Madame la Présidente du Conseil,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs
Je vous remercie pour l’opportunité qui m’est offerte de m’adresser au Conseil Permanent ce matin, et de m’entretenir avec vous – en ma qualité de Ministre des Affaires Etrangères et au nom du Gouvernement haïtien – sur l’évolution de la situation politique en Haïti.
Avant tout, je tiens à présenter toutes mes sympathies et celles d’Haïti à l’Ambassadeur de France, au Gouvernement et au peuple français pour l’attentat perpétré contre le Magazine « Charlie Hebdo » en date du 7 janvier 2015. Cette attaque barbare contre la liberté d’expression ne doit en aucun cas affaiblir notre attachement aux valeurs démocratiques de la liberté.
Mes sympathies vont également à la Nation sœur de St-Vincent et les Grenadines, pour l’accident du Minibus transportant des écoliers, survenu ce 12 janvier. Nous regrettons cette tragédie qui a frappé de jeunes vies ; nous avons en ce moment une pensée spéciale pour les parents de ces victimes.
Permettez-moi de rappeler aussi que ce 12 janvier écoulé, a ramené le 5e anniversaire du séisme dévastateur qui a frappé la famille haïtienne, laissant derrière lui le lourd bilan de plus de 250 milles morts, et de 1.5 millions de sans abris. Les conséquences de cette tragédie se font encore sentir dans tous les secteurs de la vie nationale. Mais, la résilience du peuple haïtien n’a pas pris une seule ride et, au niveau des pouvoirs établis de l’Etat, nous sommes plus que jamais résolus à relever les défis auxquels nous faisons face.
Dans cette optique, je tiens à remercier, au nom du Président de la République d’Haïti et du peuple haïtien, tous les pays amis et tous ceux et celles qui, d’une façon ou d’une autre, ont contribué et continuent de contribuer aux efforts de la reconstruction d’Haïti. Même s’il reste encore un long chemin à parcourir, les efforts déployés par le Gouvernement haïtien, avec l’aide des pays amis, ont donné des résultats probants.
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs
Permettez-moi de changer de registre pour aborder la question de l’évolution de la situation politique haïtienne en rapport avec l’organisation des élections législatives et municipales. Comme vous le savez, le Président Martelly est arrivé au pouvoir en mai 2011 dans les circonstances difficiles de l’après-séisme où devaient s’organiser des élections pour le renouvellement d’un tiers du sénat dont le mandat arrivait à terme en janvier 2012. Ces élections n’ont pas eu lieu en raison des difficultés liées aux amendements effectués dans la Constitution de 1987. Il en a résulté une réduction du nombre des Sénateurs qui est passé de 30 à 20. Malheureusement, l’Assemblée des Sénateurs a conservé la formule de 16 Sénateurs sur 20, au lieu de 11 Sénateurs, pour obtenir le quorum nécessaire au fonctionnement de la Chambre haute. Cette décision a donc offert la possibilité à une minorité de 6 Sénateurs de paralyser systématiquement le fonctionnement du Grand corps.
Face à une telle situation, le Président de la République a initié et maintenu une démarche de dialogue. Ainsi les négociations entre les acteurs engagés dans le dit processus politique, se sont-elles prolongées jusqu’à l’adoption d’un Protocole de médiation sous les auspices de l’Eglise Catholique via la Conférence Episcopale d’Haïti et, le 19 Mars 2014, un accord baptisé d’Accord El Rancho, est signé entre l’Exécutif, le Parlement et les Partis politiques. L’Accord d’El Rancho prévoyait entre autres choses :
ü la mise en place d’un gouvernement d’ouverture en intégrant de nouvelles personnalités dans l’appareil gouvernemental
ü la publication de la liste des membres du tribunal administratif appelé Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA)
ü le remplacement d’une partie des membres du Conseil Electoral
Malgré le respect scrupuleux par le pouvoir exécutif des dispositions du dit-Accord, les six (6) Sénateurs de l’opposition l’ont dénoncé sans motif apparent, et se sont opposés à son application alors que la Chambre des Députés a pu voter la loi électorale dès la fin du mois de mars 2014.
Le Groupe des six Sénateurs a décidé de bloquer toutes avancées dans le processus électoral en pratiquant la politique de la chaise vide, infirmant tout quorum pour les séances de travail au Sénat. Ils ont empêché toute rencontre pouvant déboucher sur un vote de la loi électorale. Entre temps, leur position se radicalise du tout au tout. Ils en viennent à demander la démission du Premier Ministre, le renvoi en bloc du Conseil Electoral Permanent, la démission du Président de Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.
Toujours dans un esprit d’ouverture et de dialogue, le Président de la République a mis en place une Commission Consultative composée de personnalités politiques indépendantes et de membres des divers secteurs de la société civile, en vue de statuer sur les exigences des six (6) parlementaires afin de trouver un compromis avec eux sur le vote de la loi électorale.
Le 8 Décembre 2014, la Commission Consultative soumet une longue liste de recommandations au Président de la République dans laquelle elle recommande un certain nombre de mesures dont :
ü la démission du Premier Ministre
ü le renvoi du conseil Electoral
ü la démission du Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire
ü la libération de tous les « prisonniers dits politiques »
ü un accord politique pour réaliser les élections
ü la convocation en extraordinaire de la Chambre des députés, etc.
Une semaine après la réception des recommandations de la Commission Consultative, le Président de la République a accepté d’octroyer tout ce qui a été proposé par la Commission, depuis la démission du Premier Ministre jusqu’à celle de tous les membres du Conseil Electoral.
Aussi, dans le souci d’éviter le vide institutionnel que pourrait créer la fin du mandat du deuxième tiers du Sénat qui devait arriver à terme le 12 janvier 2015, le Président de la République a signé avec les Présidents des deux Chambres, en date du 29 décembre 2014, un accord politique stipulant que : « les parlementaires dont les mandats arrivent à terme, pourront continuer à exercer leurs fonctions jusqu’aux nouvelles élections, moyennant que les Sénateurs acceptent de voter la loi électorale.
Malheureusement les 6 Sénateurs ont préféré laisser passer cette opportunité d’entente entre frères Haïtiens, en choisissant la stratégie du chaos qui consiste à appeler désormais à la mobilisation pour la démission du Chef de l’Etat.
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Si j’ai pris le temps de vous présenter ces éléments d’appréciation de la situation politique, c’est parce que j’ai l’intime conviction que la stratégie du chaos ne peut être une option politique susceptible de garantir la paix, la stabilité et le progrès dans mon pays. Dans ce sens, devant le dysfonctionnement constaté du pouvoir législatif, il incombe au président de la République, conformément à ses prérogatives constitutionnelles, d’assurer le renouvellement des institutions démocratiques en convoquant le peuples dans ses comices, et en prenant un décret de validation de la loi électorale, qui a été dûment approuvée par la Chambre des Députés avant d’être bloquée au Sénat. Nous allons continuer, toujours dans l’esprit de dialogue, d’ouverture et d’inclusion, à œuvrer pour un dénouement heureux de cette crise liée aux élections législatives et municipales.
Je renouvelle enfin nos remerciements au Conseil Permanent de l’OEA pour leur appui sans faille aux efforts du Gouvernement haïtien dans le cadre de ce processus électoral. Nous remercions tous les pays membres de l’Organisation et de tous les groupes régionaux. Nous remercions aussi le Caucus CARICOM qui porte toujours une attention spéciale à notre démocratie. Nous apprécions aussi à leur juste valeur les dernières déclarations du Gouvernement américain et du Core Group supportant fermement les efforts accomplis par le Président Martelly, en vue de sauvegarder les avancées significatives réalisées ensemble depuis le séisme du 12 janvier 2010.
Je vous remercie.