Haïti: Le site « Counterpunch » a publié un article coup de poing titré « Haïti après le séisme », le mardi 3 janvier 2012. Plein de chiffres et de références documentées, le papier fournit des détails sur la destination et sur l’utilisation de l’aide, presque deux ans après cette catastrophe majeure ayant provoqué un élan de solidarité et de générosité sans pareil envers le peuple haïtien. Selon les estimations de l’ONU, 1 milliard 600 millions de dollars américains ont été donnés pour l’assistance humanitaire et plus de 2 milliards pour le relèvement au cours des deux dernières années. Cependant, «deux ans après, c’est comme si le tremblement de terre s’était produit il y a deux mois », ont relevé les auteurs du papier, Bill Quigley et Amber Ramanaukas.
Plus d’un demi-million de sans-abri vivent encore dans des camps, la majeure partie des débris des maisons détruites n’est pas encore enlevée. Il s’est avéré que peu d’argent est allé directement à Haïti comme l’a pensé le public d’une manière générale. La communauté internationale a choisi de contourner le peuple haïtien, les ONG haïtiennes et le gouvernement d’Haïti. Les fonds ont plutôt été canalisés vers d’autres gouvernements, des ONG internationales et des compagnies privées, selon les auteurs de l’article, soulignant qu’en dépit de tout cela que ce sont les Haïtiens, les « victimes », qui porteront au final « le blâme » à cause des échecs.
Méticuleusement, Bill Quigley et Amber Ramanaukas, pour répondre à la lancinante question posée par les Haïtiens et d’autres personnes à travers le monde sur la destination de l’argent de l’aide, ont identifié sept secteurs où l’argent est allé et où il n’est pas allé.
Les États-Unis au crible
Après le tremblement de terre, les États-Unis ont alloué 379 millions de dollars d’aide et envoyé 5 000 hommes de troupe en Haïti. L’Associated Press a découvert que sur ces 379 millions de dollars,la majorité de ce montant n’est pas parvenu directement ou indirectement à Haïti. L’agence a révélé que 33 centimes sur chaque dollar ont servi à rembourser les frais pour les militaires envoyés en Haïti. 43 centimes sur chaque dollar ont été dirigés vers des ONG ou des organisations internationales comme « Save the children », Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS). Le gouvernement haïtien et les haïtiens n’ont rien reçu directement, ont souligné les auteurs de l’article « Haïti après le séisme ».
Le total de l’enveloppe de 1 milliard 600 millions de dollars allouée par les Etats-Unis pour les efforts humanitaires a été ventilé dans un rapport du Congrès américain en août 2010. 655 millions ont été remboursés au ministère de la Défense; 220 millions au ministère de la Santé qui a donné des subventions à des Américains ayant participé à des opérations d’évacuation d’Haïtiens; 350 millions ont été donnés à l’USAID pour des opérations d’assistance-désastre; 150 millions de dollars pour le ministère de l’Agriculture des États-Unis pour une assistance alimentaire d’urgence; 15 millions pour le ministère de la Sécurité intérieure et l’Immigration pour les frais d’immigration, selon l’article de Counterpunch.
L’assistance internationale a suivi la même voie. L’envoyé spécial pour l’ONU a rapporté que sur les 2,4 milliards de dollars des fonds pour les opérations humanitaires, 34 % ont retourné dans les pays donateurs pour payer leurs propres citoyens, civils ou militaires impliqués dans les réponses immédiates après le désastre; 28 % de cette enveloppe ont été donnés à des agences onusiennes et des agences non gouvernementales pour des projets spécifiques de l’ONU; 26 % ont été donnés à des contractants privés et d’autres ONG; 6 % pour des services; 5 % pour la société nationale et internationale de la Croix-Rouge; 1 % au gouvernement haïtien pour fournir des tentes aux sinistrés et quatre-dixième de 1 % a été alloué pour les ONG haïtiennes, a poursuivi l’article. En clair, moins de 1 penny sur chaque dollar américain du gouvernement américain a été donné au gouvernement haïtien, selon l’AP, cité plus loin dans l’article du Counterpunch. C’est aussi vrai pour d’autres donateurs internationaux qui ont complètement contourné le gouvernement haïtien, a souligné ce texte.
Les ONG et les entreprises haïtiennes tenues à l’écart
Le Centre de recherche sur les politiques économiques, qui a analysé 1 490 contrats donnés par le gouvernement américain de janvier 2010 à avril 2011, a trouvé que seulement 23 contrats ont été octroyés à des entreprises haïtiennes. 194 millions de dollars ont été donnés à des contractants, 4,8 millions à des compagnies haïtiennes, soit seulement 2,5 % du montant global, a révélé l’article de Bill Quigley et Amber Ramanaukas. D’un autre côté, des contractants dans la région de Washington ont reçu des contrats pour 76 millions, soit 39, 4 % du montant total.
La Croix-Rouge américaine a reçu plus de 486 millions de dollars. Deux tiers de ce montant ont été alloués pour des opérations d’urgence et de relèvement. Mais, a ajouté l’article, les informations sortent difficilement de la Croix-Rouge dont le conseil d’administration touche 500 000 dollars par an. En regardant un contrat de 8,6 millions de dollars entre l’USAID et le CHF pour le ramassage de débris à Port-au-Prince, l’article souligne les connections du CHF avec des hommes politiques influents à Washington.
Rolling Stone, dans un excellent article de Janet Reitman sur un autre contrat de 1,5 million de dollars américains entre l’USAID et la firme « Dalberg global development advisors », a révélé que l’équipe de cette firme n’avait aucune expérience à l’étranger, aucune expérience dans la planification urbaine ni d’expérience dans les opérations de désastre. « Un seul membre de cette firme parle français”, avait révélé l’article de Rolling Stone cité par Bill Quigley et Amber Ramanaukas dans Counterpunch. L’USAID a revu son travail et a compris qu’il était clair que ces gens n’étaient même pas descendus de leurs SUVs, selon Rolling Stone.
Selon « Haïti après le séisme » de Counterpunch, le fonds Clinton-Bush a collecté 54 millions de dollars depuis sa création en janvier 2010. Et il a financé, entre autres, à hauteur de 2 millions de dollars, la construction d’un hôtel de 29 millions de dollars.
D’un autre côté, Bill Quigley et Amber Ramanaukas se demandent qu’est-ce que la Croix-Rouge et des ONG ont fait de près de 2 milliards de dollars de dons fournis par des particuliers après le séisme.
Près de deux ans après le tremblement de terre, moins de 1 % des 412 millions de dollars d’un fonds alloué à la reconstruction d’infrastructures a été dépensé par l’USAID quant le niveau de décaissement devait être de 12 % d’ici au mois de novembre 2011 conformément aux exigences du département d’Etat, selon le rapport du « US Governement accountability office » (GAO).
La performance de la CIRH et du FRH est aussi pauvre. Le Miami Herald a noté, selon « Counterpunch », qu’au mois de juillet 2011, des projets d’un montant de 3 milliards 200 millions de dollars ont été approuvés par la CIRH. Seulement cinq projets d’un montant total de 84 millions de dollars ont pu être achevés.
Au terme cet article, Bill Quigley et Amber Ramanaukas ont fait des recommandations pour le future. Plus de transparence, d’équité et plus d’implication des Haïtiens et du gouvernement d’Haïti dans la reconstruction.
Comme ça ils seront peut-être plus faciles à blâmer….
Roberson Alphonse
ralphonse@lenouvelliste.com