Caracol, au delà du Parc industriel

LeNouvelliste:

La construction du parc industriel est loin de faire oublier aux Caracolois qu’ils vivent sans électricité, sans eau potable, sans voie d’accès… dans le dénuement. L’économie de la zone serait réduite à néant sans la pratique intensive de la pêche, l’exploitation des marais salants et l’agriculture.

Haïti: En partant du Cap-Haïtien par la route pour se rendre à Caracol on emprunte forcément la nationale numéro 6. Après Quartier Morin, Limonade, l’entrée de Trou-du-Nord on doit laisser cette voie pour aborder la route qui mène proprement dite au centre du village. La route est difficile par endroit surtout durant la saison pluvieuse. Mais l’entrée de la ville est prise en charge par la compagnie Estrella jusque dans les limites du Parc industriel, principale attraction de cette commune qui manque un peu de tout pour son fonctionnement normal. C’est une évidence, dit-on, Caracol est moins bien lotie que les communes voisines.

En laissant les limites du Parc Industriel on fait connaissance à une autre réalité. Pas de travaux sur le chemin sinueux. D’ailleurs le maire principale, Landry Colas, s’en plaint. Pourquoi ne pas continuer la route jusqu’au centre ville, se demande le maire qui livre une bataille aux responsables du parc. A certains endroits les mauvaises herbes gagnent carrément ce qu’on pourrait appeler la chaussée réservée à la circulation automobile et piétonne. Apres quelques minutes nous sommes arrivés près de l’hôtel de ville. Les locaux logeant la mairie de la ville attire l’attention avec son kiosque destiné à fournir des informations relatives au parc industriel.

En plein midi, les principales rues sont désertes. Quasiment personne. Par moment, des motocyclistes passent, ou des brouettes chargés de sel. Le rivage n’est pas loin. Un vent sec souffle assez fort. En regardant en direction de la mer on pourrait remarquer des groupuscules. Des hommes et des femmes remuent les marais pour y extraire du sel. C’est la saison favorable qui vient de commencer. Les gens veulent en profiter au maximum. Pendant la saison froide pas question d’exploiter les marais. L’évaporation n’est pas évidente.

Tout à coup devant de grands bassins comme dans les marécages de l’Artibonite, de la Plaine-du-Nord… On voit une femme âgée d’une soixantaine d’années assistées de quelques jeunes en train remuer, de rassembler, de ramasser des grains blanchâtres. Sans nul doute c’est du sel. Encore humide. La vielle femme svelte nous demande « qu’est-ce qui vous intéresse en ce lieu ?» Les pêcheurs et les marais salants. Certainement. Marie Thérèse Joseph habite non loin de l’Eglise Saint Elizabeth, du nom de la patronne de la commune. Elle s’adonne quotidiennement à son gagne-pain. Disons chaque fois que la température le permette.

Le procédé parait simple comme nous l’explique Marie Thérèse. On fait creuser des canaux sur une pente qui fait couler l’eau de mer dans les carreaux en terre. Les carreaux se communiquent entr’eux. Ainsi l’eau de la mer peut circuler de compartiment en compartiment. A la fin du parcours des eaux de mer qui deviennent saturée en sel après quelques semaines. On empêche a l’eau de pénétrer dans les bassins. Le vent et la chaleur du soleil se chargent de faire évaporer les eaux salines.

Puis elles commencent à se cristalliser. Etape par étape. Quand le sel forme des grains assez solides, les palutiers viennent les séparer de la terre et des algues. On les fait sécher. Après les transporte dans un lieu sûr. Ne me demandez pas si le sel est lourd. La brouette remplie de grains ne peut se faire bouger que par des costauds. Le sel, s’il est lavé, est déjà prêt pour la consommation. Celui de Caracol comme un peu partout en Haïti n’est ni traité, ni transformé.

Le sel n’est pas l’unique pilier économique de cette commune. La pêche vaut aussi son pesant d’or. Au fur à mesure qu’on s’approche des côtes des femmes qui barbillent sans cesse font un travail en groupe. Elles préfèrent le faire immédiatement. Elles procèdent au nettoyage des poissons fraichement péchés. Les canots vides alignés voguent et montrent clairement que les hommes sont au repos. Les femmes font le relai. Aucun homme dans les activités de nettoyage ni dans la commercialisation.

A un jet de pierre, trois hommes s’activent à réparer un canot avant le coucher du soleil. L’un d’eux, Brunel Georges, 30 ans, est fils de pêcheur et pêcheur lui-même. Je pêche depuis l’âge de 10 ans, nous raconte-il en remontant le temps. Le père de quatre enfants fait remarquer que les pêcheurs de Caracol pratiquent une pêche artisanale. Et, dit-il, certains poissons pris dans les filets devraient être rejetés dans les eaux purement et simplement.

Brunel Georges ne feint pas d’ignorer l’existence du Parc industriel dans sa commune. Pourtant il exprime un certain mépris pour les emplois qui y seront créés. « Je travaille trop dur pour gagner ma vie. Comment pourrais-je penser au parc là où je suis.», s’est demandé le pêcheur sous un ton moqueur. Il demande toutefois aux autorités de prendre des mesures d’accompagnement pour éviter toute destruction de cette commune de 11 000 âmes.

Dieudonné Joachim
djoachim@lenouvelliste.com

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