Les arrestations de Dimitri Vorbe et Réginald Boulos ouvrent-elles la voie vers une justice réelle pour Haïti ?

La décision des autorités américaines de s’attaquer frontalement à certaines figures puissantes du milieu des affaires haïtien continue de susciter un vif débat. Après l’incarcération de Pierre Réginald Boulos en juillet dernier, le Département d’État vient de déclarer que la présence ou les activités de Dimitri Vorbe aux États-Unis pourraient avoir de graves conséquences négatives pour la politique étrangère américaine. Vorbe et Boulos sont accusés d’avoir entretenu des liens avec des gangs armés, considérés comme les principaux catalyseurs de l’insécurité chronique en Haïti.

Washington – 24 septembre 2025 : Selon Washington, Vorbe aurait mené une campagne active de soutien aux groupes criminels haïtiens, ce qui justifie une procédure d’expulsion. L’ICE a de son côté, confirmé que Pierre Réginald Boulos sera expulsé vers Haïti, précisant qu’il devra répondre à l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC).

Ces annonces ont provoqué une onde de choc dans le milieu des affaires haïtien, où ces personnalités occupaient des positions influentes, mais elles posent aussi une question cruciale : Haïti peut-elle espérer de véritables victoires judiciaires de ces arrestations effectuées à l’étranger ?

Pour le politologue et spécialiste en relations internationales, Jean-Michel Dorcé, ce tournant reflète moins une volonté américaine de rendre justice aux Haïtiens qu’une stratégie visant à protéger ses propres intérêts :

« Les États-Unis agissent avant tout en fonction de leur politique étrangère. Lorsqu’ils considèrent que la présence d’un individu sur leur sol constitue une menace, ils interviennent rapidement. Cependant, cela ne garantit pas que les institutions haïtiennes sauront transformer ces arrestations en un processus judiciaire solide et crédible dans le pays », explique-t-il.

Dorcé souligne que la plupart des grandes enquêtes en Haïti finissent souvent par être classées sans suite, faute de moyens, de volonté politique ou en raison de la corruption systémique.

La communauté internationale, et particulièrement Washington, semble vouloir resserrer l’étau sur les élites soupçonnées de collusion avec les gangs. Pourtant, plusieurs observateurs haïtiens restent prudents.

« Nous avons connu dans le passé plusieurs missions internationales, de la MINUSTAH à la BINUH, qui ont échoué à stabiliser le pays. Aujourd’hui, la répression ciblée contre certains oligarques pourrait envoyer un signal fort, mais elle ne s’attaque pas aux racines structurelles de la crise : la faiblesse de l’État, la pauvreté et l’impunité », ajoute le politologue.

Si Boulos est effectivement remis aux autorités haïtiennes via l’ULCC, ce serait une première opportunité pour le système judiciaire haïtien de démontrer sa capacité à agir. Mais encore faut-il que cette institution dispose de l’indépendance et du soutien nécessaire pour instruire ces dossiers sensibles.

En attendant, ces arrestations renforcent une impression paradoxale, la justice pour Haïti semble venir de l’étranger. Or, sans un sursaut interne de ses institutions, l’effet de ces mesures restera limité, voire sans effet réel.

Les arrestations de Dimitri Vorbe et de Pierre Réginald Boulos représentent certes un signal fort envoyé par Washington aux élites haïtiennes. Mais la véritable question demeure : Haïti saura-t-elle transformer cette pression internationale en une chance pour reconstruire un État de droit, ou restera-t-elle prisonnière d’une justice importée ?

Judelor Louis Charles
VANT BÈF INFO (VBI)

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