Le Nouvelliste:
Haïti: Tout parlementaire, mis à part les responsabilités que lui attribue la Constitution, a l’obligation de répondre aux attentes de la population tout en suivant les lignes de son parti.
Cependant, ce Parlement, a une fois de plus, démontré son intransigeance en sanctionnant le choix du premier Ministre désigné, afin de satisfaire sa base au détriment des intérêts nationaux, sans considération de trêve politique qui devrait être de coutume après les élections, afin de permettre à la nouvelle administration d’exécuter son mandat, selon le voeu de la population haïtienne qui s’est présentée aux urnes.
Une des implications de cette décision est la paralysie de l’administration publique qui est néfaste au développement du pays.
L’homme politique n’est-il pas avant tout un serviteur public qui devrait sacrifier les intérêts de son département, de ses électeurs, et même de son parti, au bénéfice des intérêts nationaux ?
Explorons, à travers une analyse rapide, les résultats des élections présidentielle et législatives (tableau 1) afin de comprendre le choix des électeurs pour la gouvernance des cinq prochaines années, en supposant que les résultats publiés par le CEP, questionnés par la criée publique et par les acteurs nationaux et internationaux, et tout particulièrement par la justice haïtienne, sont bel et bien ceux retrouvés aux urnes. La femme de César ne doit pas être soupçonnée !
Selon les résultats disponibles sur le site web du CEP, 22 députés et 4 sénateurs ont été élus au premier tour contre 73 députés et 7 sénateursau second tour.
Malheureusement, pour le premier tour, le CEP a choisi de publier seulement les noms et prénoms des élus par circonscription électorale sans offrir ni le nombre de votes ni le pourcentage. Cette méthode prive les candidats et le peuple haïtien du droit de regard sur les calculs effectués par le centre de tabulation du CEP, alors que toute information générée par le secteur public appartient au bien public et doit répondre au principe des bonnes pratiques de transparence et d’imputabilité.
Pour le second tour des sénatoriales, 2 sénateurs sur 7 (29%) on gagné avec moins de 50% de l’électorat, 4 sur 7 (57%) avec entre 51% et 64%, et 1 sur 7 avec plus de 70% (tableau 1). Au total, 11 sénateurs ont été élus (graphique 1): Six pour le parti Inité représentant les départements du Centre, de Nippes, du Nord’Est, du Nord’Ouest, du Sud, et du Sud’Est; quatre pour le parti Alternativ représentant les départements de l’Artibonite, de la Grande-Anse, de l’Ouest, et du Nord ; et un pour le parti Lavni représentant le département du Centre.
Pour la chambre basse, 42 députés sur 73 (58%), soit plus de la moitié, ont gagné avec moins de 55% de l’électorat, 23 sur 73 (32%) avec entre 55% et 64% ; 5 sur 73 (7%) avec entre 65% et 69%, et 3 sur 73 (4%) avec plus de 70%.
Pour la présidence, le score était de 68%.
Un calcul rapide montre que 1 Sénateur sur 7 et 3 Députés sur 73 ont eu un score plus élevé que le Président tandis que 6 sénateurs sur 7 et 65 députés sur 73 ont eu un score plus bas. Ces chiffres révèlent que le président est plus populaire que la majorité des parlementaires élus.
Le Parlement a un pouvoir collectif fragmenté. Globalement, le parti Inité est présent dans tous les départements (carte 1) ; il a une présence particulièrement forte dans les départements de la Grande-Anse et du Sud-Est, et peut facilement faire des alliances pour le controle des chambres. Pour le reste, seuls des alliances multiples leur permettront de se consolider pour une opposition efficace puisqu’ils se retrouvent tous sans pénétration territoriale.
Les hommes politiques d’aujourd’hui ne devraient pas oublier, comme le dit si bien David Gergen, que le pouvoir est évanescent et qu’il peut s’effriter rapidement.
Michel Eric Gaillard
Master en Gestion Publique du Kennedy School of Government de l’Université de Harvard
Courriel: egaillard@msn.com