Haiti Broilers, un succès hypothéqué par la concurrence déloyale

Le Nouvelliste | Publié le : 2013-01-14
Carl-Henry CADET aloccarlo@hotmail.com
Le manque de régulation à la frontière haïtiano-dominicaine limite les capacités de développement des entreprises établies en Haïti, avec des conséquences délétères sur l’emploi. Lors de sa récente visite de l’entreprise Haiti Broilers de Planta Laffiteau, le ministre du Commerce et de l’Industrie, Wilson Laleau s’en est bien rendu compte…
Dans l'usine de Haiti Broilers, quelques ouvriers au travail
Dans l’usine de Haiti Broilers, quelques ouvriers au travail
Carl-Henry CADET

10h27. A cette heure de la matinée, le moulin principal de Haiti Broilers dégage une forte odeur de riz et de petit mil. Dans la salle des machines,  les moteurs grondent sans répit. Quelques opérateurs soupèsent, contrôlent, déplacent… Rien n’est laissé au hasard. Grâce à l’informatique, le contenu de chaque sac atteint, ou même dépasse, les standards internationaux de qualité.

Commandées à distance par le gestionnaire de production, les  diverses machines transforment les matières premières en concentrés pour l’alimentation des volailles. En bout de chaîne, quatre ouvriers mettent en sac les produits finis. Presque tout s’effectue mécaniquement. Plus tard, un camion-remorque transportera ces marchandises fraîchement emballées pour la distribution. Destination : le marché local.

Ce jeudi, c’est une usine bouillonnante d’activités qui reçoit la visite du ministre du Commerce et de l’Industrie : le secteur public rencontre le secteur privé. En deux heures à peine, le ministre guidé par les responsables de l’entreprise fait le tour d’un des centres de production. L’ambiance est cordiale, on partage des informations, on échange à huis-clos. Représenté par la responsable du programme de partenariat public-privé, Marie-Josée Garnier, le ministère des Finances est aussi de la partie.

Le grand absent, c’est le ministère de l’Agriculture, constatent les officiels. Car derrière les machines de Haiti Broilers, c’est tout un pan de la filière avicole locale qui participe à l’activité de l’entreprise. En plus des aliments pour le bétail, celle-ci vend des poulets de chair et des œufs, en même temps qu’elle fournit de l’équipement et des conseils techniques aux éleveurs de volailles. Près de 40 % des intrants (maïs, petit mil, paille de riz, mélasse, etc.) proviennent du terroir, ce qui représente un débouché intéressant pour les cultivateurs locaux. En fait, plus de 3000 personnes profitent directement ou indirectement des activités de l’entreprise…

Fondée depuis environ un an, Haiti Broilers est le fruit d’un « joint venture » entre un groupe d’entrepreneurs haïtiens et Jamaica Broilers, le leader du marché des volailles et de l’alimentation des animaux en Jamaïque. Avec 10 millions de dollars d’investissement étranger, cette compagnie haitiano-jamaïcaine génère aujourd’hui 80 emplois directs. “Il y a une grande opportunité pour faire des affaires en Haiti “, estime Cristopher Levy, président et directeur exécutif de Jamaica Broilers. Néanmoins, la compagnie n’exploite que 40 % de ses capacités de production.  «  Le manque de régulation de la filière nous empêche de nous développer normalement », soupire le PDG jamaïcain, expliquant que la qualité des produits est loin d’être la règle sur le marché haïtien…

De même, le ministre de l’Industrie confirme cette réalité. ” Nous travaillons sur la mise en place d’un système de normes de qualité avec le laboratoire de métrologie, le bureau des standards et des normes d’Haiti, le laboratoire vétérinaire et de contrôle de la qualité des aliments et le laboratoire des travaux publics “, dit Wilson Laleau. Ce système devra veiller à la qualité non seulement des différents types de produits importés, mais aussi de ceux destinés au marché international.

” Certains pays fabriquent des biens de faible qualité spécialement pour Haïti, s’indigne le ministre. C’est inacceptable non seulement du point de vue politique mais aussi sanitaire et social. Nous allons prendre des mesures très sévères contre eux.”

Les dirigeants de Haiti Broilers se plaignent surtout du manque de contrôle à la frontière haitiano-dominicaine. La concurrence déloyale que cette situation occasionne représente un manque à gagner pour la croissance et la création d’emplois en Haïti. « Les politiques fiscales et douanières devraient prendre cette doléance en considération », estime Marie-Josée Garnier du ministère des Finances.

L’Etat haïtien qui, dans le cadre de son programme de partenariat public-privé lancé en 2012, dit chercher à favoriser le développement des entreprises privées stratégiques pour l’économie nationale, devrait y voir. Et vite !

Carl-Henry CADET aloccarlo@hotmail.com
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