Victimes et acquittés vont porter plainte

LaNouvelliste:Suite au verdict du tribunal criminel sans assistance de jury, le 14 août 2006, en faveur des accusés Annette Auguste et consorts, dans le cadre des événements macabres du 5 décembre 2003 à la FASCH et à l’INAGHEI, victimes et acquittés ont décidé de porter plainte. Une affaire qui promet des rebondissements retentissants.
Haïti: L’Université d’Etat d’Haïti (UEH) a décidé, mardi 22 août 2006, de porter plainte formellement contre les accusés non encore jugés dans le cadre des événements du 5 décembre 2003. Evénements au cours desquels les ligaments des genoux du recteur de l’Université d’Etat, Pierre-Marie Paquiot, avaient été brisés et que plus d’une trentaine de personnes dont une majorité d’étudiants avaient été blessées par des individus armés se réclamant d’organisations populaires proches du régime Lavalas.

Cette décision a été adoptée suite à une réunion du Conseil de l’Université convoquée à l’extraordinaire à l’issue du verdict du tribunal criminel sans assistance de jury prononcé en faveur des accusés Annette Auguste dite Sò Anne, Paul André Raymond Jr, Georges Honoré et Yvon Antoine dit Yvon Zap-Zap. Ils ont été accusés pour leur implication aux événements du 5 décembre 2003 soit comme auteurs, soit comme complices. Ils ont été acquittés le 14 août 2006 par le tribunal criminel sans assistance de jury, le ministère public ayant renoncé à la poursuite.

Une décision tardive

L’Université qui n’a jamais porté plainte pendant les deux (2) dernières années a décidé de le faire à présent après le prononcé du verdict du tribunal criminel en faveur des quatre (4) co-accusés sus-cités. Cette décision, jugée tardive par certains et bien accueillie par d’autres, est arrivée à un moment où tous les regards sont fixés sur l’appareil judiciaire haïtien, accusé à tort et à travers de tous les maux de la terre.

Cependant, elle ne pourra le faire que contre les huit (8) autres accusés. Aucun recours en cassation n’ayant été formulé contre le jugement dans les délais impartis, soit trois (3) jours francs, le verdict a acquis l’autorité de la chose jugée et le recours frappé de forclusion, au regard de l’article 305 du Code d’Instruction Criminelle (CIC).

L’Université n’avait pas jugé bon de se constituer partie civile au procès et n’avait même pas porté plainte contre les accusés. Selon les prescrits de l’article 54 du CIC, elle avait jusqu’à la clôture des débats pour se constituer partie civile au procès.

«L’Université peut toujours, si elle le veut, porter plainte contre tous ceux qui ont été impliqués dans les événements du 5 décembre à la Faculté des Sciences humaines et à l’INAGHEI. Ce que les gens ne comprennent pas, c’est que le droit est une discipline technique. Il ne suffit pas de parler dans la presse. Il faut agir et saisir la juridiction compétente pour faire valoir ses droits», a lancé le juriste Monferrier Dorval, professeur de Droit constitutionnel à l’Université d’Etat d’Haïti.

De son côté, l’un des avocats du conseil de l’accusé, Me Jean Frédérick Bénèche, a lui aussi assuré que ses clients – qui ont passé deux années derrière les barreaux et qui ont été innocentés par la suite, faute de preuve – comptent porter plainte contre l’Etat haïtien et particulièrement contre le responsable de la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ).

En effet, l’un des accusés au procès, Georges Honoré, a déclaré au tribunal qu’il a eu un oeil crevé lors de son interrogatoire «musclé» à la DCPJ. «On ne peut pas se permettre de telle dérive ni de telle barbarie policière pour arracher des aveux», a argumenté l’homme de loi.

Me Bénèche voit de mauvais oeil l’absence des témoins à charge au procès impliquant ses clients. «On les a cités, ils ont brillé par leur absence. Quand même ils ne seraient pas cités, ils sont des victimes. Ils ont été victimes dans des conditions graves», a dit Me Bénèche qui interprète de deux (2) manières cette absence remarquable et remarquée au tribunal :

1-. cela traduit le non-respect qu’il y a chez nous pour la justice ;
2-. cela renforce la thèse que les accusés étaient des prisonniers politiques et non des prisonniers de droit commun.

Le ministère public irresponsable?

Parallèlement, le défenseur de Sò Anne et consorts s’en est pris directement à l’un des plaignants, homme politique de son état et ancien candidat à la présidence, l’industriel Charles Henri Baker, qui lui non plus n’avait pas répondu à la citation. «Il devait, en tant qu’homme d’Etat et aspirant dirigeant haïtien, se présenter au tribunal pour dire ce qu’il en sait des événements du 5 décembre 2003 à la FASCH et à l’INAGHEI», a-t-il dit avant d’ajouter cette boutade : «Les témoins représentent les yeux et les oreilles de la justice».

Quoique la décision du tribunal ait été prononcée en faveur de ses clients, Me Bénèche a laissé entendre que sa lanterne n’a pas été suffisamment éclairée, puisque le ministère public a renoncé faute de preuve à la poursuite et que, en conséquence, il n’y a pas eu de débats contradictoires. «Pourquoi, depuis deux (2) ans, il (le parquet) n’avait pas agi de la sorte ?», s’est-il interrogé avant de qualifier le ministère public d’ «irresponsable».

«Ce qui s’est passé le 5 décembre à la FASCH et à l’INAGHEI me choque encore. Jusqu’à présent, personne n’a la vérité sur cette histoire. Et l’absence des plaignants et des témoins plaçait le magistrat dans une situation de déni de justice», a conclu Me Bénèche.

En attendant un nouveau rebondissement dans cette affaire, les langues continuent à se délier autour de ce procès. Pour ses détracteurs, le procès n’a été qu’un acte expéditif pour libérer des prisonniers jugés encombrants. Pour ses partisans, les accusés n’étaient que des prisonniers politiques mis hors d’état de nuire pendant la période de transition (mars 2004-mai 2006). De part et d’autre, tous les signaux montrent la nécessité de réformer l’appareil judiciare haïtien pour mettre fin à l’impunité qui écarte de plus en plus notre société de l’Etat de droit.

Samuel Baucicaut
baucicaut@yahoo.fr

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1 thought on “Victimes et acquittés vont porter plainte

  1. Anne Auguste remains a killer, even though our Justice avoids the fact.

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