Force publique : Les militaires démobilisés se mobilisent ?

Le Matin:Doter la nation d’une nouvelle force publique, tel est le vœu du président Michel Joseph Martelly qui prévoit de prendre sous peu un arrêté remobilisant les Forces armées d’Haïti (FAD’H). Plusieurs voix de la vie nationale se sont déjà prononcées sur la question. Qu’en est-il des militaires démobilisés ?

Le vœu du chef de l’État de créer une nouvelle Force publique est exprimé dans un document de vingt-deux pages rendu public. Dans ce document intitulé « Politique de défense et de sécurité nationales », il est rapporté que le président Martelly devra signer sous peu un arrêté de remobilisation et que, dans cette perspective, les militaires démobilisés devront se tenir à la disposition des autorités compétentes.

Mis sur la touche depuis seize ans, les militaires démobilisés n’ont jamais cessé de réclamer le retour des Forces armées d’Haïti. Mais les gouvernements qui se sont succédé ont toujours ignoré leurs revendications, y compris celle relative à leur indemnisation et au recouvrement de leur fonds de retraite. Sous Gérard Latortue, il a été formé une commission pour trancher sur la question et un fonds de dédommagement a été créé. Jusqu’à date, seules quelques compagnies ont reçu un dédommagement partiel. À la chute du président Jean-Bertrand Aristide, dans laquelle ils ont joué un rôle non négligeable, certains militaires démobilisés s’attendaient au retour de l’armée en Haïti. Mais leurs espoirs se sont vite évaporés. Certains d’entre eux, naïfs ou trop zélés, ont payé de leurs vies. D’autres ont été l’objet de persécutions. La réactivation de l’armée devrait donc être pour ces démobilisés une nouvelle plutôt réjouissante. Mais cette éventualité est perçue différemment dans ce secteur.

Recouvrer la souveraineté nationale
Nous avons tenté, mais en vain, de connaître la position d’anciens hauts gradés haïtiens encore en vie sur le projet de remobilisation de l’armée. Aucun de ceux que nous avons pu joindre par téléphone n’a voulu se prononcer publiquement sur la question. Un seul cependant, sous le couvert de l’anonymat, estime que ce projet permettra au pays de recouvrer sa souveraineté.

Youri Latortue, ancien-militaire, s’est aussi exprimé publiquement sur le sujet. Il se dit favorable à la création d’une nouvelle force publique. Toutefois, il émet des réserves sur les procédés utilisés par le président Martelly. Selon le sénateur de l’Artibonite, cette question devrait, de prime abord, faire l’objet de discussions au niveau des différents secteurs de la vie nationale. Or le chef de l’État a jugé bon d’en discuter exclusivement avec les acteurs internationaux. Peut-on dans ce cas affirmer que ce projet vise le recouvrement de la souveraineté nationale ?

Le colonel Rébu est préoccupé
Selon le colonel Himler Rébu, cette nouvelle force publique prônée par le président Martelly relève de la sécurité publique. Dans ce cas, croit-il, un document stratégique y relatif ne devrait pas être rendu public. Car, continue-t-il, « la sécurité nationale ne se traite pas sur la place publique ». C’est pourquoi il dit préférer s’abstenir de tout commentaire susceptible d’entraver le processus en cours. Les préoccupations de cet ancien commandant du Corps des Léopards fait planer de sérieux doutes sur l’importance d’un projet de cette envergure aux yeux de ses concepteurs. Pourquoi avoir divulgué un document stratégique sur la politique de défense et de sécurité nationales ? S’agirait-il d’une fuite d’informations ? De l’avis de certains observateurs, c’est à dessein qu’un tel document a été rendu public. Ce serait, à les en croire, une technique utilisée par les spécialistes de la communication pour tâter le terrain et connaître la perception du public sur un sujet qui prête à controverse. Les auteurs de cette fuite d’informations auraient donc voulu savoir si les citoyens haïtiens sont favorables au retour de l’armée.

Les Forces armées d’Haïti ont été démantelées par le décret du 6 janvier 1995. À l’époque, une partie importante de la population y était favorable, à cause notamment de la conduite répressive de l’armée. Seize ans après, les séquelles des exactions commises contre la population demeurent encore vivaces.

Des militaires démobilisés devront jouer un rôle actif dans la création de cette nouvelle force publique envisagée par le Président. Comment leur participation à ce projet sera-t-elle perçue ?

Jean Michel Cadet Jeanmich83@yahoo.fr
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