Chaos en Haïti : malades et patients succombent faute de médicaments et de structures médicales

La crise sanitaire en Haïti a atteint son paroxysme alors que les malades, abandonnés par un système de santé en déroute, succombent dans l’ombre de l’insécurité médicale. Plusieurs personnes tombées malades ou encore des patients en ont fait, malheureusement, la douloureuse expérience.

A nurse walks next to beds with people injured by the earthquake on Saturday, at a hospital in Les Cayes, Haiti August 18, 2021. REUTERS/Henry Romero

Port-au-Prince, 09 avril 2024.- La dégradation du climat sécuritaire engendre des conséquences désastreuses au niveau du secteur médical haïtien. Depuis plusieurs semaines, des centres hospitaliers notamment l’Hôpital de l’université d’Etat d’Haïti (HUEH), principal établissement hospitalier du pays, l’Hôpital Saint François de Sales et l’Hôpital DASH de Delmas 18 font face, tantôt, à des attaques de groupes de gangs de la place. A cela s’ajoute le manque accru d’intrants médicamenteux nécessaires au bon fonctionnement des centres hospitaliers. Une situation plus qu’alarmante qui met en danger la vie d’innombrables patients.

Pharmacies et hôpitaux, ciblés par les gangs

De nombreux centres hospitaliers se voient obligés de fermer carrément leurs portes pendant que d’autres ne cessent de limiter le nombre de services disponibles. Récemment, le 2 avril 2024, l’Hôpital universitaire de l’Etat d’Haïti (HUEH) communément appelé « l’Hôpital général » a été attaqué par des civils armés issus de “Viv Ansanm”. Ils rêvent de prendre d’assaut le Palais national, obligeant ainsi la majorité des malades à laisser l’enceinte de l’établissement pour aller se réfugier chez eux signant ainsi, dans la majeure partie des cas, leur arrêt de mort.

Crédit Photo: UNICEF

Un peu avant, dans la même zone, à l’angle des rues St-Honoré et Mgr Guilloux, une dizaine de pharmacies ont été incendiées, réduisant ainsi considérablement leur nombre qui desservait jusque-là des milliers de gens défavorisés économiquement. Par conséquent, la population de la zone métropolitaine de Port-au-Prince est sur le qui-vive. Cependant, lorsque 70 % des besoins en intrants pharmaceutiques et médicaux, provenant de l’étranger, viennent à manquer. Comme si cela ne suffisait pas pour anéantir le peu d’espoir des malades, l’aéroport international Toussaint Louverture est bloqué après qu’il a subit un assaut violent des gangs, à en croire le président de l’A
Association des pharmacies d’Haïti, Pierre-Hugues Saint-Jean.

Les actions du ministère de la Santé publique (MSPP) pour soutenir les structures hospitalières sont rarissimes. Si non l’Association des hôpitaux privés d’Haïti qui avait tiré la sonnette d’alarme sur la situation préoccupante au sein des hôpitaux publics dont la vie de milliers de malades en dépend.

Tout porte à croire que les autorités haïtiennes tentent désespérément de reprendre le cap, mais leurs efforts sont entravés par une série de crise pluridimensionnelles et interdépendantes: politiques, économiques et sanitaires. Et sans oublier, une insécurité ambiante, particulièrement à Port-au-Prince, la capitale, qui ne cesse de transformer Haïti en un véritable enfer pour les plus vulnérables.

Entre temps, les malades sont aux abois. Leur état de santé s’aggrave. Alors que d’autres trépassent dans l’indifférence des autorités. Les témoignages sont glacials.

Des victimes directes en parlent

Marco DESIR, un jeune homme de 23 ans, souffre de graves problèmes cardiovasculaires depuis trois ans. Hormis son insuffisance cardiaque, il est atteint d’Helicobacter Pylori Positif Avancé (H. pylori) qui est une bactérie infectant la muqueuse gastrique lui causant des ulcères gastroduodénaux. Son chemin a été marqué par des visites médicales très espacées au début. Mais son cas a *empiré et il a été pris en charge par son cardiologue, le Dr. Lyné Pierre à l’Hôpital communautaire Dr. Zildane Arns où il était censé être opéré en urgence. Peu de temps après, les malfrats ont vandalisé cette structure médicale. Ce qui l’a obligé à rentrer chez lui avec la peur au ventre et sans savoir à quel saint se vouer. « Je me sens impuissant et j’ai peur franchement. Je vais mourir, c’est sûr, c’est fini pour moi », lâche Marco, sa voix étouffée par la tristesse et la colère. « Déjà, là-bas à l’hôpital, je voyais des gens succombés à leurs maladies à cause du manque de médicaments… Voilà, maintenant c’est à mon tour de mourir », ajoute le jeune homme en sanglot.

Malgré la douleur déchirante à son estomac doublée de symptômes tels que: vomissements, vertiges, migraines, fatigue extrême, insomnies, perte d’appétit et amaigrissement, en compagnie de Baby BENJAMIN, sa fiancée, ensemble ils errent à travers les rues pour trouver des médicaments. Ils doivent se procurer d’antihypertenseurs, d’anti-arythmiques, d’anticoagulants et d’anti-agrégeant plaquettaires, de bêtabloquants, de diurétiques, de la nitroglycérine et les statines, sans oublier le gastro gel, l’oméprazole et le métronidazole qui, autrefois, étaient à portée de main ; mais aujourd’hui deviennent introuvables. Tout ce qu’ils constatent en se tenant devant les pharmacies visitées sont uniquement des étagères vides. Son combat contre ses maladies est devenu une guerre infernale incarnée par un système de santé en ruine. « Je n’arrive pas à trouver les médicaments qui sont pourtant le seul moyen que j’aie d’être soulagé de mes maux… même si c’est pour une courte durée. Quitte à ce que leurs prix soient devenus exorbitants, j’étais prêt à payer. Même s’il fallait pour cela m’endetter davantage », confie M. DESIR avec une voix cassée et un air perdu.

En effet, le pays s’enfonce de plus en plus dans la violence et l’inhumanité criante instaurées par les gangs. L’espérance de vie des habitants ne cesse de chuter pendant que le nombre de blessés et de morts ne cessent de croître. Plus rien ne va. « A présent, mes jours sont comptés. Chaque jour passé auprès de ma dulcinée est une victoire. A l’heure actuelle, tout aurait été différent si seulement j’avais pu trouver un donneur compatible pour ma greffe du cœur. Si mon intervention chirurgicale avait eu lieu, j’aurais pu rester plus longtemps auprès de ma charmante compagne. On aurait pu se marier et avoir deux bouts de choux comme on l’avait planifié elle et moi. Mais ce n’est pas ce qui est à l’ordre du jour. Je dois plutôt lui dire au revoir bien plutôt que prévu. Ça me fait mal de devoir m’en aller et la laisser toute seule dans un monde aussi impitoyable », regrette-t-il.

Le récit de Marco révèle l’agonie quotidienne des centaines de malades et de patients confrontés à une réalité brutale mais silencieuse où la vie et la mort peuvent dépendre d’une simple pilule, d’une transfusion sanguine, ou de quelques sachets de sérums à mesure qu’ils se raréfient.

Ce jeune dans la vingtaine, fait face à l’ironie du sort: un pharmacien à qui le contrôle des produits médicamenteux échappe complètement! Marco est donc un symbole de cette tragédie silencieuse. Son nom rejoint la liste sans fin des milliers de victimes oubliées, sacrifiées sur l’autel du système médical en détresse.

Fransesce BEAUVIL
Vant Bef Info (VBI)

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