De scandale en scandale !

Le Nouvelliste | Publié le : 2012-12-03
Marvel Dandin Publié le lundi 3 décembre 2012
Le dernier scandale en date, celui du viol présumé d’une jeune employée de l’Etat par le président du Conseil électoral dit permanent, plonge encore plus profondément le pays dans le ténébreux cauchemar de la déliquescence de l’Etat, de l’immoralité de ses dirigeants, de la désarticulation continue de ses mécanismes de sélection, de contrôle et de sanction du personnel administratif.

Le dossier de l’implication présumée dans le kidnapping de hauts responsables de la sécurité présidentielle n’était pas encore fermé quand a surgi ce nouveau dossier « malodorant », mettant en cause un personnage qui fait parler de lui, depuis l’arrestation, fin octobre 2011, d’un député en fonction. L’affaire, que des Tèt Kale ou pro qualifieraient malicieusement de strictement privée, atteint la plus haute sphère du pouvoir, principalement la présidence. Car, en plus d’être un ami personnel du chef de l’Etat, Me Josué-Pierre Louis fut tour à tour conseiller du président, ministre de la Justice appointé par M. Martelly en personne, responsable d’une commission présidentielle chargée de la réforme judiciaire, secrétaire général de la présidence. Au moment où éclate le scandale du viol, il est, à titre de président, le représentant de l’exécutif et/ou de M. Martelly au sein du Conseil électoral contesté de 6 membres.

L’énumération des scandales et des dossiers suspects et/ou douteux enregistrés depuis l’arrivée au pouvoir de M. Martelly est déjà très impressionnante. Citons : le dossier de la nationalité étrangère des dirigeants, particulièrement de celle du chef de l’Etat lui-même ; celui de la présence d’éléments réputés douteux dans la sécurité rapprochée du président de la République ; le dossier des contrats douteux signés sous Bellerive, cautionnés par le président Martelly alors en nette opposition avec son Premier ministre Gary Conille ; la gestion douteuse des fonds débloqués pour des programmes sociaux en décembre 2011 ; le dossier du financement occulte de la campagne électorale par un sénateur mafieux dominicain et de la perception de fonds dominicains par Martelly après son élection ; celui de la gestion illégale de deniers publics par des membres de la famille présidentielle ; la location d’hélicoptères, les voyages répétés en avion  privé, les per diem réputés faramineux à l’occasion de ces voyages; le dossier du contrôle et de la manipulation de certains membres du CSPJ dans le cadre de la mise en place du CEP contesté de 6 membres ; celui de la libération suspecte du conseiller présidentiel Calixte Valentin impliqué dans le meurtre perpétré sur la personne de l’homme d’affaires Octanol Dérissaint. Il faut ajouter pêle-mêle à cette liste : la nomination, au début de la présidence Martelly, de délégués et directeurs généraux sans aval du Conseil des ministres ; l’application d’une taxe illégale sur les appels téléphoniques et les transferts ; le programme subséquent de scolarisation gratuite dont les résultats mirobolants proclamés par la propagande laissent encore perplexes ; le choix unilatéral par le chef de l’Etat (i.e. sans Consultation du conseil des ministres) des trois représentants de l’exécutif au sein du Conseil électoral dit permanent ; les interventions intempestives du ministère de la Justice dans le système judiciaire en dépit de l’entrée en fonction du CSPJ ; le renvoi illégal des conseils municipaux élus ; la gestion opaque des fonds débloqués dans le cadre de l’état d’urgence décrété unilatéralement par le gouvernement après les tempêtes tropicales Isaac et Sandy ; la collusion suspecte des programmes sociaux gouvernementaux Ti Manman cheri et autres, avec une compagnie privée de téléphonie mobile, au détriment d’une autre dont l’Etat haïtien détient 40% des actions.

Tous ces faits et dossiers constituent, avec d’autres, le carnet de visite de l’équipe au pouvoir. Certes, les choses n’étant jamais tout à fait noires ou tout à fait blanches, on parviendra toujours à relever des succès ici ou là. Mais, l’énumération qu’on vient de réaliser est loin d’être une vue de l’esprit ou le fruit d’une imagination fertile et malsaine. Donc, les choses ne sont pas roses. Et, si un tel statu quo doit définitivement s’installer, il y a fort à craindre que la barque Tèt Kale ne s’écrase contre les fracassantes vagues que promettent la famine dans diverses régions du pays, l’agitation des secteurs politiques frustrés, la grogne chez les enseignants et les étudiants. Les perspectives aux plans social, économique et politique ne sont pas roses.

On voit mal un gouvernement sans capacité d’anticipation pouvoir s’en sortir. Un gouvernement qui ne pratique pas la transparence, non plus. Et c’est encore pire s’il s’agit d’un gouvernement qui ne parvient pas à mettre de l’ordre dans ses rangs, à sanctionner ou à écarter ceux de ses partisans ou de ses membres qui compromettent son action, si tant est que l’action vise l’amélioration de la situation du pays.

Les mieux intentionnés d’entre nous osent espérer que les timoniers de l’heure vont se rendre compte du marasme et de la nécessité de s’en affranchir dans les meilleurs délais. Souhaitons-le. Pour le pays et pour eux. Mais, il se peut qu’ils ne disposent pas des ressources mentales et idéologiques pour voir, comprendre et agir. Dans ce cas, ne soyez pas étonnés de voir sur l’échiquier, et pour longtemps encore, autant les incompétents que les immoraux de tout acabit.

Marvel Dandin Publié le lundi 3 décembre 2012
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