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LeNouvelliste: Haïti: Le président Michel Martelly, encore une fois, comme le 14 mai, au soir de son investiture, a toutes les cartes en main. Il a un gouvernement démissionnaire, qui n’a plus que le pouvoir d’expédier les affaires courantes. Cette fois, pas de fortes têtes comme dans les restes de l’administration Préval. Le président est seul chef à bord du char de l’État.
Le président a ses aises pour mettre le cap dans un sens ou dans l’autre. Prendre l’ardu chemin de la bonne gouvernance, ce slow food qui se concocte dans les cuisines enfumées plus que sur la table d’apparat, ou choisir de faire vite, fast, un bouyi vide sous les projecteurs.

Martelly peut se camper acteur héroïque de notre tragédie ou vedette adulée de la grande comédie de notre subsistance.

Libéré d’un Premier ministre qu’il n’avait pas vraiment choisi, gêné aux encornures par des politiques qui le pèsent, le président de la République a la capacité de sortir le grand jeu. Ou de prendre les raccourcis faciles.

De quoi a-t-il envie? Avec quelles lunettes le président Michel Martelly voit-il sa fonction? Quelle statue de lui Martelly veut-il dresser?
Chaque président, un jour, avant ou pendant son mandat, décide de la trace qu’il veut laisser dans l’histoire. Martelly a-t-il déjà fait son choix?
Dans le grand jeu de la politique, Conille, le perdant du jour, place Martelly, l’homme qui vient d’émerveiller la nation avec son carnaval réussi aux Cayes, dans la position de celui qui ne veut pas de la modernité, qui parle de corruption, mais refuse d’affronter les démons. Celui qui se dit fier Haïtien, mais refuse de jurer ni ne prouver qu’il n’est que Haïtien.
Martelly se dresse en pointillé dans le petit bilan de quatre mois de Conille comme un ogre gourmand des moindres parcelles de pouvoir. Comme un enfant avide d’avoir tous les jouets.

Martelly, dans le sillage de l’implosion de la fusée Conille, semble avoir du mal à porter les habits bigarrés de la démocratie. Le tigre ne peut cacher ses taches, mais a-t-il intérêt à sortir ses griffes contre des hirondelles?
La communauté internationale, partenaire obligée de notre chemin de pénitence, va-t-elle se mettre au service d’un pays instable pour des projets sérieux d’investissements? Une présidence qui mise tant sur les autres se sait-il prisonnier?
En octobre 2011, l’affaire Bélizaire a enterré la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti. La déroute de Conille stoppe le budget 2012 et les perspectives de relance.
Dans la longue route de notre recherche de la démocratie et du développement, le président a un rôle prépondérant. La nation s’en remet à lui et lui adresse la facture de l’échec plus vite que les couronnes de la victoire.
Tout est fragile. Notre embryon de démocratie comme le mandat des chefs. Conille vient de le vivre. Martelly doit s’en souvenir à chaque minute. Le prochain Premier ministre aussi.

Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
Twitter: dalfaz

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