1987-2019: la marche constitutionnelle vers l’Etat d’Échéance.

Mar 4, 2019

L’État d’Échéance, c’est le point ultime de destructuration des institutions de la république d’Haiti au terme de trente deux années de marche constitutionnelle, postérieure à la dictature à vie des Duvalier.

Si, pour répéter Regis Debray, «le pouvoir, c’est la forme »,force est de constater que l’Etat d’Échéance est elliptique de la forme. Ce qui sous-tend que l’Etat d’Haiti est dépourvu de l’attribut par quoi il justifie son existence, sa capacité et ses compétences à protéger biens et vies des citoyens: le pouvoir.

C’est ainsi que les institutions de l’Etat Haitien, définies et modelées dans les articles de la Constitution démocratique de 1987, accusent sans fin un mouvement de giration destructrice et paupérisatrice entre  le caractére informel des actes politiques et les desseins clandestins de l’informalité économique, réunis en une théorie et pratique systémique inédite d’économie politique anti-sociale unique dans les Amériques.

Peut-on alors, sans se questionner sur la nature, les composantes, les manifestations, le parcours et la maturation de l’Etat d’Échéance, convier les citoyens et citoyennes, la jeunesse,les forces vives du pays à faire le point autour des trente deux ans de l’actuelle Constitution? Se donner à cœur joie, avec le cynisme des solennités traditionnelles, aux jeux magistraux et irresponsables d’exploration et d’analyses de la Constitution de 1987?   

Il est vrai, nous sommes passé maitre dans l’art de célébrer (carnavaler serait plus juste), mais faut-il pousser l’indécence jusqu’à décerner un brevet d’excellence aux échus du Judiciaire, de l’exécutif et du législatif, qui ont mis hors la loi et hors jeu et la justice et les droits fondamentaux des citoyens, sans aucune forme de procés?

L’informalité de l’État actuel d’Échéance, c’est d’abord et avant tout le refus et le déni de justice, la négation du pouvoir de production économique et de régulation sociale.Et la permanence du jeu criminel d’appropriation des pouvoirs et attributs de l’État par des sectes et clans de familles patentés. D’ou la dichotomie entre les lois usuelles non appliquées et les références épisodiques à la Loi-Mére, elle-méme ignorée.

Haiti vit l’ére de l’État d’Échéance dans toute sa splendeur. Questions et réponses aux problémes conjoncturels et structurels, relatifs à l’économique, au politique et au social, pataugent dans l’instant-instinct, instantinctivement, en opposition ouverte, si ce n’est en contradiction, avec les exigences de construction structurelle du régime démocratique et son corollaire: l’amélioration et la modernisation des conditions de vie des citoyens et citoyennes.        

Trente deux ans, c’est un àge certain. L’Etat d’Échéance est à maturité, dressée contre toutes les tentatives et initiatives de construction de la Démocratie. Et puisque tout est échu, puisque, de cosmétiques nouvelles il n’en existe plus pour faire avaler les pillules de l’exclusivisme et du paupérisme, les croisés de l’Échéance s’en vont dénonçant le Systéme, réclamant un nouveau Projet de Société.

Quelle audace!

Tandis qu’universitaires et patriotes de bonne foi se laissent prendre à ce jeu, le projet de société démocratique à construire, inscrit dans les articles et structures de la Constitution de 1987 est chaque jour défait, les droits des citoyens bafoués par la non-application des lois ordinaires. Tandis que paroles et costumes se renouvellent, la misére et l’insécurité font la tournée et désolent les milieux populaires. Les fils et les filles de la diaspora fuient la terre natale. Au pouvoir comme dans les oppositions, l’on effeuille les pages de la loi-Mére…

La décentralisation: oubliée.

L’école gratuite: pas question.

Le crédit agricole: risqué.

Le cadastre: ne jamais y penser.

La banque de la République d’Haiti (BRH), l’ONA, L’OFATMA, LES DOUANES, LA BNC, LA MINOTERIE, L’OFFICE DU CAFÉ, LA SEDREN, L’ADMINISTRATION PORTUAIRE, qui pouvait au temps de Papa Doc (mwen nome w,m pa rele w!) se partager ces institutions nationales comme des biens privés?

Ah! Que la république étatit belle au temps de la dictature!

Les titres de propriétés aux habitants des régions pauvres: jamais. Pas question.

Une diplomatie en conformité avec les droits fondamentaux du peuple et les racines historiques de la nation: connais pas.

La gestion et l’exploitation des richesses maritimes: pourquoi faire?

L’ouverture et l’entretien d’un dialogue sincére, engagé, avec le peuple sur des urgences comme le régime alimentaire, l’éducation, la formation professionnelle, la gestion de l’eau, la protection de l’environnement :On attend.

La marche constitutionnelle vers l’État d’Échéance, ça fait trente deux ans.

Trente deux ans de constitutionalité de l’État d’Échéance aux structures INFORMALES, résolument consacrées à détruire les pouvoirs de l’Etat de Droit démocratique en Haiti.

Trop, n’est-ce pas trop pour les fils et les filles de Louverture, de Dessalines, de Christophe et de Pétion?

Trop, c’est trop, pour faire l’objet de parlottes et de radotes à prétentions constitutionnalistes, universitaristes,  politis-tes ou révolutionariennes.

Lorsque, comme nous y sommes en l’État d’Haiti, L’INFORMEL s’est fait INFORMAL, générant L’ÉTAT D’ÉCHÉANCE, c’est que le temps des hommes et des femmes vaillant a sonné.

Trop, c’est trop!

 Willem Roméus

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