TRADUCTION FRANÇAISE MESSAGE DU 29 MARS 2013 DE ME JEAN-HENRY CEANT La Constitution de 1987 26 ans après

« Une voie d’eau fait submerger un vaisseau », « Chimen Bouton, Chimen Maleng ». Ce dicton, emprunté  à la sagesse populaire qui enseigne qu’il faut aller au devant des problèmes pour mieux les résoudre, inspire et éclaire le sens et la raison du présent message que j’adresse aux citoyens et citoyennes, gouvernants et gouvernés, eu égard aux dérives que connait la Démocratie en Haïti.

Depuis 1987, le peuple haïtien a fait choix de la démocratie comme régime constitutionnel. Il exprime ainsi sa volonté de vivre dans un pays stable où l’économie, en progrès continu, assure les conditions favorables à la création d’emploi, à l’accès à l’éducation et à la santé, dans le respect des droits et des devoirs de tous.

Que de sacrifices consentis ! Mais le Peuple Haïtien attend encore. Certes, la Démocratie ne se construit pas en un jour.

Le lourd héritage de misères et de turbulences, légué par un passé de dictature et de mauvaise gouvernance, ne s’efface pas sous le coup d’une baguette magique.

Le peuple, toutes les composantes de la Nation, en sont conscients, renouvelant les sacrifices au gré d’une éprouvante transition qui n’en finit pas, mais toujours convaincus qu’au bout d’efforts cumulés le jour finira par luire.

Hélas ! Il y a des signes qui ne trompent pas. Et, lorsqu’il est évident que les Institutions marchent mal, il convient de prendre les mesures d’urgence pour changer les choses et apporter les corrections nécessaires, dans le respect de l’esprit et de la lettre de la loi-mère.

La Constitution, c’est l’âme d’un pays.  Les élections, la matrice de la Démocratie (la démocratie est fécondée par la régularité des élections).

Aujourd’hui, Haïti est le lieu précaire d’une impasse électorale et de vaines disputes qui soulignent à l’eau forte l’inconscience et la malveillance de nombre de politiciens et de quelques  institutions peu soucieux de l’avenir du pays et des intérêts supérieurs de la Nation.

En effet :

  • Ils ont trafiqué et compromis le processus d’amendement constitutionnel de 2011 : une soi-disant société civile s’est érigée en Assemblée Nationale du Parlement et s’est substituée à la volonté populaire !
  • Ils ont manipulé et dévoyé le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire : c’est une honte pour la Justice !
  • Ils ont handicapé et invalidé le processus de formation du Conseil Electoral : c’est un scandale !

Et, dans cette voie, ils persistent et signent :

·      Ils sont à l’œuvre au Parlement, où l’on voit des mandataires responsables mis sur la touche par des mandataires irresponsables.

·      Ils sont partout en quête de pouvoirs, usant et abusant du pouvoir, minant les institutions, écartant le peuple du processus de formation du Conseil Electoral,  pour faire main basse sur les élections.

·      Ils ont tant et si mal fait qu’aujourd’hui :

–       le Parlement a perdu sa crédibilité,

–       le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire est en agonie,

–       l’Exécutif perd de jour en jour la confiance de la population.

Tant et tant de manœuvres, que la Communauté Internationale, elle-même, perdue, s’interroge.

Haïtiens,

Haïtiennes,

Il est des vérités qui dérangent. Pourtant, la Démocratie, c’est le régime de la parole, de la liberté de parole. Voilà pourquoi, nous élevons  la voix, haut et fort, pour être entendu, pour être compris de tout le monde :

La Démocratie n’est pas un présent du jour de l’an, ni un cadeau de dirigeant.

Convaincu de cela, je dénonce des attitudes et des agissements qui constituent des handicaps de poids et nuisent au progrès et à l’avancement de la Démocratie en Haïti :

1-    Le processus électoral achevé, certains élus loin de servir les intérêts de leurs mandants et ceux de la collectivité, sont enclins à se servir eux mêmes, se jouant de la misère du Peuple.

2-    Les Gouvernements ont la tentation d’instrumentaliser la Fonction Publique et de la plier à leur volonté, alors que la Fonction Publique obéit à des lois et règlements. La Fonction Publique, n’est la propriété privée de quiconque.

3-    Au lieu de promouvoir la Décentralisation aux fins d’un développement durable, intégral, générateur d’ordre, de création d’emplois et de stabilité au bénéfice de la population, les dirigeants semblent plutôt, à l’opposé, se complaire dans une situation de mendicité.

4-    Les spectacles gratuits, le show-business tiennent lieu de concertation.  Où le dialogue devrait être recherché, c’est la division qui est suscitée.

De tels constats, qui datent et qui désolent la Nation, ne peuvent plus être occultés. Il faut les mettre au grand jour.

Le Peuple n’entend plus faire marche arrière. Il a la ferme détermination d’aller de l’avant !

Il n’est pas normal que le vote populaire soit utilisé pour asservir et appauvrir le peuple.

Non, il n’est pas normal que la Justice se fasse le complice de l’impunité.

A la vérité, la situation du pays n’a jamais connu une telle détérioration.

Le premier à en subir les méfaits, c’est le Peuple. Mais le Peuple veut, le Peuple réclame de meilleures conditions de vie.

Il n’est pas normal que dans le budget de l’Etat moins de dix pour cent (10%) soit assigné à l’Education et que la qualité de l’enseignement dispensé aux enfants et aux jeunes continue à baisser d’année en année.

Il n’est pas normal qu’une urgence comme celle de l’environnement soit autant négligée et ne reçoive que la portion congrue de moins de trois pour cent  (3%) au budget de l’Etat.

Il n’est pas normal que les femmes, les jeunes, les paysans, les trois majorités du pays ne comptent au nombre des priorités de l’Etat.

Non, il n’est pas normal qu’un aussi grand nombre d’haïtiens ne soient détenteurs de la carte électorale ; que nos frères et sœurs de la diaspora qui supportent nos efforts ne puissent encore voter aux élections et accomplir leur devoir de citoyen à l’égard de la mère patrie.

Où donc est la dignité ? Où sont l’honneur et la fierté des gouvernants au pays de Louverture, de Dessalines et de Pétion ?

Ceux qui ont des oreilles, qu’ils les ouvrent grandes ! Ceux qui choisissent de se boucher les oreilles, eux seuls savent pourquoi, qu’ils en assument les responsabilités ! « Prévenir vaut mieux que guérir », « Chimen bouton, Chimen maleng ».

Le Peuple Haïtien en a assez de voir sa confiance trahie ! Le Peuple Haïtien en a assez de ses souffrances quotidiennes et séculaires ! Plus jamais, elle ne prendra des grives pour des merles, des vessies pour des lanternes, « zannana pou pengwen ». C’est pourquoi il a doté la Nation de la Charte Constitutionnelle de 1987 !

Haitiens

Haitiennes,

Assez ! c’est assez ! La Démocratie n’est pas l’œuvre d’une personne, la Démocratie ne sert pas les intérêts exclusifs d’un groupe. En régime de démocratie, aux termes d’élections sincères, honnêtes et crédibles, le peuple se donne des représentants qui se doivent d’être sérieux, compétents, responsables. Ces représentants, élus, ont la mission de défendre non seulement les intérêts de leurs différentes collectivités, mais également ceux de tous les secteurs de la Nation.

Les nations souveraines financent elles mêmes l’organisation d’élections dans les limites de leur territoire. En Haïti, aujourd’hui, c’est, en grande partie, l’argent des partenaires étrangers qui assurent et conditionnent la matérialisation de nos élections. Cet état de fait, malheureux, n’est pas à notre honneur de peuple. Faut-il, de surcroit, espérer que les partenaires étrangers nous convient à la table de réconciliation, nous contraignent au dialogue et à faire la paix entre nous ? Convenons que cela est difficile à admettre. Aussi, est-il temps pour nous de prendre une autre direction pour changer les choses. Tant il est vrai que Souveraineté, Progrès et Réconciliation sont les composantes indissociables de l’unique voie à l’entrée d’Haïti dans la modernité.

« Chimen bouton, chimen maleng ». A ceux qui tardent à comprendre, nous disons à nouveau : La démocratie est un choix du Peuple. La Nation ne fera pas marche arrière ! Réconciliation, dialogue et éducation, telles sont désormais les boussoles qui doivent guider le Peuple.  Ainsi que l’avaient voulu Toussaint et Dessalines, ainsi que l’ont fait Mandela et tant d’autres dirigeants de ce monde.

L’heure a sonné de reléguer aux oubliettes du passé, violences, impunité, ressentiments et divisions. L’heure a sonné d’une nouvelle gouvernance en harmonie avec les normes universelles de transparence, de vérité, de générosité, d’ordre et de justice.

Si nous persistons dans les voies négatives du passé, quand et comment arriverons-nous à trouver les capitaux indispensables à la création d’emplois, à la construction de logements, d’hôpitaux et d’écoles ? De plus, qui acceptera de seconder nos initiatives et projets quand tous les secteurs, les hommes d’affaires, les professionnels et nos partenaires étrangers, auront perdu confiance dans nos institutions ?

Vingt six années se sont écoulées depuis le vote de la Constitution de 1987. Le chemin à parcourir, en vue de consolider les premiers pas de notre Démocratie, est encore long et malaisé. De réelles initiatives de concertation et de dialogue sont nécessaires, urgentes, qui doivent réunir les trois pouvoirs de l’Etat, les collectivités, ainsi que les organisations de la société civile inclusive autour d’un projet commun : assurer le développement agricole, industriel et touristique, par le biais d’institutions stables, fonctionnels. Telles sont les priorités de l’heure.

Dans cette perspective, nous demandons qu’à l’ occasion des prochains amendements constitutionnels, l’on recherche la participation de toutes les catégories sociales et professionnelles. Les questions constitutionnelles, ne touchent-elles pas aux intérêts immédiats et futurs de tous et de toutes ?

En conséquence, prenant la voie de la sagesse, il y a lieu pour l’Exécutif et le Parlement de revenir sur le processus truqué, piégé à l’origine des amendements de 2011. Avant le terme de la présente législature en 2014, il importe d’inviter tous les secteurs concernés au dialogue, à la discussion, en veillant toutefois à écarter les manœuvres intéressées et analogues à celles faites en 2011.

Dans l’intérêt du peuple et de la Nation, nous demandons :

1)   Le respect de l’esprit et de la lettre de la Constitution.

2)   L’organisation d’élections sincères, honnêtes et transparentes, de même que le respect du vote populaire.

3)   La concrétisation et la mise en application de la double nationalité accordée à nos frères et sœurs de la Diaspora, à toutes les élections organisées en terre natale.

4)   La tenue, à une date unique, des élections présidentielles, législatives et des collectivités territoriales afin de réduire les coûts et dépenses tant pour l’Etat que pour les candidats.

5)   La présentation dans les deux langues officielles, le Créole et le Français, des propositions d’amendements ainsi que l’exige la Constitution.

Il est temps qu’Haïti cesse d’être ce pays failli, incapable de garantir le bien-être de sa population, ses droits au travail, à l’éducation, à la santé, à l’alimentation, à la sécurité : Le choix de la Constitution de 1987 répondait à ces attentes.

« Tout moun ladan l’ », Tous ensemble sans exclusive ! C’est la voie à suivre, porteuse de réponses adéquates, appropriées à nos problèmes. Aujourd’hui, tous ceux et celles qui disent aimer Haïti ont le devoir de participer au grand combite pour son relèvement. Avec les blocs des articles de la Constitution, le ciment de son esprit et de sa lettre, nous construirons la nouvelle Haïti. Nous y arriverons, si nous savons nous souvenir que nous sommes les enfants d’une même terre, Haïtiens d’ici et de l’extérieur. Un peuple qui a fait 1804 est capable de construire une Démocratie durable ! Associant nos efforts, nos décisions à ceux d’autres fils et filles du pays, ceux venus après 1804, la réussite n’en sera que plus certaine et solide.  Haïti nous a beaucoup donné, il est temps, en retour, de consacrer nos  intelligences, nos savoirs, notre amour au bien-être d’Haïti.

« Tout moun ladan l’ ». C’est ce principe qui sous-tend notre philosophie et  notre action. Le travail, le dialogue, la réconciliation et l’éducation, telles sont nos seules armes privilégiées pour l’œuvre de régénération et d’avancement du pays, dans l’ordre et le respect de la loi-mère. Cette mission est nôtre, frères et sœurs d’Haïti, d’ici et d’ailleurs.

Que nos ancêtres nous protègent, que Dieu bénisse Haïti !

Maître Jean-Henry Céant

Leader Politique

Mars 2013

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