Controverse autour du Marché en fer

Le Nouvelliste | Publié le : 2012-11-09
Robenson Geffrard et Danio Darius
Officiellement, le marché Hyppolite n’existe plus. Devenu depuis plus d’un an une société anonyme mixte, « le Marché en fer SAM » est désormais le nouveau nom de ce célèbre point d’échange commercial du centre-ville de Port-au-Prince. Avec un capital social de six millions de gourdes, le Marché en fer devrait rapporter à la mairie le tiers des recettes; les deux tiers de cette somme reviennent à l’homme d’affaires Denis O’Brien et à la Digicel, les actionnaires majoritaires au conseil de gestion de ce patrimoine national.
Le Marché en Fer après sa reconstruction par la Digicel
Le Marché en Fer après sa reconstruction par la Digicel
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Un déficit total de communication. Maarten Boute, l’un des responsables de la compagnie de téléphonie mobile Digicel l’a reconnu sur Radio Magik 9. Certes, l’homme d’affaires Denis O’Brien et la Digicel ont sauvé le Marché en Fer ravagé par le feu dans un premier temps et totalement détruit par le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Mais la population n’était pas informée sur bien des points relatifs à la reconstruction de ce célèbre marché. Entre-temps, ce patrimoine national est devenue société anonyme mixte.

La reconstruction du marché a coûté environ 18 millions de dollars, financée totalement par la Digicel et Denis O’Bien. Selon Maarten Boute, M. O’Brien voulait lancer un appel clair à la communauté internationale et au secteur privé haïtien sur la nécessité d’investir en Haïti. « Nous avons choisi le Marché en fer parce que c’est un bâtiment historique qui avait et a toujours une utilité pour ces marchands qui, pour la plupart, sont obligés d’être dans la rue parce qu’il n’y a pas assez de marchés à Port-au-Prince et ceux qui existent sont mal gérés. Ce n’est pas une critique », a déclaré M. Boute vendredi matin sur les ondes de Radio Magik 9.

Selon l’article V des statuts portant création de la société anonyme mixte « Marché en fer SAM » publiés dans le journal Le Moniteur du 7 mai 2012 numéro 71, il est mentionné que la société est formée pour une durée illimitée, sauf dans le cas de dissolution prévu par la loi et les présents statuts. Pour Maarten Boute c’était « simplement pour faciliter les choses ». « On n’est pas conscient sur combien de temps cela va nous prendre, va prendre au pays pour que ce marché puisse être autosuffisant. La raison est aussi le fait que le reste de la zone n’a pas été encore rénové… », a-t-il expliqué.

Tous les investissements et les coûts de fonctionnement sont financés entièrement par M. O’Brien et la Digicel. Le capital social de la société anonyme mixte « Marché en fer » est de 6 millions de gourdes. 2 millions pour la mairie de Port-au-Prince et 4 millions pour Denis O’Brien et la Digicel. Ce qui voudrait dire que les deux tiers du marché appartiennent au privé.

Mais Maarten Boute ne voit les choses que par cette logique qui est purement et simplement arithmétique. « Le bâtiment appartient à l’Etat haïtien. C’est un patrimoine national. On n’a aucun droit de propriété sur ce bâtiment. Dans la gestion, il y a une majorité à travers la Digicel et M. O’Brien », a-t-il souligné.

« C’est du mécénat pur et simple. C’est un message fort envoyé au reste du monde. C’est aussi une façon de montrer que le partenariat public-privé peut exister… », a-t-il renchéri. M. Boute a reconnu qu’il y a eu un déficit de communication sur le dossier de son côté tout en fustigeant le comportement de certains médias qui, selon lui, n’ont pas pris le temps de contacter les concernés avant d’aborder le sujet.

En faisant ces investissements, a ajouté Maarten Boute, Denis O’Brien voulait voir d’autres institutions publiques ou privées lui emboîter le pas.  L’homme d’affaires dit espérer que la zone se relèvera et que les gens n’auront plus peur de fréquenter le marché qui a un coût d’entretien estimé à 400 000 dollars et ne génère pourtant que 50 000 dollars. Ce qui représente un déficit d’environ 350 000 dollars.

Le Marché en fer accuse une perte d’environ 360 000 dollars chaque année. Ce n’est pas encore la belle vie. Mais, il y a de l’espoir si l’on comprend bien les propos de Maarten Boute. Il faut tout simplement que les affaires reprennent au centre-ville de Port-au-Prince, ce qui augmentera le nombre des marchands et aussi le nombre des acheteurs.

D’après lui, la présence de la Digicel dans ce marché a contribué à faire augmenter les recettes. « Nous avons mis en place une structure formelle pour s’enregistrer comme marchand, un suivi des paiements, etc. je pense que les revenus sont supérieurs à ce qu’ils étaient avant », a-t-il soutenu.

« Le Marché en fer », une propriété de l’Etat haïtien

Même s’il a changé de nom,  l’ancien maire de Port-au-Prince, Muscadin Jean Yves Jason, qui a participé aux opérations, estime que le marché Hyppolite demeure la propriété de l’Etat haïtien. Il dément les informations selon lesquelles la Digicel, nom commercial de la Unigestion Holding S.A., et Denis O’Brien seraient les propriétaires du plus beau marché du pays.

Selon lui, les 18 millions de dollars apportés par la Digicel pour la rénovation du marché entrent dans le cadre d’un pur mécénat. M. Jason s’en prend à certains parlementaires qui, dit-il, font des déclarations hâtives concernant cette affaire. « Transférer un patrimoine tel que le Marché en fer nécessiterait une loi votée par le Parlement », a-t-il fait savoir.

M. Jason a souligné aussi que cette société anonyme mixte est constituée d’un représentant de la mairie de Port-au-Prince, d’un représentant de Denis O’Brien et d’un représentant de la Unigestion holding S.A.

« Nous voulions nous assurer que le marché soit bien géré »,  déclare  M. Jason pour justifier le bien-fondé des opérations.  Insistant sur le caractère national du marché, il estime normal que Denis O’Brien et la Unigestion holding réclament  proportionnellement par rapport à leur investissement  leur part des rentrées du marché qui, aujourd’hui, fonctionne à perte.

Pour couper court à un ensemble de rumeurs qui circulaient dans le pays, les responsables de la Digicel ont dû sortir un communiqué afin de fournir certaines explications autour de la rénovation du Marché en fer.

Robenson Geffrard et Danio Darius
De Marché Vallières à Marché Hyppolite aujourd’hui Marché en fer SAM Classé 34e patrimoine historique national par l’Etat haïtien, le Marché en fer est situé au coeur du centre historique de la capitale haïtienne. Selon les responsables de l’ISPAN, le bâtiment occupe l’emplacement de l’un des premiers marchés de la ville coloniale, capitale de la colonie de Saint-Domingue. Ce marché a été transformé en 1781 en un jardin public à l’initiative du gouverneur général de la colonie, le marquis de Vallières à qui le marché doit son premier nom. Le bâtiment logeant le marché Vallières a été édifié sous le président Florvil Hyppolite et inauguré en 1891. Sa structure métallique en fer et en fonte rehaussée d’un pavillon central de style mauresque fut importée de France. Le montage de ce bâtiment préfabriqué a été réalisé par l’entrepreneur haïtien Alexandre Bobo.
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