OPEN LETTER FROM DOCTOR REGINALD BOULOS- And a reply by Junior Mesamours

REGINALD BOULOS, M.D., M.P.H.
LETTRE OUVERTE À MES FRÈRES ET SŒURS HAÏTIENS

J’ai associé. de vécu réflexion avec Ces et entreprises une d’investissements profonde sont amertume le fruit continus, de l’action plus preuve de violente quarante-deux de ma exercée foi inébranlable années contre de les dans travail entreprises mon éprouvant, pays. dans Avant lesquelles de longues tout, je je nuits tiens suis

à exprimer mes sympathies émues et ma solidarité à l’endroit des autres maisons de commerce pillées ou incen- diées, à ces marchandes dont les tréteaux ont été détruits, aux propriétaires dont les automobiles personnels ont été endommagés et à tous les chauffeurs du transport en commun privés de leur gagne-pain.

En toute équité, rien ne saurait justiier qu’on détruise avec une telle violence l’œuvre d’un homme qui n’a fait que du bien à sa communauté. Je n’ai fait de mal à personne. J’ai toujours payé régulièrement mes impôts. Ma profession de médecin et mes initiatives d’entrepreneur responsable, aux fortes convictions civiques et huma- nistes, m’ont amené à construire des hôpitaux, des centres de santé, des écoles au bénéice des plus vulnérables d’entre nous. Ces opérations de ‘‘ déchouquage ’’, froidement concoctées et exécutées sous le couvert d’actions de foules mécontentes, constituent la pire des injustices faite à un homme qui a passé sa vie à créer des emplois et emploie aujourd’hui plus de deux mille de ses frères et sœurs haïtiens. Combien d’autres années de durs labeurs me reste-t-il pour tout reconstituer et réparer une telle injustice ? Dieu seul en détient la clé. J’ai, cependant, la foi que par l’intercession et la magnanimité du Très-Haut, je saurai surmonter mes doutes du moment et me relever dignement, fût-ce avec peine et mélancolie.

Ces actes de destruction d’une violence inouïe m’ont évidemment ébranlé. Les auteurs intellectuels et exécutants de telles monstruosités ont-ils pensé un instant à leurs conséquences désastreuses et douloureuses dans la vie de ces jeunes travailleurs, ces professionnels dévoués, ces mères et pères de famille dont le seul crime n’a été que de vouloir gagner leur pain quotidien dans la dignité par le travail et à la sueur de leur front ? Ils sont plusieurs centaines à se retrouver actuellement, par la force des choses, sans emploi et à aller grossir les rangs de ceux qui doutent de plus en plus de l’avenir du pays, qui s’inquiètent de leur demain, de celui de leurs enfants et qui contemplent l’exil vers des terres plus accueillantes et prospères malgré leur attachement viscéral à la terre natale. C’est 673 salariés directs de la Délimart qui sont, à présent, au chômage et des centaines d’autres, dépendant de l’activité de nos fournisseurs locaux, à être sur le pavé sans revenus dans un contexte économique et social déjà très précaire. Tout un écosystème social, fait de petits marchands mobiles d’articles divers, de vendeurs ixes et mobiles de repas chauds, d’artisans et d’ingénieux confectionneurs de produits comestibles de la capitale et de la province, s’était constitué autour de la Délimart. Entre les agents économiques d’un tel réseau s’établissaient des relations d’affaires durables et ponctuelles qui faisaient vivre des ménages entiers. C’est avec tristesse et les larmes aux yeux que j’ai assisté à l’effondrement, en un jour et par l’action malveillante de criminels sous contrat, de toute cette chaîne d’échanges commerciaux mutuellement dépendants et essentiels à l’économie nationale.

Chers compatriotes, l’heure est venue de nous demander sereinement et sérieusement de quelle Haïti voulons-nous. Les choses doivent changer dans le sens du bien dans notre pays. Il nous faudra tenir compte des demandes légitimes de mieux-être émanant des catégories pauvres et marginalisées de notre peuple. En raison

20, Blvd. T. Louverture, HT6120 Port au Prince, HAÏTI Tel: (509) 2816-1001 email: reginaldboulos@gmail.com

de la stagnation de l’économie, de l’instabilité politique et des crises sociales de tous ordres, les couches dites moyennes se voient de plus en plus exposées à cette précarité qui semblent n’épargner que de petites poches de richesse. Quand l’ascenseur social ne fonctionne plus, et que des segments importants de la société vivent dans l’angoisse perpétuelle d’une improbable mobilité sociale, les frustrations abondent avec pour corollaires les agita- tions de rue et les violences de foules périodiques auxquelles notre pays est tellement accoutumé.

Lors des pillages de supermarchés le samedi 7 juillet, il se trouvait, parmi les ‘‘ déchouqueurs ’’ profes- sionnels en mission, des personnes aux conditions très humbles, des pauvres qui avaient effectivement faim et en quête de quoi se nourrir le jour-même voire le lendemain. L’appareil judiciaire doit épargner ces êtres tourmen- tés de misères insoutenables et sévir avec la dernière rigueur contre les criminels de métier, les auteurs intellectuels, les opérateurs et groupuscules politiques de mauvais aloi, et contre les acteurs et groupes d’intérêts économiques ayant commandité et inancé ces opérations ciblées de ‘‘ déchouquage ’’. La misère des humbles ne saurait servir de prétexte aux entreprises de revanche politique ni de couverture aux actes maieux de vendetta économique. La soif pathologique du pouvoir des uns constitue un frein à la consolidation de la démocratie en Haïti. De même, l’appétit glouton d’autres pour davantage de richesses mal acquises se pose en menace pour la bonne gouvernance, l’investissement entrepreneurial privé sain et la stabilité politique et sociale.

Je suis Réginald Boulos, citoyen haïtien a part entière et descendant d’immigrés libanais arrivés en Haïti au milieu du 19e siècle. Je demeurerai moi-même, entier et intégral, dans mon identité, mes engagements sociaux et mes convictions. Alors que, légitimement, nous critiquons l’attitude raciste de Donald Trump envers les immigrants, me voilà, drôlement, victime, dans mon propre pays, d’agissements racistes orientés contre les Haïtiens originaires du Moyen-Orient, lesquels sont connus pour être, dans leur grande majorité, de rudes et d’honnêtes travailleurs. Ils créent, pour beaucoup, des emplois durables et s’acquittent de leurs redevances iscales en citoyens responsables. Je n’ai pas encore décidé des suites à donner à ce déferlement de haine aux conséquences douloureuses tant pour moi que pour des centaines d’autres affectés. Je préfère attendre le retour à plus de sérénité. Une des options qui s’offre à moi est de chercher pour mes enfants une terre plus clémente, un pays plus hospitalier aux immigrants. Je voudrais surtout éviter à mes enfants d’avoir à revivre cette expérience infernale. L’amour et l’attachement à la mère-patrie rendent un tel choix dramatique et diicilement envisageable.

J’entends surtout rester moi-même dans mon parti-pris pour la promotion de entrepreneuriat privé en Haïti, la création d’emplois à grande échelle. Je veux continuer à accompagner des entrepreneurs des classes moyennes dans la constitution d’entreprises viables et prospères. La solidarité sociale s’impose à moi et devrait s’imposer aux plus privilégiés d’entre nous comme un choix humain incontournable. Je ne me départirai jamais de mon combat progressiste pour une Haïti de création de richesses, de justice sociale et de prospérité. Une Haïti moderne où règne l’état de droit et où tous et chacun œuvrent, solidairement et collectivement, pour la protection des vies et des biens dans une communauté épanouie et apaisée.

DR RÉGINALD BOULOS Citoyen haïtien

Port-au-Prince, le 19 juillet 2018

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Réponse à M. Réginald Boulos pour sa lettre à la nation dans Le Nouvelliste du 18 juillet 2018

Monsieur Boulos,

J’ai lu votre lettre à la nation publiée dans Le Nouvelliste avec le sentiment mitigé d’un apprenti entrepreneur qui regrette les pillages et les vols perpétrés le 6 et le 7 juillet 2018 et la stupéfaction d’un acteur social qui se demande d’où la bourgeoisie haïtienne a importé cette bonne foi et cette innocence qui sont loin de lui ressembler. Parce que c’est presqu’essentiellement ce qu’elle fait au détriment de l’économie nationale: le commerce du bord-de-mer.

Je vous écris, parce que contrairement à beaucoup d’autres jeunes comme moi; diplômés, au chômage, frustrés, aigris, qui en ont marre et veulent simplement tout casser; je crois que CE PAYS A GRAVEMENT BESOIN DE DIALOGUE. Telle est mon intention: enclencher le dialogue riche-pauvre, nèg anwo-nèg anba, pitit Petyon-Pitit Kristòf qui est urgent comme jamais pour éviter un bain de sang dont on ne peut prévoir les victimes et les conséquences. Je crois que si on se parle on peut se comprendre; on peut se dire nos quatre vérités. On peut vider nos contentieux et repartir sur une nouvelle base. Dans la paix, la compréhension mutuelle et la réconciliation.

J’ai été franchement touché de vos dizaines d’années de travail ardu et d’investissements perdus en à peine 48 heures. Effectivement il vous faudra du temps pour reconstruire tout cela et les conséquences sur le pays seront désastreuses. Mais dites-vous que vous, au moins, vous avez fait quelque chose de votre travail. Mais savez-vous qu’il y en a qui travaillent du lever au coucher du soleil, mais qui vivent quand même avec moins de deux dollars US par jour? Savez-vous que la majorité d’entre nous ne savent s’ils sont travailleurs ou paresseux? Savez-vous que la majorité écrasante de ceux qui travaillent n’ont qu’un salaire de misère? Vous me direz avec raison que vous n’êtes pas responsables de tous ces gens. Qu’ils ont le choix. Peut-être.

Je ne vous connais pas personnellement. Je n’ai rien contre vous. Tout ce que je vais vous poser comme questions sont des accusations portées contre bourgeoisie haïtienne, à tort ou à raison. Ce sont des secrets de polichinelles.

En parlant des auteurs intellectuels, des politiciens qui ont soif de pouvoir; n’êtes-vous pas de cette bourgeoisie qui a mainmise à la fois sur l’exécutif, le législatif, le judiciaire; l’économie et la presse?

N’êtes-vous pas de cette bourgeoisie qui a le monopole du fer, du ciment, du riz, du crédit, etc?

Ne faites-vous pas partie des douze familles nanties qui prennent le pays en ôtage avec plus de 80% des richesses?

N’êtes-vous pas de ceux qui dictent à chaque gouvernement qui sera le directeur de la DGI, de la Douane et d’autres postes stratégieques ?

N’êtes-vous pas de ceux qui financent les candidats corruptibles pour ensuite profiter des gouvernements corrompus?

N’avez-vous pas des parlementaires dans vos petits papiers?

N’avez-vous pas des contrats juteux de l’Etat gagnés à coûts de pots-de-vin?

Je ne vous demande pas de répondre sincèrement. Nous avons chacun, de près ou de loin, une part de responsabilité dans l’état du pays.

Mais ce qui est sûr est que personne n’est en sécurité dans un pays où la vaste majorité vit dans l’insécurité alimentaire; toute paix est trompeuse dans un pays sans avenir où la grande majorité est misérable; donc achetable, facile à instrumentaliser.

IL N’Y A PAS DE SUCCÈS INDIVIDUEL DANS CET ÉCHEC COLLECTIF.

L’avion est en détresse et le crash est imminent. Le sort sera le même et pour nous qui sommes en classe économique et pour vous qui êtes en classe affaire.

Le temps presse. Le dialogue participe de la sauvegarde de la barque nationale. Saisissons la balle au bond.

Patriotiquement, Junior Mesamours.

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