Elections en Haïti : une farce monumentale cautionnée par la Minustah

LEMONDE.FR | 09.12.10 |LE MONDE

L’année 2010 risque de s’achever en Haïti comme elle y a débuté. Tragique, apocalyptique et chaotique, avec autant de sinistrés dans les camps, de désespoir sur les visages, d’angoisses et de pessimisme dans les esprits. Un cortège de catastrophes naturelles et humaines, voilà qui résume bien l’année finissante pour ce qui fut la perle des Antilles, sinon, le Koweït du XVIIIe siècle.

Définitivement, cette année aura été une 206e maudite pour Haïti. Tremblement de terre dévastateur, OPA des ONG, tutelle de fait, échec de la reconstruction, promesses trahies ou oubliées, épidémie de choléra, enlisement de l’ONU, ouragan Thomas, faillite de l’Etat, putsch constitutionnel et “potentielle katrina” pour Bill Clinton et Barak Obama. Pour compléter ce tableau apocalyptique, voilà qu’Haïti se trouve à nouveau aspirée par le tragique à la suite d’un scrutin frauduleux, cautionné et financé par la communauté internationale et, de surcroît, organisé dans un décor nécrologique et funéraire.

L’enjeu ? Camoufler l’enlisement et l’échec lamentable de la Minustah, après six ans de présence en Haïti. Celle-ci s’avère, de toute évidence, le Waterloo antillais de l’ONU, qui y a déjà englouti des milliards et essuyé depuis 1994 pas moins de cinq échecs fort lamentables. Les élections du 28 novembre 2010 ont vocation de dédouaner la Minustah et de faire oublier que celle-ci n’a réussi qu’à empirer la faillite d’Haïti, notamment, sur le plan institutionnel. Elles risquent donc de discréditer davantage la Minustah et produire le contraire des résultats attendus.

Par ailleurs, le gouvernement canadien a vécu la même expérience négative et douloureuse en Haïti et ce, depuis au moins quatre décennies. Echec après échec, la situation haïtienne s’empire et la communauté internationale persiste, s’enfonce et réédite les mêmes erreurs sans questionnement et sans autocritique. Si bien qu’elle cautionne désormais une opération électorale antidémocratique certes, mais fondationnelle d’une nouvelle institution politique taillée sur mesure pour Haïti : la “démoligarchie” un néologisme formé par la contraction du concept de démocratie et celui d’oligarchie. Un scrutin “démoligarchique” est un scrutin organisé pour l’oligarchie politico-créole haïtienne et la jet-set bureaucratique transnationale onusienne; un scrutin paré d’un faux vernis démocratique en raison d’un processus d’agréments des candidats vicié et inconstitutionnel.

Il suffit d’imaginer des élections générales au Québec, interdites au Parti libéral et/ou au Parti québécois par le directeur général des élections pour comprendre l’absurdité du prochain scrutin en Haïti. Des élections sans “Fanmi Lavalas”de Jean Bertrand Aristide et sans “Fas-à-Fas” de Wyclef Jean ne peuvent revendiquer l’épithète “démocratique” dans le contexte haïtien. Les fraudes massives en faveur du candidat du parti présidentiel dénoncées par l’opposition et l’appel public lancé par cette dernière pour l’annulation du scrutin contrastent avec le cautionnement quasi-inconditionnel d’un tel scrutin par l’OEA et la Minustah. Avant celle-ci, l’on choisissait les Présidents pour les Haïtiens, incluant Aristide bis en 2002 et Préval bis en 2005 et, dans ce dernier cas, suivant un pacte informel avec les partisans de “Fanmi Lavalas”.

Avec la Minustah et sous la supervision de l’OEA, ne s’apprête-t-on pas à sélectionner le prochain président haïtien pour le peuple haïtien et ce, au ternes d’un processus “démoligarchique” ? A moins que la candidate Mirlande Manigatparvienne in extremis à éviter le forfait infligé à l’ex-président Lesly Manigat en 2005, le scénario de la sélection apparaît fort prévisible dans le cas du candidat officiel de la présidence, M. Jude Célestin. Autrement, le bris unilatéral par le président Préval de son contrat implicite en 2005 avec “Fanmi Lavalas” devrait en toute logique favoriser Mirlande Manigat au second tour. Ce qui ferait du même coup de Jean-Bertrand Aristide l’arbitre potentiel de l’issue du prochain scrutin. Ce que redoute le parti présidentiel. Une éventuelle victoire de Mirlande Manigat suppose la neutralisation du clan prévalien dont le cynisme et l’ambition dynastique sont des paramètres incontournables dans le dénouement final de l’équation électorale. A cela s’ajoutent des pratiques et mœurs électorales frauduleuses et bicentenaires, orchestrées avant, pendant et après la votation. En légitimant ex ante le processus électoral, l’ONU et l’OEA se sont piégées elles-mêmes. BAFOUÉS

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