Survol

Haïti: Les accusations de corruption contre des hauts fonctionnaires, comme ceux du CEP, sont lancées souvent par des personnages qui occupent où ont occupé des fonctions importantes au sein de l’appareil d’État. Dans n’importe quel pays, une action aurait été mise en mouvement, vu l’énormité de la chose. Mais, chez nous, on a comme l’impression que ces déclarations causent une gêne qui est celle de tous les corrompus et de tous les corrupteurs sur leur branche pourrie. Personne ne veut qu’on la scie.
En toute logique, il y a eu tentative de manipulation des votes au premier tour. On a dû faire marche arrière. Les responsables sont restés en place.
Quelques semaines plus tard, on a récidivé en pensant peut-être que le coup allait passer. On est en pleine crise. Des accusations fusent de toutes parts.
Pendant ce temps, l’étranger brandit la menace du retrait des visas. Comme s’il avait affaire à de petits galopins, des gens – comme on dit chez nous – ki pa gen nen nan figi yo. Des gens qui veulent tellement avoir un os à sucer que si vous descendiez pantalon ou jupe, vous y découvririez une queue. Une vraie queue d’animal.
Comment peut-on comprendre que nous ayons développé de tels instincts prédateurs, de tels comportements liés à la survie immédiat, que l’intérêt national soit devenu pour nous une chimère. Ce qui est triste et donne à vomir dans tout cela ; dès que l’intérêt du futur animal est lésé- car beaucoup de ces gens régressent vers le monde animal- il se met à bramer nationaliste, antiBlanc et défenseur des institutions, lui pour qui les institutions sont le cadet de ses soucis. Yap kale ayisyen ak viza ! Voici ce que nous a donné plus de vingt ans de pouvoir lavalassien !

Mon ami Mario, que j’ai rencontré cette semaine, m’a demandé de faire cette proposition au ministère des Finances. Il a calculé qu’en l’espace d’une année il a déduit de son salaire 12 000 $ qu’il aurait donnés sous les rubriques suivantes à divers citoyens : aide pour payer le mois d’écolage (toujours en retard); aide pour l’achat de médicaments; aide pour autres soins de santé; aide pour funérailles; aide pour paiement de loyers; aide à des personnes pour des difficultés diverses (M gen de jou m pa maje); aide à des gens pour des besoins légaux ( tribunal); aide pour des déplacements divers. Aide aussi pour des soins cosmétiques; aide pour l’achat d’une robe, etc. Mon ami a soutenu qu’une partie de ses dépenses sont du ressort de l’État, donc que le ministère des Finances devrait mettre à la disposition des citoyens des fiches de déduction d’impôts pour ces situations bien particulières. Quelqu’un vous demande 2000 gourdes pour payer l’écolage de son enfant qui est en primaire, donne son nif, les informations le concernant, il la signe, et cette fiche ainsi que toutes les autres, et vous les conservez pour la déduction d’impôt, car le citoyen effectue là le travail de l’État. Mario reconnaît bien que certaines dépenses, comme les soins cosmétiques et autres petites gâteries pour boubout, ne devraient pas être prises en compte (ce serait dangereux avec les légitimes si fouyapòt). Ce que j’ai trouvé logique cependant dans son approche, c’est que nous tous nous payons un impôt informel qui, au moins, sert directement aux bénéficiaires et non à l’achat de 4×4 de luxe ou à payer des malfrats. Et si la plupart des citoyens cessaient de payer cet impôt indirect, cette société sauterait tout simplement. Dans un pays normal, vu qu’il existe un Etat qui prend ses responsabilités, le citoyen n’est pas aussi taxé de manière informelle.

Pour terminer, je parlerai rapidement encore une fois de la plus mauvaise expérience de ma vie. Ma visite au site du Bwa Kayiman pour son bicentenaire en 1991. Ah ! les beaux discours de nos politiciens sur 1804, la révolte des esclaves, etc. Sur le site, je n’avais découvert à l’époque qu’un “raje” avec des enfants nus qui déféquaient à l’air libre. Deux ou trois jours avant la date de la cérémonie, on m’a raconté que les macoutes venaient faire fuir tous les habitants pour une cérémonie certainement crasseuse et sanglante.

C’est beau de parler de tourisme chez nous. Mais on oublie que le soleil et les belles plages, on les trouve partout dans les zones tropicale et subtropicale. C’est la valeur ajoutée à ces plages, au soleil, aux monuments qui créent un environnement intéressant pour le tourisme. Chez nous, nous n’avons que notre culture à vendre, encore qu’il ne faut pas seulement le dire mais avoir l’imagination pour en faire quelque chose. Si les Dominicains avaient le Bwa Kayiman, ils en auraient fait un musée avec reconstitution chaque soir de la cérémonie. Des milliers de touristes auraient visité chaque jour le site. Si les Dominicains avaient la Citadelle, on verrait à cette citadelle et dans ses environs une reconstitution de l’époque. La citadelle serait tenue par une garnison christophienne et des gardes bien mis, à cheval ou à pied, se seraient fait prendre en photo par des nuées de touristes… Bref…., c’est un pays sans imagination. Mon père disait souvent que, chez nous, c’est la chose de la calebasse que nous avons à la place du cerveau, et ses dires se vérifient chaque jour.

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