
Port-au-Prince, le 16 Octobre 2025. À moins de quatre mois de la fin de la transition, le paysage politique haïtien se transforme en un champ de manœuvres où méfiance, rivalités et calculs stratégiques s’entremêlent. Tandis que la population espère des élections, les acteurs du secteur privé au CPT et à la Primature, eux, se livrent une guerre silencieuse pour savoir qui restera après le 7 février 2026..
Tensions internes et luttes pour le contrôle du CPT
La méfiance s’installe de plus en plus au sein du pouvoir de transition. La Primature multiplie de son côté ses actions sur le terrain, enchaînant les rencontres avec le Conseil Électoral Provisoire (CEP), les initiatives autour de la rentrée scolaire et les démarches en vue de la préparation du scrutin. Mais les belles promesses du PM Alix Didier Fils-Aimé sur le rétablissement de la sécurité sont restées vaines et les gangs continuent à terroriser la population, à détruire les vies et les biens.
Pendant ce temps, Laurent Saint-Cyr intensifie ses voyages à l’étranger, cherchant à affirmer sa légitimité et à renforcer son influence auprès de la communauté internationale même s’il accuse cette dernière de « n’avoir pas apporté le soutien promis à la MSS. Sans cela, il était impossible d’organiser des élections crédibles » a’il déclaré sur la radio Magic 9.
Cependant, ces déplacements n’ont, jusqu’à présent, rien apporté de concret à la lutte contre la précarité et l’insécurité. Lors de son récent passage au Japon, Laurent Saint-Cyr a rencontré l’empereur Naruhito, une figure essentiellement symbolique, qui n’intervient ni politiquement ni opérationnellement dans la vie publique japonaise. Il s’est également entretenu avec le premier Ministre démissionnaire du Japon Shigeru Ishiba. Toutefois , ce dernier ne peut point engager le Gouvernement Nippon pour avoir annoncé sa démission le 7 septembre dernier, après moins d’un an au pouvoir, à la suite de la perte de la majorité absolue du Parti libéral-démocrate (PLD) dans les deux chambres du Parlement.
Les partenaires internationaux poursuivent leur agenda
Les partenaires internationaux, notamment les Américains, poursuivent eux-mêmes leur agenda pour freiner ou contrôler la crise humanitaire et sécuritaire. L’administration TRUMP/VANCE mène désormais une campagne numérique contre les gangs armés, et intensifie ses actions à côté des pays membres des Nations-Unies pour la transformation concrète de la mission MSS, dirigée par le Kenya, en force de répression des gangs.
Le BINUH et les partenaires internationaux continuent de faire pression pour la tenue d’élections, mais les fractures internes au sein même du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) se creusent. Entre les voyages du coordonnateur Laurent Saint-Cyr et les stratégies visant à diviser la majorité votante, le fossé entre le CPT et la Primature devient de plus en plus profond.
Contrôle des ministères : une stratégie électorale
Selon nos sources, des manœuvres sont en cours pour briser la majorité au profit d’un réalignement politique, destiné à affaiblir la Primature. Certains conseillers, dont Fritz Jean et Edgar Leblanc, s’opposeraient de plus en plus ouvertement au Premier ministre Fils-Aimé, même si Leblanc tente de garder un ton plus neutre. Leslie Voltaire, lui, joue la carte du gentleman conciliant, entre Primature et secteur privé, tout en maintenant une proximité tactique avec le coordonnateur du CPT. Parallèlement, les contrats avec de grandes firmes de Lobby à Washington sont signés par l’Institut Macaya autour du projet parallèle dénommé « Haiti Action Plan ».
De plus, nous avons aussi appris que des négociations difficiles seraient en cours pour remanier certains ministères et directions générales avant les élections. Des Conseillers Présidents voudraient prendre directement le contrôle de portefeuilles clés : Finances, Intérieur et Justice — un trio stratégique qui donne un contrôle indirect sur la machine électorale. Toujours selon nos sources, Laurent Saint-Cyr et Fritz Jean viseraient désormais ces trois ministères.
L’affaire Hans Joseph et la recomposition politique
Les débats s’intensifient également autour de la révocation de Hans Joseph, directeur de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC). Malgré les fortes révélations et les virulentes accusations de collusion issues d’une lettre circulant sur les réseaux sociaux et des déclarations de l’ex-Premier ministre Jean Henry Céant, certains membres du CPT estiment que le maintien de Joseph pourrait servir à fragiliser davantage la Primature et aussi garder l’épée de Damoclès sur la tête des trois conseillers cités dans le scandale de la BNC. (ECC-ENQUETEHANSJOSEPH-CORRUPTION)
C’est dans ce contexte qu’un projet de « CPT réducteur », composé de trois membres et d’un nouveau Premier ministre, serait déjà en discussion. Selon ces plans, Laurent Saint-Cyr, sous l’influence directe d’Olivier Barrau, resterait coordonnateur de ce CPT restreint, avec le soutien de la coalition COPPOS-Haïti et de ses alliés, dont la récente sortie publique s’inscrirait dans cette stratégie. Une coalition qui est sous le contrôle direct de Patrick Sully, secrétaire d’Etat aux Collectivités Territoriales et bras droit politique de Olivier Barrau.
Les ambitions affichées du clan Barrau
Patrick Sully, secrétaire d’État aux affaires électorales et proche d’Olivier Barrau, multiplie ses déclarations et ne cache plus les ambitions de son camp pour s’emparer du pouvoir après le 7 février 2026, en ligne droite de leurs mains mises sur les élections en faveur du poulain.
Entre manœuvres internes et pressions administratives, les dés semblent désormais jetés. Les cartes sont brouillées, et les alliances se re-dessinent au gré des intérêts politiques et économiques.
Un secteur privé fracturé
Dans ce contexte de tension, la frange du secteur privé contrôlée par Olivier Barrau au sein du CPT estime que c’est la Primature qui devra remettre le pouvoir au terme de la transition. Notre rédaction constate, une fois de plus, l’influence directe de Barrau, considéré comme le véritable patron de Laurent Saint-Cyr.
Ce dernier mène une campagne active, à travers la fondation AIC que l’on retrouve dans diverses activités sociales et au sein même du Comité Olympique d’Haiti, des organisations populaires, des partis et regroupements politiques qu’il contrôle.
À l’approche du 7 février 2026, la transition haïtienne se retrouve donc à la croisée des chemins. Entre ambitions personnelles, calculs politiques et pressions internationales, le véritable enjeu dépasse désormais la simple organisation des élections. Il s’agit avant tout d’un bras de fer silencieux pour le contrôle de l’appareil d’État et de la légitimité politique post-transition.
Dans ce climat de méfiance et d’incertitude, la stabilité du pays est mise au second plan car elle dépend de la capacité des acteurs à dépasser leurs querelles internes pour offrir à la population une perspective claire et crédible.
Mais pour l’heure, le doute demeure : la transition conduit-elle réellement vers des élections, ou simplement vers une nouvelle configuration du pouvoir ? Au-delà de tout une question demeure: OÙ EST HAÏTI DANS TOUT CELA???
Brigitte Benshow