Haïti: Viettel: possible acquéreur de la Téléco

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L’offre technique de la compagnie Viettel Corporation du Vietnam a été la seule retenue par le Comité d’Évaluation des Offres constitué par le CMEP dans le processus de modernisation de la Téléco aux dépens de DIGICEL et Voilà,disqualifiées. Côté financier, il y a un hic, les descendants de Ho Chi Minh ont proposé 59 millions de dollars us pour 70 % alors que la BRH ne mettait en vente que 60 %. Retour sur cette cérémonie, les craintes,les dits et non-dits.

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13 heures 10. Mercredi 30 décembre 2009. La petite salle de conférence du Conseil de modernisation des entreprises publiques sis au numéro 12 de rue Janvier, Musseau, Pétion-Ville, grouille de soumissionnaires, de représentants de SFI, de journalistes invités à la cérémonie d’ouverture des enveloppes financières pour l’acquisition de 60 % des actions de la Téléco, propriété de la BRH. Décontracté, Yves Bastien, patron du CMEP, institution détestée par les altermondialistes haïtiens,présente le notaire Jean Henry Céant, l’acteur clé à la validité juridique de l’exercice.Des trente deux compagnies de quelque vingt pays ayant au début du processus, en août 2009, exprimés un certain intérêt pour la Téléco, six se sont manifestées. Mais dans la dernière ligne droite, à la phase critique, seulement trois sont restées en lice : Digicel Group Ltd (Jamaïque),Trilogy International Partners LLC [Comcel/Voilà] (USA) et de Viettel Corporation,une compagnie vietnamienne, explique Yves Bastien alors que l’on demande un ciseau pour ouvrir des plis scellés.

Quelques minutes filent. Solennel, s’attardant un peu sur la durée et la méthodologie du comité d’évaluation des appels d’offres, Me Alix Richard procède par élimination. Les offres de la Digicel et de Voilà ne respectent ni dans le fond ni dans la forme les exigences stipulées. Leurs offres techniques n’ont pas retenu l’attention, poursuit-il, sous les yeux de Maarten Boute de la maison rouge et Gérard Laborde de la compagnie verte, mauvais élèves qui ont toutefois le statut de « partenaires alternatifs », en clair, de repêchés si pour quelque raison que ce soit l’entente entre la BRH avec VIETTEL serait dans l’impasse.

L’expression corporelle des représentants de ces compagnies ayant investi à elles seules un peu plus de 500 millions de dollars dans le secteur des télécoms en Haïti indique aucune surprise mais une certaine curiosité. On ne connaitra pas, du moins officiellement, leurs offres financières qui leurs ont été retournées, souligne l’avocat.

Roulement de tambour. Suspens. Quelle est l’offre financière de Viettel, victorieuse dans l’évaluation des offres techniques ? Le notaire Jean Henry Céant met fin à l’attente : 59 millions de dollars pour 70 % des actions de la Teleco. Maarten Boute et Gérard Laborde font les grands yeux. Surprise ? Petit problème. La Teleco cède 60 et non 70 % de ses actions. Le comité d’évaluation avec en tête Me Alix Richard, Jean Vilfort Eustache (CMEP), Georges Henry Fils (Chambre de commerce et d’industrie d’Haïti), Jude Antoine (TELECO), Stéphane Héreaux ( BRH) se retirent pour délibération et des journalistes éberlués font le plein de glucide, d’énergie en dégustant des bouchés, de pâté, de jus, de petits gâteauxsur la terrasse du CMEP qui offre une vue imprenable de la baie de Port-au-Prince.

Questions, les premières réactions. Maarten Boute est « fair-play » mais assez sceptique. « Comme l’a souligné M.Bastien, nous avons été informé de la disqualification de la Digicel depuis le 4 décembre 2009, confie-t-il en saluant par ailleurs la transparence de l’exercice. La CMEP et la Banque mondiale ont respecté à la lettre ce qu’ils nous ont décrit comme procédure .Le gouvernement souhaiterait que la compagnie qui achète la Téléco soit un opérateur mobile. La Digicel et Voilà n’ont pas souhaité faire d’investissements supplémentaires car les trois compagnies opérant dans le pays au niveau de la téléphonie mobile ont percé le marché, démocratisé les services, enchaine-t-il. Il y a une compétition qui existe .Et on ne pense pas qu’il y a une place pour un quatrième opérateur. L’avenir nous l’apprendra », souligne M.Boute.

Par rapport nombre de licences de la Téléco, ce quatrième opérateur bénéficiera de certains avantages. L’Etat haïtien devra donner à d’autres fournisseurs l’accès à ces types de service ou la possibilité de les fournir. Le droit de faire venir un câble international, ajoute-t-il. La Digicel a de bonnes bases, offre des services de qualité et est aimée du peuple Haïti, explique par ailleurs M .Maarten Boute tandis que la délibération, au terme de quarante cinq minutes,touche à sa fin.
Me Alix Richard, calme,formule les recommandations. « Le comité a constaté que l’offre de 59 millions de dollars pour 70 % des actions de la Viettel ne correspond pas à ce qui a été indiqué dans l’appel d’offres. Le comité recommande au CMEP et la BRH de poursuivre les négociations. »

Pas si sexy que ça

« Nous ne sommes pas si sexy que nous le croyons. Nous ne sommes pas le Canal du Panama autrement plus de compagnies seraient intéressées à faire l’acquisition des 60 % d’actions de la Téléco, selon M.Yves Bastien en réaction aux questions sur l’offre vraisemblablement modeste de la VIETTEL. Ces 59 millions seront injectés ainsi que les actifs de la Téléco si seulement la transaction se conclut. Le capital initial se situerait alors autour de 100 millions de dollars us. Ce qui laisse à cette compagnie la possibilité d’aller sur le marché financier et d’utiliser son levier au maximum en vue de trouver des prêts, des crédits pour répondre à ses besoins », explique-t-il.

M.Bastien, pressé de répondre à des questions sur le patrimoine réel de la Téléco invite les journalistes a passé ultérieurement au CMEP en vue d’avoir des informations sur cette évaluation. Professoral, il a relativisé en soulignant que le secteur des télécoms exige l’injection de capitaux afin de ne pas être dépassé au niveau technologique. Téléco, selon lui, n’a pas fait d’investissements depuis un certain temps dans ce sens. Il arrive aussi sous l’effet d’une crise financière qu’une compagnie comme la GM aux Etats-Unis voie son action passé de 112 dollars à 1 dollar.

La situation de monopole de la Nouvelle Téléco ne risque-t-elle pas de déstabiliser le marché ?

Crûment, sans langue de bois, M.Bastien souligne que les représentants de la Digicel et de Voilà ne sont pas aussi inquiets que le sont des journalistes. Selon Cassendy Brave de l’Association des employés victimes de la Téléco, la compagnie a été donnée en cadeau. La nation haïtienne n’oubliera pas ces messieurs. L’histoire retiendra aussi les noms de ceux qui ont liquidé la compagnie.

La Téléco qui reste à flot dans son état actuel grâce à l’injection mensuelle, à perte, selon la BRH, de 1 500 000 dollars américains, possède pourtant, d’après le portail Internet, 160 000 lignes à travers le pays avec la possibilité d’utilisation de la technologie XDSL. Une licence nationale 3G mobile, une licence nationale GSM (900MHz and 1900MHz). Une fréquence nationale Wi Max capable de permettre à la compagnie d’être un opérateur de premier choix dans la fourniture de service Internet à haut débit, grâce à ses droits d’utilisation de la fibre optique.

En partenariat avec la compagnie de télécommunication des Bahamas (BTC), la Téléco, 1200 employés,possède en effet 10 GB de fibre optique connectant Port-au-Prince aux Bahamas et aux Etats-Unis d’Amérique. Le réseau sous-marin des Bahamas (BDSNI) est long de 2800 kilomètres et a une capacité de transmission de 1.92 Tbps. Avec les infrastructures de l’ INTELSAT, le BDSNI placera la Téléco en tête des transporteurs de données vers Haïti. L’installation d’un réseau de 60 kilomètres de fibre optique à Port-au-Prince servant à la circulation des données entre les banques est un élément clé qui joue en faveur de la Téléco. Selon certains experts, ses licences à elles seules représenteraient quelque 100 millions de dollars, sans l’évaluation du coût de ses sites, ses bâtiments, ses terrains à travers le pays.

La cérémonie d’ouverture des enveloppes financières a consacré la victoire de Viettel Corporation dont l’offre technique avait été la seule retenue par le Comité d’Évaluation des Offres constitué par le CMEP. Le cap est mis sur des négociations sur le nombre dáctions 60 ou 70 % alors que se poursuivent des débats houleux entre ceux qui sont pour et ceux qui contre la vente pour une période non encore définie de la majorité des actions de Téléco dont des anciens cadres sont incarcérés pour mauvaise gestion tandis que d’autres souffrent d’insomnie en pensant aux geôles américaines.

Roberson Alphonse
robersonalphonse@yahoo.fr

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