L’un des problèmes de délicatesse dans l’être humain est de dire aux autres que «je suis l’un des vôtres ou que vous êtes l’un des miens” quand l’on sait sciemment qu’on n’est même pas sincère avec ses partenaires de lit. Certains hommes, surtout chez nous, s’attachent dans une certaine mesure aux membres les plus proches de leur famille, en particulier leurs épouses et leurs enfants, et à quelques amis spéciaux, qu’ils croient être les sujets d’une race supérieure d’Homo sapiens. Ils rappellent pitoyablement l’idée de race aryenne supérieure d’Adolf Hitler.
En 1970, l’Agronome Roland Latortue, Professeur d’Agriculture à la FAMV, nous enseignait qu’Haïti, ne pouvant pas honorer son quota de 400.000 sacs de 60 kilos de café, exportait seulement 300.000 sacs. Cela équivalait à environ 18 millions de kilogrammes. Le Professeur Latortue nous faisait également remarquer que, sur chaque 100 $ reçus du marché international pour la vente du café, les spéculateurs comme Brandt et Madsen en prenaient plus de 50 $, et le Gouvernement Haïtien, pour sa part, recevait plus de 30 $ ; il n’en restait que 20 $ ou moins pour le caféiculteur. Autour de l’année 2008, selon les statistiques publiées par les autorités haïtiennes, le pays exportait 25.000 sacs ou 1,5 millions kilogrammes de café. Aujourd’hui, selon cet article du Nouvelliste, le pays n’exporte que 10 à 12 conteneurs de café chaque année, ce qui équivaudrait à environ 3.600 sacs ou 216.000 kg si mes calculs sont corrects. Alors, comment allons-nous « relancer » ou accroître avec succès la production du café pour atteindre plus de 18 millions kg (la production de 1970) à partir des 216.000 kg qui probablement tendent encore à baisser?
Aux environs de 1919, Georges Clemenceau écrivit: « La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires. » L’idée de Clemenceau a été étendu à d’autres domaines, parce que plus tard, nous trouvons d’autres déclarations telles que « L’économie est trop sérieuse pour n’être laissée qu’aux agents de financement », ou « la démocratie est trop importante pour n’être laissée qu’aux politiciens », etc. Bien que ces allégations soient discutables, il n’est pas exagéré de dire que le temps de l’agriculture saisonnière haïtienne est terminé. Le pays ne peut plus avancer avec cette agriculture traditionnelle qui repose sur le dos des petits paysans analphabètes, pauvres et affamés. En d’autres termes, l’agriculture moderne est trop nécessaire ou trop vitale pour n’être confiée qu’aux pauvres petits agriculteurs. Le problème de l’agriculture haïtienne est national et exige la participation de l’Etat, de tous les profressionels de terrain, et de tous les Haïtiens, indépendamment de leur origine campagnarde ou urbaine.
Dans deux de mes articles intitulés respectivement «Sans l’Application des Programmes de la Réforme Agraire, le Développement Agricole en Haïti est Voué à l’Échec» et «Haïti a Besoin d’un Autre Système de Production Agricole”, j’ai suggéré clairement ce qu’il faut pour mettre en place un système de production agricole moderne, intensif, industriel et commercial (visitez le www.educagricole.com).
Chaque jour qui passe, comme tout le monde et tout être vivant, je deviens plus vieux. Je sais comme beaucoup d’autres que je mourrai sans voir le début de cette révolution agricole qui s’impose. Mais envers et contre tous, je continuerai à répéter jusqu’à la dernière seconde de ma vie que si la modernisation de l’agriculture haïtienne n’est pas une panacée, elle détermine néanmoins si Haïti va arrêter ou non sa descente à travers la singularité de l’abîme. Elle détermine si oui ou non nous allons mettre fin à cette Armageddon qui a été, depuis longtemps, en plein essor en Haïti.
Quand des collègues de Damien parlent de modernisation ou de revitalisation (relance) de l’agriculture, qu’ont-ils à l’esprit? C’est une honte de parler de l’absence d’un système sérieux de la recherche et de la vulgarisation dans le système d’administration de développment agricole en Haïti. À quelle catégorie appartiennent donc ces agro-professionnels qui ne savent pas que la recherche et la vulgarisation agricole constituent l’ABC de tout système de production agricole? Si la recherche et la vulgarisation agricole sont paralysées en Haïti, nous devons blâmer les dirigeants haïtiens pour leur irresponsabilité, leur incompétence et leur malhonnêteté ; ils sont les premiers responsables des malheurs du pays.
Je continuerai à exhorter les décideurs et leurs assistants, et tous ceux qui sont encore capables d’une façon ou d’une autre, pour qu’ils se mettent à la tâche afin d’initier et de faire avancer cette révolution agricole qui conditionne la révolution socio-économique du pays, qui, autrement, sera condamné à continuer sa course vers l’effondrement.
Il se fait tard, très tard et même trop tard. La première pierre pour la construction de l’autre Haïti n’a pas nécessairement besoin d’être plantée par des gens venus du Palais National et du Bureau du Premier Ministre. Les camarades de Damien ont aussi la capacité de prendre le volant. Un groupe d’hommes et de femmes motivés et avisés peut réaliser beaucoup de choses. Nous avons une option: sauver les générations à venir ou les laisser sombrer à travers la singularité de l’abîme. Certes, il y a eu, il y a et il y aura toujours des risques ou des désastres naturels aux niveaux national, mondial et cosmique, qui nous dépassent. Mais comme beaucoup d’autres nations, nous devons faire le minimum qui est à notre portée.