meilleur.

3) Venons-en à l’essentiel. Votre obsession et votre désabusement vis-à-vis du monde virtuel vous éloigne curieusement du réel, de la vraie vie. René Préval a une vie privé dont nous vous donnerons bien volontiers acte d’être plus informée sinon meilleure juge que quiconque.

Le problème pour vous est qu’il a aussi une vie publique depuis qu’il y a une vingtaine d’années un certain petit prêtre l’a pris sous ses ailes. Et c’est le désastreux et mortifère bilan de ce personnage public là seul, responsable de l’Etat au plus haut niveau pendant dix ans, que les haïtiens peuvent aujourd’hui légitimement condamner voire vilipender. Les actions et les inactions de celui qui est aujourd’hui notre casse-tête commun. D’un homme de paille, il fut hélas un homme de main, puis seul aux commandes il est devenu un homme de rien, qui n’est pour rien, qui ne croit solidement à rien, et qui ne possède rien, prompt à se défausser, à naje pou sòti, Pons Pilate qui pourrait crucifier mille fois le Christ. Un homme sans qualités qui n’aurait toutefois pas l’ambition noble du héros éponyme du roman de Musil… Prenons garde à ce que l’histoire ne retienne de Préval que ce petit côté dartiguenavesque, car après tout ses deux mandats n’ont pu se faire sans souci d’une culbute populaire que grâce à la présence et à l’appui constants des forces Onusiennes dans leurs déclinaisons successives (Micivih, Minuah, Manuh, Mitnuh, Miponuh, Micah, Minustah, ouf !). Tenez, pour l’anecdote, même sa revue de presse quotidienne lui vient de l’étranger, de New York, via son ami intime Robert M., selon les indiscrétions de Wikileaks.

De sa lâcheté, déguisé selon les circonstances de sa vie en gauchisme, en pourianisme, en anarchisme, en cynisme ou en pragmatisme, tout un peuple est très concrètement victime et c’est avant tout cette souffrance commune bien mortelle dans leur chair d’affamés, de sinistrés, de déplacés, de ballotés, de sans avenir à offrir à leurs enfants quant d’autres vont former leur jeunesse au Sri Lanka, oui c’est cela qui unit le peuple dans son rejet actuel et non un quelconque besoin de communion collective mal placée…..

Votre père, nous rappelez-vous avec la résignation d’une prêcheuse dans le désert, n’est ni un assassin, ni un kidnappeur, ni un voleur, ni un corrompu. Et d’ailleurs, argument massue, il n’a même pas de maison. On dirait du Ballaguer, président-dictateur dominicain et corrupteur en chef qui passait pour intègre, au-dessus de la mêlée, laissant tout son entourage familial et politique dépecer les caisses publiques. Savez-vous, chère Patricia, combien de kidnappings et d’assassinats ont été commis en son nom lors de ses 2 mandats et jusqu’à ce jour encore comme en témoignent les preuves auditives de l’attaque de la maison de Mme Guirlène Cottin ou la vidéo (partout sur Internet, eh oui encore ce monde virtuel !) de la vendetta politique scandaleusement barbare des chimères de Jude Célestin au Champ de Mars le 10 décembre dernier, pour ne prendre que 2 exemples tout récents parmi des dizaines d’autres ?…

Fin 2009, les investisseurs revenaient dîtes-vous. Etait-ce à cause du seul pouvoir d’attraction, du charisme légendaire du terne M. Préval ou également de la personnalité et de l’action des responsables gouvernementaux et notamment de 2 Premiers Ministres, Alexis et Pierre-Louis, à fort caractère et qu’il n’a eu de cesse de miner ? Etait-ce grâce à ou en dépit de cette manie qu’a votre père de rejeter les projets d’investissements de grande envergure sous prétexte qu’il connaît mieux que quiconque la réalité du terrain, la mentalité paysanne ou populaire, et qu’il se cramponne pour cela à sa vision étriquée (enfin, il en aurait donc dans un domaine !) d’un développement anba tonèl si on peut dire ?…

Il est vrai que le président Préval aura été confronté à une incroyable succession de catastrophes naturelles sans pareille dans notre histoire qui lui aura valu d’être surnommé le Président Madichon. Pour cette seule raison, et même si elle peut sembler irrationnelle, le peuple aurait le droit de vouloir changer de musique et de mystique. Mais quant s’y ajoute en plus le spectacle, les mots et les faits concrets de la gestion présidentielle caractérisée, avant, pendant et après les désastres, par l’incurie, l’impéritie, la gabegie et l’inefficacité, alors, au nom de toutes les victimes immédiates et futures, au nom d’un pays en péril existentiel, il devient pour tout citoyen conséquent nécessaire d’œuvrer au changement de leadership, si tant est qu’on puisse appliquer ce mot à l’endroit de votre père.

Au fait, vous avez oubliez de nous préciser qu’il n’était pas non plus un tricheur de haut vol comme la lamentable saga actuelle, venant après les fameux votes blancs et la piscine de feu l’hôtel Montana en 2006, pourrait le laisser penser aux vilains habitants du monde virtuel que vous affrontez si courageusement…

Archétype du démon fait homme ou de l’homme démonisé comme on voudra, si Adolf Hitler avait eu une progéniture elle aurait tout naturellement ou croulé sous le poids d’un tel héritage (dépression, suicide, folie), ou cherché son salut psychique dans l’oubli, l’exil ou dans le déni de réalité et la défense acharnée du père. C’est l’enseignement classique de la psychologie et de l’histoire universelle. La littérature et les voyages au bout du monde offrent aussi depuis toujours ces possibilités d’une île, d’un havre ouaté, calme, luxueux et voluptueux, hors du monde réel. Ainsi sans doute vous est venu votre désir de Ceylan, comme d’autres ont eu leur tentation de Venise. A chacun sa fuite. Au moins celle-là ne tue pas. Comparaison n’est pas raison, je sais. Votre père n’est pas Hitler, c’est un fait. Il n’aurait d’ailleurs pas le courage d’assumer ouvertement une telle férocité écrite et actée. Petit chose tragique de la politique haïtienne, il s’est contenté de « juste faire ce qu’il a à faire, qu’il pleuve qu’il tonne dans le monde virtuel» dans une posture qui se veut cornélienne, mais dont les résultats n’offrent hélas presque rien de tangible à part d’ajouter beaucoup de poudre au baril de disparités et de haine sur lequel est résolument juchée maintenant la société haïtienne…

Pour conclure sur une haute note et reprenant votre propre envolée spirituelle de fin de texte, en étant vraie avec vous-même, chère Patricia, en entrant en vous-même, vous arriverez à trouver, cheminant sur les sentiers transcendants de la sagesse intérieure, le courage et l’honnêteté de voir les choses de la vraie vie pour ce qu’elles sont. Le temps y fait à l’affaire aussi, et je crois que vous avez tout le votre. Je vous souhaite et vous convie donc à en user au mieux et au plus vite.

Virtuellement réellement votre.

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