LA QUESTION MARTELLY

LE JOU 46

Janvier 26, 2018

Condamner les propos grivois, souvent indécents de Michel Martelly, ex-Président d’Haïti, est une chose bien compréhensible, admise. Question d’image, de conformité attendue aux normes et règles de bonne conduite à observer par qui fut le Premier Mandataire de la Nation.

Se demander pourquoi le peuple lui a accordé ses suffrages et a fait de Sweet Micky, président du Compas, le Président élu de la République est autre chose.

Répondant à ses critiques, pour la plupart des hypocrites et des détracteurs selon lui, Michel Martelly a mis en avant son double Sweet Micky, bien connu, amateur de propos salaces, magicien du rythme qui a fait danser et qui continue à faire danser les foules, toutes catégories sociales confondues.

C’est à croire qu’il y aurait deux questions en une, la première ouverte sur Sweet Micky, la seconde sur Michel Martelly. Le président du Compas et le Président de la République. Sans doute, l’ombre de Freud plane sur cette dichotomie.

Nous ne nous y arrêterons pas. Voyons un peu du coté de notre culture, plus précisément de nos traditions musicales, fortement marquées par le Vaudou. Osons la question: Y a-t-il un loa de la Famille Guédé, qui danse dans la tête de Sweet Micky? Si, oui, ne serait-ce pas à ce loa qu’auraient d’abord été les votes de ses votants, dont la majorité est issue des bidonvilles de la capitale et de ses environs, alimentés par les vagues périodiques de l’exorde rural, de culture vaudouesque?

Autres considérations, relevant du même registre: héritier du compas dans sa version rythmique 1-2-3, la plus pure et entrainante, Sweet Micky y introduit des poses et accents inspirés des airs notables de la musique vaudouesque. Sa voix, en ces moments, à l’unisson de ses pas saccadés et de ses tours de reins, fait revivre les racines des traditions Guédé.

Tout le monde est emporté par la magie de la danse et du rythme, tout le monde se félicite de la page tournée sur la saison criminelle de Père Lebrun, mais qui est conscient de cette symbiose ou de cette familiarité entre Sweet Micky et Papa Guédé?

Et se pose la question de savoir qui, en l’état actuel des choses, candidat à la présidence de ce pays, peut s’imaginer avoir une chance de l’emporter sur Papa Guédé?

On a en mémoire la triste prestation de la candidate Manigat Mirlande face à Michel Martelly. C’aurait été le sort de tout compétiteur. Que peut la parole, opposée au rythme, au rythme du Compas, supporté par le  Vaudou?

Quel est, dans l’actualité, le discours d’un parti politique, qui peut résister à deux coups de tambour?

La question Martelly relève de la culture haïtienne, en un pays où la politique a trop longtemps non seulement rimé avec l’échec, la corruption et l’irresponsabilité, mais avec le mépris du peuple et la non satisfaction de ses besoins.

La culture étant la seule arme, que ne peuvent s’approprier les flibustiers de la tradition sous-développante, le peuple s’en est armé pour trouver les voies démocratiques d’élection de ses dirigeants. Ainsi, la musique Compas, enrichie du Vaudou, a porté Michel Martelly (à ne pas dissocier de Sweet Micky) au pouvoir politique.

L’ère de la saisie culturelle, musicale, du politique est ouverte. Elle coïncide avec le rejet des idéologies pseudo-révolutionnaires et des idéologues sanguinaires. Elle postule la prise en compte des besoins fondamentaux du peuple et ses droits à une vie décente.

Cela dit, entre les droits de Sweet Micky, artiste, à véhiculer des grivoiseries et les devoirs de Martelly, Président, à se conformer aux prescrits des codes de la décence, il y a un monde à reconstruire, des valeurs à fonder, une éducation à quantifier et à qualifier, une économie à ressusciter, une dignité et une souveraineté à retrouver.

A l’évidence, ce nouveau monde peinera à naitre, tant qu’en ce pays tout moun pa moun. Tant que la culture, via la musique, via le carnaval, sera l’unique lieu et temps forts de reconnaissance et de rapprochement des liens sociaux.

Pour dire sans détour, Martelly, alias Sweet Michy, a de beaux jours devant lui, tant que le phénoménal G.MANMAN témoigne de l’assimilation de nos valeurs par l’enfance et des coups de colère de l’adulte face à l’adversité et à l’injustice entretenue.

COMMENT: HAITIAN-TRUTH.ORG