Thèmes de l’Emission de la semaine Orlando le 13 août, 2010 Actualités Politiques : Grandes Lignes

L’atmosphère politique est extrêmement tendue. Il n’y a pas que l’anxiété des candidats dans l’attente des résultats de l’inscription. Il y a de plus et surtout l’imprévisibilité créée par la pression pour le remplacement d’un CEP décrié, par l’intensité des manœuvres gouvernementaux et par l’évidence des jeux inconsidérés d’intérêts internationaux, qui s’entrecroisent, ignorant délibérément les conséquences de leurs inconséquences. En d’autres termes, chaque acteur poursuit ses intérêts avec des œillères et s’en fout du reste. Pourvu qu’il arrive à tirer ses marrons du feu, advienne que pourra ! La nation haïtienne ayant déjà avalé tant de couleuvres ! Une de plus ou de moins, ça ne dérangera personne ! La question est de savoir dans ces rapports de forces, quel est l’acteur qui a vraiment la prépondérance ? Mais aussi, qui dans ce jeu de dupe ne sont que des figurants ?

On est en train de faire l’expérience du déjà vue. Il y a exactement vingt ans en 1990, l’intention était alors de polariser l’échiquier politique, entre Démocrate et antidémocrate pour augmenter la participation électorale, sans se soucier de la culture politique, ni de la direction des vecteurs de forces de changement. A ce moment là, le président des Etats-Unis, George Bush Sr, a ignoré, malgré toutes les mises en garde, le fait que toute intervention artificielle provoquerait automatiquement une réaction proportionnelle à la pression exercée. Qu’il en résulterait une précipitation avec une accélération multipliée des réactions et des conséquences dans la direction des vecteurs de forces de changement. La direction de ces vecteurs de forces en Haïti, au lendemain du renversement du régime de droite duvaliérien, allait naturellement de la droite vers la gauche.

Le gouvernement de George Bush Sr a organisé le retour en force de Roger Lafontant ex-ministre de l’intérieur du régime duvaliérien comme candidat à la présidence. Certes, Roger Lafontant est allé au-delà de sa mission. Cette intervention purement artificielle aurait dû créer, selon les intentions de George Bush Sr, une polarisation entre antidémocrate et démocrate, Roger Lafontant vs Marc Bazin. Cependant, la réaction a été comme prédite, une précipitation accélérée dans la direction des vecteurs de forces de changement, vers l’extrême gauche. Victor Benoît était alors le candidat pour ce bloc. Les deux prêtres Adrien et Smarth ont trouvé qu’il ne convenait pas pour affronter la furie de Roger Lafontant qui était retourné en trombe sur la scène. On l’a remplacé par un jeune prêtre radical Jean Bertrand Aristide, très populaire, d’une militance extraordinaire, mais totalement inexpérimenté en politique et ignorant tout de la gestion, voir celle des affaires de l’Etat. De fait Bazin a eu pour compétiteur Aristide et non Lafontant ! A ce moment là, où la gauche comptait dans ses rangs des hommes et des femmes hautement qualifiés, elle a choisi d’accorder la prépondérance à la popularité sur la qualification. La gauche, voulant bénéficier de l’effet pendulaire après la chute d’un régime de droite, a opté pour l’abandon de toutes ses valeurs, en glissant sur la pente du mouvement de la démocratie populaire, pour s’intégrer dans les rangs de l’anarcho-populisme. Haïti est en train de gémir depuis 20 ans sous le poids des conséquences de cette intervention artificielle provoquée par le gouvernement de George Bush Sr qui n’avait rien compris, ni accepté de la notion des vecteurs de forces de changement en Haïti. Alors qu’il avait compris et accepté clairement cette notion dans le cas de la Russie après l’effondrement du mur de Berlin. La situation en Russie après l’effondrement d’un régime d’extrême gauche, était précisément l’image miroir de la situation en Haïti, au lendemain du renversement d’un régime d’extrême droite. Cette manipulation simple et simpliste de George Bush Sr nous a coûté cher, 53 ans de populisme des deux extrêmes ! Nous sommes en train de la payer jusqu’à présent. On est resté le pays le pauvre de l’hémisphère ! On est devenu entre temps le pays le plus corrompu du monde !

Voilà qu’en 2010, pas un siècle après, mais seulement 20 ans plus-tard, l’Internationale se propose dans les mêmes circonstances, d’utiliser le même expédient, de commettre la même erreur, de faire la même manipulation, pour exactement la même raison, augmenter la participation électoral. Maintenant le pion, n’est plus un personnage politique flamboyant et controversé, comme Roger Lafontant, mais des musiciens. Point n’est besoin de décrire les conséquences des risques que cette intervention comporte. Nous sommes en train de les subir depuis 20 ans !

A ce carrefour où la majorité des Haïtiens comprend clairement la signification de l’opportunité qu’offre la coïncidence de la reconstruction physique, de la relance de l’économie, et de l’impératif de l’engagement dans la réflexion sur la refondation de l’Etat pour une réorientation sérieuse du pays. Dans cette période de vulnérabilité dans tous les domaines, où le pays est exposé à la fois à toutes sortes d’embûches. Où plus que jamais la renaissance d’Haiti dépend totalement de la compétence de ceux qui vont assumer le pouvoir, du plan de gouvernement qu’ils vont exécuter, de l’aide internationale qui va les accompagner dans tous les domaines et surtout de la bonne foi de ceux qui nous viennent en aide.

Aujourd’hui, l’intervention du secteur politique de l’Internationale veut clairement nous imposer, dans ces circonstance, le nivellement par le bas et le fonctionnement au niveau du plus petit commun dénominateur, exploitant l’ignorance et la naïveté des masses pour donner une fois de trop la prépondérance à la popularité sur la qualification, à la recherche de l’augmentation de la participation électorale et de la légitimité des élus. Pour faire quoi ?

Le secteur politique de l’internationale ayant pour fer de lance Bill Clinton qui a à la fois le contrôle de la reconstruction et de la relance de l’économie, deux projets vitaux pour la survie d’Haïti en tant qu’Etat-Nation, veut-il sincèrement réussir ces deux projets ? Quel type de partenariat se veut-il pour gérer à bien ces deux projets ? Veut-il gérer la survie d’Haïti en tant qu’Etat-Nation moderne aspirant à sa souveraineté ? Ou, veut-il d’une Haïti moderne, mais qui demeure un appendice mal-géré, prête à être absorbé pour l’unification de l’île ?

Des trois pays qui forment le secteur politique de l’Internationale, la France colonialiste s’est déjà fixée officiellement dans ce domaine. Sarkozy a établi la Dominicanie comme proxy pour l’île ! On n’a pas l’impression que ce soit un arrangement momentané, dicté par la seule exigence conjoncturelle, le degré de corruption et d’incompétence du gouvernement Préval/Bellerive. Est-ce la revanche tardive du colonialiste ? Les Etats-Unis et le Canada les deux autres, sont-ils de cet avis ?

C’est un fait irréfutable que les bailleurs de fond à la réunion en République dominicaine pour la formation de la CIRH, avait tué cette commission dans l’œuf. Ils ont maintenu leurs engagements envers Haïti. Mais ont refusé de désigner leurs représentants à la commission. Le dernier rapport de la Banque Mondiale concernant les projets de reconstruction, vient de le confirmer.

Il est évident qu’au moment où nous sommes, il est difficile de prédire, avec certitude, compte tenu des interventions internationales à peine voilées et des magouilles gouvernementales manifestes, qui de ces deux acteurs aura fécondé l’œuf. Aux élections du 28 novembre 2010, de l’œuf éclos, sortira quoi, un poussin ou une couleuvre ? Il n’est que d’attendre !

Entre-temps, que fait l’opposition ? Que fait le secteur privé ? Que font les élites ? Croupis chacun dans son coin, s’accusant l’un l’autre, vont-ils continuer à jouer à la victime, à l’irresponsable et à l’incompris ? On a pataugé pendant trop longtemps dans cette bêtise, 53 ans ! C’en est trop !

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