Pour rendre hommage à la mémoire d’un grand juge-Added COMMENTARY By Haitian-Truth

Le Nouvelliste | Publié le : 2013-02-01
Jean-Claude Boyer jc2boyer@yahoo.com jeudi 31 janvier 2013
Comme j’aurais aimé ne pas avoir à m’acquitter de la tâche de griffonner quelques mots pour rendre hommage au magistrat Hénock Voltaire qui a tiré la révérence le jeudi 24 janvier 2013, puisque j’espérais qu’il resterait encore longtemps avec les siens, ses amis et ses collègues. Mais il a été vaincu par la maladie. Je le côtoyais quotidiennement. Et avec le temps, s’était nouée une complicité entre nous. La complicité entre un aîné et un plus jeune, empreinte du plus grand respect. Donc une estime réciproque. Ce qui frappait en lui d’emblée, c’était sa bonne éducation qui s’extériorisait en son affabilité. Eh oui ! C’était un homme affable, le sourire illuminant invariablement son visage. C’était un signe de vive intelligence, et l’homme de loi doit, effectivement, faire montre d’intelligence pour démêler l’écheveau d’une situation délicate. Dans son parcours de magistrat que de situations délicates se sont présentées à lui ! De l’échange de nos confidences, je me remémore sa narration de l’astuce d’un plaideur qui, in limine litis (au seuil des débats), l’attaqua avec virulence. Au palais de justice, quelques jours auparavant, le bruit avait couru que la partie que représentait cet avocat n’aurait aucune chance de renverser la vapeur si sa mauvaise cause était entendue par le juge Voltaire. Il comprit très vite l’astuce, stoppa net l’avocat et lui annonça sa décision de se déporter de la connaissance de l’affaire. A sa façon, il mettait ce défenseur en face de sa conscience. Je rapporte cette anecdote pour montrer que la tâche de juger, de départager les parties, évidemment, aux intérêts opposés n’est pas de tout repos. Cette navrante réalité est surtout vécue par le juge d’instruction. Dans les fracas de nos luttes politiques, l’indépendance du magistrat est souvent mise à mal. Les populistes tiennent les rênes du pouvoir au début des années 1990, eh bien ! Ils ne se gênent pas pour convoquer au ministère de la Justice le commissaire du gouvernement et le juge d’instruction, et leur soumettre une liste nominale d’adversaires contre lesquels ils entendent décerner des mandats d’amener. Arrive le coup d’Etat militaire, les deux officiers, soi-disant à la tête de la police judiciaire, n’ont toujours pas leur repos d’esprit. C’est au tour des militaires de leur soumettre une liste nominale de populistes contre lesquels ils sollicitent l’émission de mandats d’amener. La roue tourne. Le juge voit ainsi froisser sa dignité, son indépendance traîner dans les caniveaux. Retour à l’ordre constitutionnel, le manège recommence, cette fois-ci les populistes réclament l’arrestation de militaires compromis dans le coup de force. Des représailles politiques à n’en plus finir. Le juge est pris entre deux feux. A chaque sollicitation inconvenante, indélicate, le juge Voltaire choisit la temporisation, c’est-à-dire laisser faire le temps. Le temps que s’apaisent les passions. Malheureusement, il advient que le populisme rancunier ne lui pardonna pas son peu d’empressement à exécuter un ordre manifestement illégal. Débuta ainsi sa traversée du désert. Une longue traversée jusqu’à sa réintégration dans la judicature en 2004 avec son affectation à la cour d’appel. De tous côtés, le juge est tiraillé. On veut l’impliquer dans des querelles politiciennes, comme dans les affaires civiles quand d’importants intérêts sont en jeu. Et quand il ne marche pas dans les rues d’un puissant, on ne le ménage pas. Je vous livre une confidence: une partie se trouvant dans son bon droit- puisqu’ayant acquis un bien du domaine privé de l’Etat- voit ses intérêts en péril à cause d’une coalition de gens puissants qui s’appuyaient sur un fonctionnaire de justice haut placé. Tout était consommé. Quand sur exécution on se référa au doyen Voltaire, avec tact, discernement et bon sens, il ordonne une mesure d’instruction consistant en une visite des lieux pour se faire une idée exacte de la situation du bien convoité. Cette sage mesure préparatoire ne plut pas à la partie bénéficiant de puissants appuis. Quand le doyen Voltaire rendit son ordonnance où il dit que les choses resteront en l’état jusqu’à ce que des impenses soient versées à l’acquéreur de l’Etat si toutefois il devait renoncer à sa possession, ce fut le feu aux poudres. Mais en son for intérieur, le juge Voltaire savait qu’il avait bien jugé. D’ailleurs en privé, il confia ne pas vouloir ajouter une injustice à une injustice. Là encore, on lui fit payer son indépendance. En dressant son portrait à l’aide de faits, je veux surtout souligner son courage, car il faut un mâle courage au magistrat, qui rend la justice, pour résister aux pressions dans un milieu sans norme où la force des institutions ne s’affirme toujours pas malgré l’indépendance conquise il y a déjà deux siècles. La science du droit, le magistrat se doit de la maîtriser. Mais le courage, il lui en faut pour départager les parties ou pour ne pas céder aux demandes inconvenantes des puissants du jour. Après son départ, il restera aussi dans la mémoire de ses proches l’image de l’intellectuel racé qu’il projetait, de l’homme plein de finesse et de modération qu’il était. C’était, en effet, un homme du milieu, du juste milieu, ayant horreur des extrêmes. Pour cultiver la mémoire de Me Hénock Voltaire, ses proches évoqueront sa finesse d’esprit, sa sociabilité, son sens de la mesure, et sa dévotion à servir la société.
Jean-Claude Boyer jc2boyer@yahoo.com jeudi 31 janvier 2013

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COMMENT: HAITIAN-TRUTH.ORG

Voltaire was the man who issued a warrant for Aristide’s arrest for involvement in the murders of Doctor Roger Lafontant and the Reverend Sylvio Claude, both murdered on Aristide’s orders, during the night of September 29/30, 1991.

He may have died with the hope that this pair of criminals will finally be brought to justice.

Patience.

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