Martelly enflamme le Sénat

Le Nouvelliste | Publié le : 2013-01-24
Yvince Hilaire et Claude Gilles
Des parlementaires dénoncent à cor et à cri l’intention du président Martelly de réduire d’un an le mandat des dix sénateurs issus des législatives de 2009. L’idée d’écourter le mandat de ces derniers a été évoquée lors d’une rencontre plutôt houleuse, mardi, entre le chef de l’Etat et plusieurs parlementaires, dont le président du Sénat, Dieuseul Simon Desras.
Le chef de l'Etat Michel Martelly et les présidents des deux chambres
Le chef de l’Etat Michel Martelly et les présidents des deux chambres
« Le président Martelly n’écarte pas l’option de réduire d’un an le mandat de ces élus», a lancé, furieux, le sénateur Wenceslas Lambert, brandissant l’article 85 de la loi électorale en vigueur. Aucun jour ne sera enlevé de mon mandat de six ans qui prendra fin le 2e lundi de janvier 2015. » Le sénateur du Sud-Est croit que « le pays sera plongé dans un véritable chaos au cas où une telle mesure serait adoptée ». « Les sénateurs n’ont pas à négocier la durée de leur mandat avec quiconque, a réagi le sénateur Dieuseul Simon Desras. Ce sont des élus du peuple… Si on veut remettre en question leur mandat, il faut le faire pour tout autre élu du peuple, comme le président de la République d’ailleurs. » Le président Martelly, a-t-il expliqué, s’est basé sur l’article 231 de la loi électorale de 2008. « Je lui ai pourtant dit qu’il a pris une très mauvaise voie en voulant appliquer cet article». L’article en question stipule que les sénateurs élus lors de ces élections resteront en fonction jusqu’au deuxième lundi de janvier 2014. Néanmoins, il a fallu attendre l’année 2009 pour voir réaliser ces joutes pourtant prévues en novembre 2008. « Donc, a ajouté le président du Grand corps, cet article n’est plus valable pour la simple et bonne raison qu’une disposition transitoire est limitée dans le temps et dans l’espace. En conséquence, toute tentative de réduire le mandat des sénateurs est nulle et non avenue». « Cela n’est prévu nulle part dans la Constitution. Aucun pouvoir ne peut réduire le mandat des membres d’un autre pouvoir », a, pour sa part, précisé le sénateur des Nippes, Jean-William Jeanty, qui dit ne pas accorder trop d’importance à une telle question. De son côté, le sénateur Steven Benoît indique que cette idée avait été déjà évoquée il y a six mois. « Il y a environ six mois que cette question a été sur le tapis lors d’une rencontre entre le chef de l’Etat, le bureau du Sénat de la République et deux des conseillers politiques du président » a-t-il souligné. Ce n’est certes pas le sénateur Moïse Jean-Charles, ennemi juré du président Martelly, que cette mesure étonnera. « Martelly peut faire n’importe quoi, tempête l’élu de l’INITE, qui n’entend pas partager son pouvoir. Martelly, qui, soit dit en passant, se passe de présentation, prouve de plus en plus son mépris pour la loi, la Constitution et les acquis démocratiques. C’est dans le but de classer définitivement le dossier de Moïse Jean-Charles qu’une telle décision est envisagée. Le président Martelly doit savoir que cela ne peut en aucune manière m’intimider… S’il veut que je ne le critique plus, il n’a qu’à bien se comporter », a expliqué Jean-Charles. Une telle mesure ne sera pas non plus sans influence sur le mandat des députés. Le renvoi de ces sénateurs ne risque-t-il pas d’entraîner automatiquement la caducité du Parlement ? Le député Emmanuel Fritz Gérald Bourjolly du PSP (Parlementaires pour la stabilité et le progrès) affirme qu’il ne soutiendra pas Michel Martelly dans cette démarche. « Si le président veut que le Parlement le mette en accusation, il peut proposer une soi-disant réduction de notre mandat», a-t-il martelé d’un ton ironique où perçait la colère. Le représentant de la commune d’Aquin à la 49e législature croit cependant que le président peut soit démissionner, soit proposer d’organiser des élections générales pour renouveler tous les dirigeants s’il a pris conscience de son incapacité à diriger le pays. Parmi d’autres, son collègue du PRI (Parlementaires pour le renforcement institutionnel), Patrick Joseph, voit dans cette idée du président Martelly un sombre projet d’instaurer une dictature dans le pays. « Le président ne pourrait pas penser autrement, car il est contre les prescrits démocratiques. Ce n’est qu’un pas vers la mise sur pied d’un régime totalitaire », a-t-il affirmé avec conviction.
Yvince Hilaire et Claude Gilles
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