Daniel Supplice : éprouvé ou supplicié ?

Le Matin:

Le ministre des Haïtiens vivant à l’étranger, Daniel Supplice

Qu’il ait été supplicié ou qu’il ait pu trouver de justesse une « prime de consolation », le nouveau titulaire du ministère des Haïtiens vivant à l’étranger (MHAVE) se trouve devant un grand défi : une confiance à regagner ou tout au moins une polyvalence à démontrer. Après avoir tour à tour raté la primature et la chancellerie, Daniel Supplice fait un atterrissage forcé au MHAVE, un ministère où tout manque, même un véhicule de service. Mais le sociologue croit pouvoir bien ramer, même en eaux difficiles.

« Je sais me battre, je me suis déjà battu, j’ai perdu, j’ai gagné aussi », a lancé M. Supplice au président Michel Martelly qui participait à son installation le 19 octobre dernier. Le nouveau ministre a préféré ne pas cacher sa frustration, mais a dû adresser des reproches à peine voilées à cet ancien chanteur devenu président, qu’il dit avoir supporté et accompagné au moment où celui-ci « n’était pas fréquentable ». Promettant d’entrée de jeu de gagner le pari, l’ancien conseiller du président Martelly dit être un soldat, qui perd certes des batailles mais qui n’abandonne pas la guerre avant d’être victorieux.

Souriant au besoin, fixant à chaque fois le président Martelly, ironique malgré lui, Daniel Supplice mise sur son expérience et sa formation : « J’ai déjà été ministre il y a vingt-cinq ans, […] je suis sociologue de formation. » Mais Monsieur le ministre pourra-t-il aller jusqu’au bout de la patience ? Pour le répéter, il hérite d’un ministère sans loi organique ni véhicules de service, avec un budget modique de 54 millions de gourdes pour combler les attentes d’une diaspora haïtienne complexe et multiple, allant « du Chili à l’Australie ». Daniel Supplice entre dans une structure malade, faite de directions mitigées et de sections placées ça et là, le ministère étant lui-même sans un local fixe. Mais il s’engage à donner des résultats si on lui donne les moyens. « Je vous promets ça, je vous dois ça » a-t-il dit en s’adressant à Michel Martelly.

Supplice : entre pari et défi

Dès sa première semaine au MHAVE, le ministre Supplice a procédé à un inventaire des ressources humaines, du matériel et des équipements. « J’ai été agréablement surpris de voir qu’il y a des cadres qualifiés au sein de ce ministère », nous a-t-il confié. Selon M. Supplice, le ministère des Haïtiens vivant à l’étranger a fait des efforts significatifs au cours des dernières, années contrairement à ce qu’on semble croire. À son avis, le ministère a jusqu’ici été trop discret et n’a pas battu la grosse caisse autour de ses réalisations, notamment des projets dans les villes de provinces qui sont soutenues par la diaspora haïtienne.

La double nationalité et le droit de vote sont deux grands cadeaux impatiemment attendus par les Haïtiens d’ailleurs. Daniel Supplice en est conscient et promet que son ministère fera des pieds et des mains pour obtenir la publication de la constitution amendée qui reconnaît déjà la plurinationalité. Mais pour ce qui est du droit de vote, il souligne que le dossier est plus complexe. « Il nous faut d’abord établir un système d’état civil efficace pour la diaspora. Nous comptons réaliser un inventaire général de la diaspora haïtienne », projette le ministre, rappelant que la diaspora haïtienne ne se trouve pas uniquement aux États-Unis ou au Canada. Il existe des communautés haïtiennes importantes dans plusieurs pays du monde, laisse entendre M. Supplice.

Les étudiants haïtiens vivant dans des pays étrangers sont aussi parmi les préoccupations du nouveau titulaire du MHAVE. Que ce soit les étudiants vivant à Cuba, au Sénégal au Chili, au Venezuela, en République dominicaine ou ailleurs, Daniel Supplice dit vouloir les accompagner et les encadrer. Aussi la diaspora haïtienne en général pourra-t-elle désormais bénéficier de certains services spécifiques comme la livraison de documents, grâce à des antennes que le MHAVE compte placer dans les ambassades et les consulats haïtiens, de concert avec le ministère des Affaires étrangères.

Avec d’ambitieux objectifs, Daniel Supplice prend les rênes d’un ministère où une soixantaine d’employés se démêlent avec très peu de moyens. Pour sa première semaine, le ministre a déjà tenu deux réunions internes : l’une avec les directeurs et sous-directeurs et l’autre avec tout le personnel. « Le Président m’a promis qu’il me donnera les moyens, et comme je l’ai dit à mon installation, je le répète et je le maintiens, si on me donne des moyens, je donnerai des résultats. »

Daniel Supplice est présenté comme le trahi, le mal-aimé, la vedette malgré lui. Mais la diaspora, il ne faut pas l’oublier, est aujourd’hui un secteur-clé qu’on ne saurait reléguer au second plan, au point de croire que le MHAVE ne peut-être qu’une modique « prime de consolation ». S’il arrive à satisfaire les principales attentes de cette diaspora peu exigeante et très impliquée dans la victoire électorale de Michel Martelly, Daniel Supplice ne deviendra-t-il pas plus tard la grande vedette du gouvernement, la vraie cette fois ?

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