Contre toute attente, l’ex-président Jean Bertrand Aristide, leader incontesté de l’organisation politique Fanmi lavalas, garde un profil bas depuis son retour dans le pays en 2011. En revanche, depuis quelque temps, estimant toujours être le mouvement politique à avoir l’adhésion de la masse populaire, les lavalassiens s’organisent, se renforcent, disent-ils, en vue d’une nouvelle émergence qu’ils veulent durable.

15/06/2012

C’est au Foyer culturel, au cœur de Jérémie, que des centaines de gens, de la mouvance lavalas, venant de différentes communes du département de la Grand-Anse, se sont retrouvés ce dimanche 10 juin, sur l’invitation d’une délégation du Comité exécutif de Fanmi lavalas.

Cette rencontre d’envergure, selon l’ex-député de la 47e législature pour la 2e circonscription de Port-au-Prince, Lionel Etienne, est la dernière d’une série de rassemblements similaires déjà effectués à travers les neuf autres départements du pays. Le but premier est de mettre sur place des structures départementales en vue du renforcement de l’organisation politique Fanmi lavalas. Pour la Grand-Anse, une commission ad hoc est montée, constituée du docteur Clarinx Mézier, administrateur, et de Wilgaud Jean Baptiste, coordonnateur.

Cette instance provisoire a pour mission de réunifier et de mobiliser l’organisation dans la région, d’une part, et d’autre part, de préparer le Congrès départemental en vue de créer une atmosphère favorable à la participation de Fanmi lavalas aux législatives et municipales prévues pour la fin de l’année.

En effet, a confirmé l’ancien parlementaire, cette démarche, en droite ligne avec la mouvance lavalas qui se croit la seule apte à charrier les revendications populaires, se propose, à court terme, d’accompagner la population, de la sensibiliser dans la perspective de défendre ses intérêts et ses droits, en particulier par des choix rationnels aux prochaines élections pour lesquelles, évidement, l’ex-député estime l’organisation qu’il représente déjà prête. Il s’agit ensuite pour Fanmi lavalas, à moyen terme, d’exiger du gouvernement actuel de répondre aux desiderata du peuple.

Ce qui laisse entrevoir que Fanmi lavalas se range du côté de l’opposition, par rapport au pouvoir en place. Réagissant à cette question, Lionel Etienne a surtout insisté sur l’exclusion injuste de Fanmi lavalas des récentes élections organisées dans le pays, en raison, a-t-il précisé, de son idéologie enracinée dans les besoins des masses défavorisées. Besoins, a-t-il par ailleurs indiqué, auxquels l’équipe au pouvoir, représentante d’un système d’exclusion, ne voudra pas donner de réponses satisfaisantes et durables, et pour la satisfaction desquels son organisation a toujours combattu.

C’est cet avantage, estime l’ancien député, qui permettra à Fanmi lavalas, guérie de ses blessures politiques tout en conservant les stigmates, d’occuper par la voie constitutionnelle tous les espaces du pouvoir pour achever sa nouvelle émergence. « Ce ne sont pas les compétences politiques et intellectuelles qui manquent à l’organisation », a-t-il ajouté. Lui rappelant, à cette phase de l’entretien, le reproche fait à Fanmi lavalas d’avoir dans le passé privilégié la militance politique sur la compétence, M. Etienne a plutôt souligné qu’à sa connaissance, l’organisation a toujours su, en termes d’exercice démocratique, se faire représenter par des gens qu’ont désignés les populations locales. « En tout cas, on ne saurait reprocher à Fanmi lavalas d’être à court de ressources humaines. »

Des promesses en l’air ou un programme cohérent ?

À ce niveau, aucun souci à se faire, a rétorqué l’ancien élu lavalas, le programme de référence de l’organisation étant son fameux livre blanc « Investir dans l’humain ». Quant à la question de savoir s’il serait toujours d’application après une décennie, vu les nouvelles réalités sociopolitiques et économiques, imputables en partie au séisme du 12 janvier 2010, l’ex-député n’a pas été pris de court. Les congrès départementaux, a-t-il souligné, qui prépareront le grand congrès national, permettront de recueillir toutes les données, toutes les informations pertinentes, susceptibles de faciliter la réactualisation du livre blanc.

Avant ce moment fort pour Fanmi lavalas, Lionel Etienne assure qu’il a su apprécier au cours de cette tournée à travers le pays, l’engouement des gens, leur attachement, leur constance à la doctrine lavalas. Ce qui a encore retenu son attention, c’est cette capacité, révèle-t-il, manifestée par les participants à se dépasser, à vaincre les conflits internes, pour parvenir rapidement à un consensus inclusif pour la mise en place des coordinations départementales.

En termes de note sombre, l’ex-parlementaire déplore toutefois, chez un bon nombre de sympathisants lavalas, l’existence de certaines lacunes politiques qui les empêchent d’émerger véritablement en tant que leaders, avec cette capacité de drainer un plus grand nombre dans leur sillage pour épouser la cause des masses démunies, celle de Fanmi lavalas, a-t-il assuré.

À noter, outre l’ex-député Lionel Etienne, du Comité exécutif de Fanmi lavalas, au sein de cette délégation, qui a achevé son périple à Jérémie, se retrouvaient également, Ansyto Félix, de la Commission de mobilisation, Dupiton Joseph, de la Commission jeunesse, Me Fils-Aimé et Me Renan, de la Commission juridique et Sydney Claudy de la Commission Ti Fanmi.

Depuis l’effacement de Lavalas sur l’échiquier politique, beaucoup de données ont changé, certes. Néanmoins, les populations locales avant, après et aujourd’hui encore expriment leur lassitude, leur ras-le-bol, à force d’être constamment abusées par les politiques. Ce qui vaut à M. Martelly d’être l’actuel occupant du Palais national. Dans un tel contexte, Fanmi lavalas pourra-t-elle réaliser ses prétentions ? Saura-t-elle retrouver son rayonnement d’autrefois pour parachever son émergence ? Dans un tel scénario, ne deviendra-t-elle pas la cible à abattre, c’est-à-dire celle contre laquelle pourrait encore se constituer une autre convergence politique ? Des réponses commenceront à poindre au tournant des prochaines joutes électorales.

Yvon Janvier

jyvon21@gmail.com