Martelly glisse à froid sur des dossiers brûlants

Le Nouvelliste | Publié le : mercredi 08 août 2012
Roberson Alphonse ralphonse@lenouvelliste.com
Il y aura un Conseil électoral permanent au plus vite. C’est un « fait certain et définitif », selon Martelly. Sans heurter cette fois de manière frontale la susceptibilité des sages en guéguerre depuis un certain temps contre Dieuseul Simon Desras, le président met la pression, croit que certains devront faire des « sacrifices ». Rejetant les allégations de mainmise de la présidence sur l’appareil électoral en phase de montage, Martelly rassure. Moins direct qu’un René Préval, l’auteur de la fameuse phrase « naje pou w soti », Tèt Kale demande au peuple de s’adapter à la faim, conséquence de la sécheresse qui touche plusieurs pays producteurs de céréales dans le monde. Aux banques commerciales, il demande plus de crédit pour stimuler les différents secteurs et la croissance de l’économie.

Mardi 7 août 2012. Quelques minutes avant 21 heures, le ciel crache. Plus de cordes, mais des gouttelettes de pluie. Le président Michel Joseph Martelly, de bonne humeur, répond spontanément à des questions. Sur des dossiers brûlants. Du montage du CEP, il a ses certitudes. Sous peu, un Conseil électoral permanent sera mis sur pied. C’est, enchaîne-t-il, un fait certain et définitif. Arc-bouté à ses points de vu arrêtés, Michel Joseph Martelly met la pression sur le sénat. Sans trop heurter cette fois la susceptibilité des sages, hantés par des démons : la publication de l’amendement constitutionnel ayant provoqué, entre autres, la contestation ouverte du leadership et de la présidence du sénateur Dieuseul Simon Desras. « Le Sénat n’est pas en crise, il ne constitue pas un élément de blocage », croit pourtant Michel J. Martelly. « Il faut que certains fassent des sacrifices », pense le chef de l’Etat, persuadé qu’on ne devrait pas faire de la politique au détriment des intérêts d’Haïti dans le dossier du CEP.

L’évangile de l’adaptation

« On s’adapte à la situation quand un président s’en va. Il est impératif que le Sénat fasse la même chose pour que l’on avance », indique-t-il, conscient en revanche de la délicatesse de la situation au Grand Corps où le quorum est aussi fragile qu’un bébé prématuré.  « On voudrait que ça avance. Cependant, quand une situation est délicate, tout comme pour l’amendement, on doit prendre le temps qu’il faut pour bien faire. Cette fois-ci, on attend le Parlement. Mais ce sera jusqu’à un certain temps », prévient le président Michel Joseph Martelly. « Notre rêve, par rapport aux échéanciers électoraux, était de mettre le CEP sur pied depuis le mois passé, depuis l’année passée. Mais avec les différents problèmes que nous avons vécus au pays, si on s’en sort d’ici une dizaine, une douzaine ou une quinzaine de jours au maximum, on aura bien avancé dans la gestion de cette situation compliquée avec un objectif final qui reste et demeure ce Conseil électoral permanent », confie-t-il, rejetant, au passage et d’un revers de main, les accusations de tentative de contrôle de l’appareil électoral à la suite de la nomination de Mme Gabrielle Hyacinthe à la direction d’un Conseil électoral permanent non encore constitué et, ce, avant le déchirement, la polarisation  du CSPJ à la suite de la désignation irrégulière pour certains, régulière pour d’autres, de trois représentants de la plus haute instance du pouvoir judiciaire au CEP, dont les noms ont été acheminés à la va-vite au palais national. « On peut médire, cela ne me dérange pas », répond le président, qui dit consacrer son temps aux problèmes réels du pays. Le président Michel Joseph Martelly classe ces critiques dans la catégorie des jaloux, des envieux n’ayant aucun contact avec le peuple au nom duquel ils parlent.

« Je suis avec le peuple et je travaille pour lui. S’il a des reproches à me faire, je les accepterais pendant que je suis avec lui », rétorque-t-il à une question sur le jugement que portera le peuple sur ses actes. « Si se pèp la kap jijem, lap jijem byen », selon le président, pour qui quand tout se déroule bien dans le pays, y compris pour les élections, le crédit revient à son administration.

Le peuple devra s’adapter et survivre

Raide dans sa posture de chef connecté avec le peuple, Michel Joseph Martelly, face à la flambée des prix de certains produits alimentaires, à l’inflation (importée) et à la sécheresse responsable de la perte dans la production de céréales sur le plan international, Martelly prévient. « S’il y a une crise internationale due à la sécheresse un peu partout dans le monde, ce n’est pas Haïti, un pays très vulnérable, qui ne paiera pas les pots  cassés. Donc, on souffrira comme tous les autres pays », indique-t-il, sans faire l’économie de rappeler qu’il n’avait jamais promis de miracle. « La solution durable n’arrivera pas en une journée. Je n’ai jamais promis cela », rappelle Martelly.  Je mettrai, poursuit-il,  l’emphase sur  la production agricole. Avec la BID, un projet de 19 millions de dollars pour créer un parc agricole avec des installations de transformation de produits agricoles a été analysé. D’autres fonds pourront être ajouté, soutient l’ex-chanteur, fier des « retombées » du carnaval des Fleurs, fin juillet. « On a beaucoup parlé du problème de la faim avant le carnaval mais après, il y a eu une légère amélioration qui a permis au peuple de subsister », indique Michel Joseph Martelly, qui s’engage dans un nouveau plaidoyer, celui du crédit pour le peuple.

Crédit pour le peuple, Martelly se tourne vers les banques

« Aujourd’hui, est-ce que vous sentez qu’il y a une politique sociale et économique qui va dans le sens de la vision du gouvernement Martelly/ Lamothe à travers les banques ? On ne la trouve pas », balance Martelly dans son diagnostic. Le chef de l’Etat voudrait que le portefeuille de crédit des banques soit plus important. Dans le respect des normes prudentielles, des lois nationales et internationales régissant le secteur, souligne Martelly, pour qui il faut persuader et non passer en force les banquiers certaines fois empêtrés avec des surliquidités flirtant le milliard de dollars us si ce n’est pas plus. « Il y a ONAPAM pour les cotisants de l’ONA. BNC est venu avec Kaypam. Mais, à cause de certains problèmes, quelques personnes ont trouvé du crédit. Le peuple n’a rien bénéficié. Moi, je veux que l’on se penche sur la recherche des moyens pour prêter à la population. Pas à n’importe qui. Il y a des gens dépourvus de moyens financiers qui ont de bonnes idées d’affaires », indique le président Martelly, citant des agriculteurs qui pourraient devenir de grands entrepreneurs s’ils avaient accès au crédit. Il s’intéresse aussi au crédit au logement. « S’il y a des problèmes de titre de propriété, il faut que les banques en  informent l’Etat. On se mettra ensemble pour créer des commissions afin de gérer ces problèmes et apporter des solutions », affirme le chef de l’Etat haïtien, résolu à discuter avec les grands argentiers de la République.

Embarqué dans un aller-vite sur cette question, Martelly n’envisage pas pour le moment la création d’une banque de développement capable de financer les PME de tous les secteurs et les différents secteurs de l’économie, durement frappés par le séisme du 12 janvier 2010. « Tout ce qu’on veut créer en démarrant de la première pierre prendra beaucoup de temps », indique Martelly, déterminé à « trouver les moyens pour les structures existantes ».

Roberson Alphonse ralphonse@lenouvelliste.com
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