Unanimité au Sénat pour Lamothe

Le Nouvelliste:Comme Garry Conille, le Premier ministre Laurent Lamothe a présenté le mardi 8 mai 2012 au Sénat de la République un programme basé sur les 5 “E” – Économie et Emploi, Éducation, Énergie, État de droit et Environnement – de celui du président Michel Martelly. Une programme de gouvernement ratifié à 20 voix pour, 0 contre et 0 abstention au Sénat.

Haïti: Après environ quatre heures d’attente, le Premier ministre Laurent Lamothe a été invité à présenter la déclaration de sa politique générale. Accompagné des membres de son cabinet, le successeur de Garry Conille a dû attendre une décision de la majorité des sénateurs, acquise à sa cause, autorisant le bureau à maintenir la déclaration de sa politique générale dans le projet d’ordre du jour. Au grand dam du groupe des sénateurs minoritaires – devenu majoritaire avec le départ des dix sénateurs – hostiles à Laurent Lamothe, qui souhaitaient que la présentation de l’énoncé de la politique générale du Premier ministre soit différée. Le temps du départ des 10 sénateurs dont le mandat est arrivé à terme qui avaient tous ratifié le choix de Laurent Lamothe.

Un huis clos d’une vingtaine de minutes adoptée par le bureau du Sénat n’avait pas permis aux parlementaires de trouver un consensus sur la séance. Deux propositions, l’une du sénateur Moïse Jean-Charles et l’autre du sénateur Wenceslas Lambert sur l’issue de la séance, ont été déposées devant le bureau du Sénat. « D’après les règlements intérieurs de la Chambre haute, c’est le président qui doit trancher », ont insisté Moïse Jean-Charles et ses alliés face à la décision du sénateur Simon Dieuseul Desras de mettre les deux propositions au vote.

Face à l’obstination du président du bureau, les sénateurs du groupe minoritaire ont choisi d’abandonner la séance. Laissant ainsi le champ libre aux sénateurs en fin de mandat et leurs alliés pour ratifier dans le calme la Déclaration de la politique générale du Premier ministre Laurent Lamothe.

Le gouvernement des plus démunis

« Fòk Pèp la jwenn », tel est l’engagement pris par le Premier ministre Laurent Lamothe devant l’Assemblée des sénateurs. Ce principe directeur, a-t-il indiqué, implique de rechercher en priorité le mieux-être des plus démunis à travers notamment la fourniture des services sociaux de base. « L’histoire retiendra qu’un gouvernement Martelly-Lamothe aura travaillé sans relâche, nuit et jour, à la construction d’une société plus juste et plus inclusive et à l’édification d’un véritable État de droit », a dit M. Lamothe.

D’après l’ancien tennisman haïtien qui garde le portefeuille des Affaires étrangères, le pays se trouve dans un carrefour difficile. Il dit interpeller par les indicateurs sociaux traduisant les dures conditions de vie de la majorité des Haïtiens. « Dans notre pays, l’espérance de vie à la naissance se chiffre aujourd’hui à 62 ans contre une moyenne régionale de 72, a-t-il souligné. Seulement 52% des Haïtiens ont accès à l’eau potable. Nous comptons 5,9 médecins pour chaque 10,000 habitants et un taux d’analphabétisme de 68,6%. »

Pour changer la donne, Laurent Lamothe plaide en faveur d’un investissement privé massif dans le pays en vue de générer des moyens pour que le gouvernement mène une politique sociale d’envergure en faveur de ceux vivant dans la pauvreté extrême. « L’histoire retiendra qu’un gouvernement Martelly-Lamothe aura travaillé sans relâche, nuit et jour, à la construction d’une société plus juste et plus inclusive et à l’édification d’un véritable État de droit », a-t-il déclaré.

Le nouveau chef du gouvernement, qui attend le verdict de la Chambre des députés, a promis d’asseoir les actions de son équipe sur un ensemble de valeurs et principes fondamentaux qui sont : l’inclusion sociale, la bonne gouvernance, la responsabilité fiscale, la liberté d’expression et d’association et l’idéal démocratique.

M. Lamothe a par ailleurs annoncé qu’il va, dans la logique du Plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH), lancer quatre chantiers de développement en vue de faire d’Haïti un pays émergent en 2030. Le chantier territorial concerne l’aménagement du territoire, l’urbanisme, le développement local, la protection de l’environnement, un réseau de transport national, l’électrification du territoire, l’expansion des communications, le maillage numérique du territoire, l’alimentation en eau potable et la gestion des déchets solides.

Le chantier social prévoit la création de réseaux modernes de santé et d’éducation incluant la formation professionnelle, la protection des biens culturels, l’accès au logement, le développement de l’action civique, l’offre sportive et de loisirs, le renforcement de notre système de sécurité sociale accessible à tous, notamment à tous les travailleurs, y compris ceux du secteur informel.

Le chantier économique prévoit la mise en oeuvre d’une approche globale de développement, l’appui à l’investissement privé, la dynamisation et le renforcement des secteurs compétitifs de l’économie haïtienne, la mise en place d’une véritable industrie de la construction et la mise en oeuvre de projets ciblant la création d’emplois ainsi que l’amélioration de la productivité. Et finalement, le chantier institutionnel qui englobe la révision du cadre légal, le renforcement des institutions, la modernisation de l’administration publique, le renforcement des Collectivités territoriales et celui de la société civile.

Des promesses à profusion

Le Premier ministre Laurent Lamothe, qui a obtenu un vote sans forcer au Sénat, a promis la construction prochaine d’un 1er lot de bâtiments publics. Il s’agit du palais de justice, du palais législatif, les locaux de la Mairie de Port-au-Prince, de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif et du ministère de l’Economie et des Finances. Les autres bâtiments publics qui seront construits par la suite sont les locaux du ministère du Commerce et de l’Industrie ; ceux de la Direction générale des impôts et de l’Administration générale des douanes.

Dans le domaine agricole, Laurent Lamothe a annoncé qu’il va accorder une attention spéciale aux périmètres à irriguer : 30 000 ha à réhabiliter, 40 000 ha à construire dans des régions telles que Savane Diane dans l’Artibonite et le Centre, la Plaine de Maribaroux, la plantation Dauphin dans le Nord-Est, la plaine des Baconnois dans les Nippes, le Far west dans le Nord-Ouest. M. Lamothe a aussi promis le curage des canaux des systèmes d’irrigation fonctionnels, en particulier pour les 34 000 ha de la vallée de l’Artibonite, le curage de la rivière Salée pour augmenter de 20% l’offre agricole de la région globalement ainsi que la réduction de 25% de la dépendance alimentaire pour atteindre un taux d’autosuffisance de 60% au bout des quatre prochaines années.

En ce qui concerne les infrastructures, le successeur de Garry Conille à la Primature a fait état d’une stratégie consistant à développer un réseau routier primaire et secondaire de qualité. « Aussi, il sera construit, dans la logique de désenclavement, des réseaux routiers destinés à relier les zones à fort potentiel de production qui sont aujourd’hui pratiquement inaccessibles en saison pluvieuse aux marchés intérieurs », a-t-il ajouté.

La construction et la modernisation des ports et aéroports, a-t-il dit, reste l’une des priorités de son gouvernement. « L’aéroport international Toussaint Louverture est en cours de réhabilitation », a-t-il rappelé avant d’annoncer la fin des travaux de rénovation de celui du Cap-Haïtien pour février 2013. Il a aussi annoncé la reconstruction du port de Port-au-Prince ainsi que la rénovation des aéroports de Jacmel, de Jérémie, Hinche et Port-de-Paix.

Dans le champ de la justice, Laurent Lamothe a promis d’oeuvrer à l’indépendance de la magistrature. « C’est le seul moyen de remédier à ce phénomène d’impunité sélective, ayant pour conséquence la violation massive des libertés individuelles », a-t-il reconnu. Il a par ailleurs annoncé la mise en place d’un plan de recrutement et de formation des juges et du personnel judiciaire pour suppléer à la carence à ce niveau. L’Ecole de la magistrature, a-t-il indiqué, ouvrira désormais ses portes aux huissiers, aux greffiers et aux officiers d’état civil ainsi qu’au personnel des cours et tribunaux à travers l’établissement de branches rattachées à certains tribunaux de première instance suivant un curriculum préétabli. Laurent Lamothe s’engage, toutefois, à ne pas s’immiscer dans la distribution de la justice pour quelque motif que ce soit.

La présentation de l’énoncé de la politique générale de Laurent Lamothe a été suivie d’un court débat qui a eu l’allure d’un dialogue entre amis. Considérant que les 10 sénateurs dont le mandat arrive à terme n’allaient pas pouvoir voter après minuit, les intervenants se sont montrés peu bavards et très conciliants. C’est dans ce contexte que les 10 sénateurs élus pour six ans en 2006 ont bouclé leur mandat.

Jean Pharès Jérome
Yvens Hilaire

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