Choléra + ONG+ MSPP = complications à n’en plus finir!!!

Le Nouvelliste | Publié le : lundi 18 juin 2012
Dr Philippe DESMANGLES ; pdesmangles@yahoo.fr
Quand j’ai entendu les déclarations lors de la conférence de presse de MSF, j’ai ressenti pas mal de choses. Au tout début, il y avait le message qui était un peu choquant. En gros, j’avais l’impression qu’il disait : « attention pour le choléra, il n’y a plus grand monde, d’autant que les glandeurs du MSPP ne veulent pas lever le plus petit doigt ; pas de panique, nous, on est là pour aider cette population délaissée, mais faites une petite levés de fonds, car on s’essouffle ! » Je suis choqué pour plusieurs raisons. La première vient des méthodes blessantes des ONG pour avoir leurs fonds. Il s’agit de s’appuyer sur le misérabilisme qui donne une vision peu louable du pays bien que réelle, de mettre en exergue l’incompétence des dirigeants et de faire mousser leur action salvatrice. Je suis choqué encore, car depuis le début du choléra, je fais partie de l’équipe MSPP, et pour vous faire comprendre mes sentiments et surtout mes ressentiments, il me faut vous faire partager l’historique de cette épidémie. A la nouvelle d’une diarrhée hydrique en eau de riz qui tuait rapidement, nous avons tous pensé au choléra. Mais il fallait d’abord identifier le germe pour le déclarer officiellement, et cela a pris un peu de temps. L’épidémie déclarée, une deuxième fois, Haïti a été le siège d’un afflux d’ONG venues nous « aider ». Ce fut assez facile pour elles, car les bailleurs avaient pour ordre de ne donner l’argent qu’aux ONG et pas à ces corrompus de fonctionnaires haïtiens qui ne feront que détourner l’argent. Ces entreprises se sont donc données à coeur joie, profitant de notre inexpérience. Ils ont donc proposé un protocole de traitement se basant sur celui disponible sur l’internet de MSF. Mais j’ai eu des réserves pour ce protocole, car, d’une part, personne ne pouvait le justifier, en particulier cette quantité extraordinaire de chlore déversé dans la nature et, d’autre part, c’était avant tout un protocole d’ONG qui font leur beurre sur l’humanitaire, et je m’explique sur ce point. Ce protocole ne proposait que des traitements pour une population massivement infectée, car ces actions peuvent être retransmises par leur équipe de communication et ainsi convaincre les bailleurs de leur efficacité et les pousser à débourser rapidement et en grande quantité. Mais dans ce protocole, rien ne prévoyait la protection de la population à risque. Pourquoi ? Parce qu’une bonne prévention n’est pas vendable. En effet, ce que beaucoup ne savent pas, toutes les épidémies finissent par disparaître, que l’on ait ou pas un traitement faisant dans ce dernier cas une sélection farouche où seuls les plus résistants survivent. C’est pour cette raison que les différentes épidémies de peste noire, choléra, rougeole, etc. ont bien décimé les populations sans toutefois les anéantir. L’efficacité des mesures préventives se mesurent dans l’absence de reprise de ces épidémies. En d’autres termes, si les mesures de prévention contre le choléra sont efficaces, il n’y aura pas de flambée. Et cela ne peut pas se vendre. Comment faire un documentaire qui soit un argumentaire pour une levée de fonds s’il n’y a pas de maladie ? Pour cette raison, toutes ces ONG se plaisent à faire croire à tous que le choléra s’est installé en Haïti pour un bon bout de temps, et c’est FAUX. Je tiens à rappeler qu’en République dominicaine, le choléra n’a pas pu s’installer ; pourquoi ? Tout simplement parce que l’eau que les Dominicains utilisent est salubre. Si nous arrivons à convaincre chaque Haïtien de la pertinence de traiter l’eau qu’il utilise, le choléra disparaîtra du jour au lendemain. Ce n’est pas une utopie, car je l’ai essayé et j’ai eu un bon résultat. Déposé dans une zone reculée dans les mornes de Kenscoff par hélicoptère, j’ai montré à la population comment traiter l’eau en la chlorant, et pour cela j’ai distribué le chlore du CTC que j’avais installé. Les gens venaient, d’après leur dire, pour éviter de mourir, car j’avais la solution. Et c’est peut-être pour cela que les messages ne passent pas : ils ne sont pas assez forts, pas assez réels. Ils doivent dire à la population que : « Si vous ne traitez pas l’eau que vous utilisez vous allez mourir. » Encore une fois, je tiens à préciser que la solution ne peut venir que de nous, car nous sommes les seuls à être réellement concernés puisqu’il s’agit de notre pays !
Dr Philippe DESMANGLES ; pdesmangles@yahoo.fr
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