La diplomatie entre renforcement et renouvellement

Le Nouvelliste | Publié le : 2013-01-08
Amos Cincir mcincir@lenouvelliste.com Dominique Domerçant dominiquedomercant@gmail.com
Parti sur le même élan de 2011, le président Michel Joseph Martelly, secondé tour à tour par ses ministres des Affaires étrangères et des Cultes, Laurent Salvador Lamothe et Pierre-Richard Casimir suivis de Jacques Nixon Myrthil, secrétaire d’Etat, a tout fait pour réorienter la diplomatie haïtienne.
De gauche à droite : le Premier ministre Laurent Salvador Lamothe, ex-chancelier, le président Michel Joseph Martelly et le ministre des Affaires étrangères, Pierre-Richard Casimir
De gauche à droite : le Premier ministre Laurent Salvador Lamothe, ex-chancelier, le président Michel Joseph Martelly et le ministre des Affaires étrangères, Pierre-Richard Casimir

Pour l’année 2012, la diplomatie haïtienne a été marquée par la signature de plusieurs dizaines d’accords de coopération bilatérale et multilatérale, notamment avec des pays comme le Venezuela, le Brésil et Cuba. Et, dans un autre sens, elle se renouvelle par des actions significatives, en dehors des enjeux liés aux crises internes et la géopolitique régionale et internationale. A ce niveau, Haïti cherche une place entre les pays du Sud et ceux dits amis.

Avec pour fer de lance les deux slogans « diplomatie des affaires » et « Haiti is open for business», la diplomatie a été appelée à attirer des investisseurs directs au pays, à projeter une image positive d’Haïti sur la scène internationale et à trouver les ressources nécessaires pour financer le programme des cinq E de l’exécutif, en mal de satisfaire les promesses de la campagne électorale.

2012 : l’Axe Haïti -Cuba-Venezuela se renforce

La coopération tripartite a permis la construction de l’aéroport du Cap-Haïtien pour un montant de 33 millions de dollars américains; l’installation de trois usines électriques implantées au Cap-Haïtien, à Carrefour et aux Gonaïves, qui fournissent plus de 60 MW d’électricité à l’heure actuelle. Concernant la déforestation, près de 20 millions d’arbres seront mis en terre dans le pays pour combattre ce fléau. Les voies de communication sont considérées aujourd’hui comme des indicateurs de développement.

Trois accords ont été signés entre des officiels vénézuéliens, argentins et cubains qui se sont entretenus le mardi 29 mai 2012 avec le Premier ministre Laurent Lamothe, dans le cadre du suivi de la déclaration quadripartite signée à Port-au-Prince, le 25 avril 2012, entre les gouvernements haïtien, vénézuélien, argentin et cubain au terme de la session de travail qui s’est tenue à Port-au-Prince à la fin du mois d’avril dernier.

2012 : de Lamothe à Casimir

De Laurent Lamothe à Pierre-Richard Casimir, la chancellerie haïtienne n’a jamais manqué l’occasion de promouvoir la vision de Martelly via les deux slogans sus-mentionnés. Le chancelier Laurent Lamothe a effectué en France l’un de ses premiers voyages officiels en 2012. Il a rencontré plusieurs groupes d’intérêt dans l’Hexagone. C’est à la faveur de la réussite de cette tournée qu’il avait fait appel à Fritzner Gaspard, chargé d’affaires à l’ambassade d’Haïti en France pour devenir son directeur de cabinet.

Pour sa part, Pierre-Richard Casimir, qui a été nommé ministre des Affaires étrangères le 6 août 2012, n’a pas pris beaucoup de temps pour prendre son envol. Il a entrepris son premier voyage aux Etats-Unis, lors de la 67e Assemblée générale de l’ONU en septembre, puis a été en Afrique, principalement en République démocratique du Congo; il a accompagné le chef de l’État au sommet de la francophonie en octobre 2012. Il a pris part à la tournée européenne du président Martelly en Espagne, en  Belgique et en Italie pour rencontrer le pape Benoît XVI. Il était également présent à Cuba pour la signature d’un certain nombre d’accords de coopération, ainsi qu’au Japon, au Paraguay et au Canada.

En août 2012, on a assisté à des mutations en chaîne à la chancellerie. Pierre-Richard Casimir a remplacé Laurent Lamothe comme ministre des Affaires étrangères; Azad Belfort a remplacé Jacques Nixon Myrthil au poste de directeur général. Et le poste de secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, légué par Michel Brunache à Pierre-Richard Casimir, est occupé depuis par Jacques Nixon Myrthil.

La formation a été l’un des principaux axes priorisés par ces diplomates en 2012. On retient à l’actif de Laurent Lamothe la sélection sur concours d’une dizaine de jeunes universitaires par la chancellerie haïtienne pour effectuer un stage suivi d’emploi. Abondant dans le même sens, Pierre-Richard Casimir a, de son côté, signé de nombreux accords, notamment celui relatif aux 300 bourses d’études accordées par le Mexique, et un autre avec l’ambassade des Etats-Unis en Haïti dans le cadre du programme « Fullbright ».

Dans la perspective de la création de l’Académie diplomatique de la chancellerie, un  séminaire de formation a été organisé à l’intention de différents cadres de l’administration publique sur les méthodes et procédures de l’aide externe. Plus loin, en collaboration avec le palais national et la Primature, le ministère des Affaires étrangères et des Cultes a organisé un atelier sur le protocole. Enfin, se tient au siège de l’Organisation des Etats américains un séminaire qui durera 9 mois sur la diplomatie d’affaires, organisé conjointement par le Centre de facilitation des investissements (CFI), le ministère des Affaires étrangères et l’OEA.

2012 : entre tumulte et ingérence

C’est au sein  de la mission diplomatique d’Haïti en République dominicaine qu’a éclaté le scandale en novembre 2012. Dans une ambiance de violence verbale et physique, le vice-consul d’Haïti à Santiago (République dominicaine), Lutelson Laguerre, aurait été impliqué dans une affaire d’émission de faux visas. L’image de la diplomatie haïtienne en a reçu un rude coup.

On ne peut passer sous silence le dossier des proches de nombreux parlementaires employés dans les missions diplomatiques et consulaires haïtiennes, dont la nomination de la jeune Wendy Théodore (20 ans) par Laurent Lamothe comme première secrétaire de l’ambassade d’Haïti à Taipei Taïwan, en juillet 2012, qui avait défrayé la chronique tant dans la presse taïwanaise que dans la presse haïtienne.

Sans oublier l’affaire de Moïse Garçon, consul pour l’investissement au consulat général d’Haïti à Atlanta, qui a été arrêté en octobre dernier pour son implication présumée dans le  vol d’une Toyota 4Runner à Henry County, en Géorgie.

Il convient de signaler l’intervention de l’ex-ambassadeur des Etats-Unis en Haïti, Kenneth Merten, qui, en confirmant que le président Michel Martelly n’était pas de nationalité américaine, a contré les assauts du sénateur Moïse Jean-Charles, opposant farouche au président Michel Joseph Martelly qu’il accuse d’avoir une double nationalité ainsi que plusieurs autres officiels de de son administration.

De l’ingérence de la part des uns et des autres.  Deux avocats, en l’occurence Newton St-Juste et André Michel, dénoncent l’ingérence du président Martelly dans le dossier de sa femme et de son fils – impliqué dans des projets sportifs -,  accusés de  gérer irrégulièrement des fonds publics. Ils  ont porté plainte auprès des autorités judiciaires nationales et de certaines instances internationales.

2012: l’année des voyages de Martelly

Au cours des douze derniers mois, le président Michel Joseph Martelly a visité plus d’une douzaine de pays. C’est dans l’impératif de ces déplacements constants du chef de l’Etat hors du pays, assurant ses arrières par la présence physique de son Premier ministre sur le territoire, que Laurent Lamothe a été contraint de céder sa place de chancelier à son secrétaire d’Etat Pierre-Richard Casimir, qui accompagne le chef de l’État pendant ces multiples voyages.

Avec leur bâton de pèlerin, le trio Martelly-Lamothe-Casimir a visité chacun ou en duo, pendant l’année 2012,  des pays tels que la République dominicaine en plusieurs occasions; les Etats-Unis; le Canada, le Mexique ; des pays latino-américains: Cuba, le Venezuela, le Brésil et le Paraguay ; des pays de la Caraïbe: Ste-Lucie, Bahamas, Panama, Curaçao; des pays européens: l’Angleterre, la France, l’Espagne, l’Irlande, la Belgique, la Suisse et l’Italie. La République démocratique du Congo (RDC) pour l’Afrique; le  Japon et le Vietnam pour l’Asie.

2012 : l’année des hommages

Le gouvernement haïtien a rarement manqué une occasion de témoigner sa sympathie aux pays amis. En décembre 2012 notamment, on a retrouvé le président Martelly, le Premier ministre Lamothe, le chancelier Casimir et plusieurs autres officiels haïtiens en compagnie de l’ambassadeur du Venezuela en Haïti, lors d’une messe d’action de grâces dite en l’église Saint-Pierre de Pétion-Ville, à l’intention du président Hugo Chavez qui souffre d’un cancer.

Quelques mois plus tôt, c’était le tour du ministre Casimir de se rendre au siège de l’ambassade des Etats-Unis à Tabarre, pour signer un registre d’hommages tenu en mémoire des diplomates américains tués en Lybie, en présence de l’ambassadeur Pamela White. Le président Martelly a honoré, le vendredi 21 décembre 2012, l’ambassadeur sortant de France en Haïti,  Didier Le Bret, de l’Ordre national Grand-Croix Plaque Argent pour son engagement dans la cause d’Haïti, au lendemain du 12 janvier 2010.

2012 : l’année des évaluations

Si le deuxième anniversaire du séisme du 12 janvier 2010 a été marqué par l’inauguration des locaux de l’université Henri Christophe (Limonade); œuvre architecturale financée par la République voisine, c’est grâce à l’institution de l’acteur américain Sean Penn que le ramassage des décombres du palais national a eu lieu sous le regard impassible des statues de Toussaint, de Christophe et de Dessalines.

Port-au-Prince a accueilli en avril 2012, l’ex-président du Mexique Felipe Calderón Hinojosa, ainsi que son épouse Margarita Zavala, et l’épouse du prince héritier Philippe de Belgique, la princesse Maltilde, présidente d’honneur du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef-Belgique). Celle-ci avait reçu à son palais royal le président Martelly, le 21 novembre,  et a visité Haïti du 5 au 8 décembre 2012.

Concernant le vote  sur le statut de la Palestine à l’ONU, qui s’est tenu le jeudi 29 novembre, Haïti et 40 autres Etats ont fait abstention. La raison : le gouvernement haïtien n’aurait passé aucune instruction à la représentation d’Haïti aux Nations unies à ce sujet. Le vote d’Haïti fait fi de la résolution prise par le Sénat haïtien, le mardi 20 septembre 2011, en faveur de la création d’un Etat palestinien, demandant au gouvernement de soutenir le nouvel Etat.

Parallèlement, le président Martelly et le chancelier Casimir ont reçu, le mercredi 19 décembre, les chefs de mission diplomatique et les représentants permanents d’Haïti à travers le monde, dans le cadre de la « Conférence diplomatique 2012 », qui s’est tenue du 19 au 21 décembre à Port-au-Prince. Cette conférence des chefs de mission était  une occasion pour inviter les représentants d’Haïti à l’extérieur à approfondir la réflexion sur la place et le rôle d’Haïti sur l’échiquier mondial dans un contexte multipolaire, profondément marqué par les effets de la mondialisation croissante.

Au cours de cette année 2012, Wyclef Jean a été l’une des personnalités internationales les plus marginalisées lors des grands déplacements officiels. Le couple Clinton s’est offert un grand rendez-vous lors de l’inauguration de la piste agrandie de l’aéroport international du Cap-Haïtien et du parc industriel de Caracol.

L’organisation par Haïti du Sommet G7+ a permis à notre pays d’affirmer un certain esprit de solidarité entre les Etats les plus faibles pour mieux dialoguer avec les plus riches. Paul Farmer et son associé,  l’actuel président de la Banque mondiale, se sont donné rendez-vous entre Port-au-Prince et le Plateau central pour imposer la présence des ONG dans le devenir d’Haïti.

Lesly David, le dynamique ambassadeur d’Haïti au Venezuela, a  mobilisé l’aide du Venezuela au profit des victimes des intempéries qui ont frappé le pays durant cette année.

2013 : Haïti accueillera de grandes réunions internationales

« En janvier 2013, Haïti assurera la présidence de la Caricom et en avril, c’est à Port-au-Prince que se tiendra le prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Grande Caraïbe», selon Watson Denis, coordonnateur du sommet au sein de la chancellerie, pour le gouvernement d’Haïti. Une trentaine de chefs d’Etat ou de gouvernement et de ministres des Affaires étrangères séjourneront en Haïti, lors de ces assises. De plus en plus d’hôtels de renom ouvrent déjà leurs portes en vue d’accueillir des visiteurs, des touristes et des diplomates dans le cadre du slogan « Haiti is open for business ». Néanmoins, il reste beaucoup à faire pour neutraliser les campagnes dénigrantes de quelques grands médias occidentaux trop accrochés au paysage de Cité-Soleil et à la misère qui fait l’affaire des ONG.

Plus que d’autres, l’année 2012 a été marquée par de nombreux accords signés principalement avec des pays du Sud, ainsi que par les voyages de nos dirigeants à travers le monde et les réunions réalisées tant en Haïti qu’à l’étranger.

Amos Cincir mcincir@lenouvelliste.com Dominique Domerçant dominiquedomercant@gmail.com
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