Situation mûre pour un coup d’Etat!

PORT-AU-PRINCE, 18 Décembre HAITI EN MARCHE – La situation en Haïti est plus que mûre pour un coup d’Etat militaire. Or il n’y a plus de force armée en Haïti. Mais on ne sait pas s’il faut dire heureusement ou non, parce que l’alternative c’est un pas de plus dans l’aliénation de la souveraineté nationale.

Voilà où nous conduit actuellement la mauvaise foi de notre classe politique, précisons le. Et non la conséquence directe de la suppression de l’Armée d’Haïti, qui n’a laissé pour tout souvenir que son gaspillage des ressources publiques et ses violations sans limites des droits humains.

La troisième voie …

Lorsque les politiciens et les responsables civils ont totalement échoué, comme cela se passe actuellement sous nos yeux, que ce soit en Haïti ou ailleurs, une troisième voie s’impose.

Dans certains pays la Constitution prévoit une telle alternative pour assurer légitimement l’interrègne.

Chez nous, son nom c’est l’Armée. Le coup d’Etat militaire!

En 1946, devant la menace que fait peser la petite gauche (jeunes militants groupés autour d’une feuille intellectualo-socialiste nommée à juste titre La Ruche), le colonel Paul Eugène Magloire prend les commandes.

Quelques mois plus tard, l’Armée bricole l’élection (au second degré) d’un nouveau chef d’Etat, Dumarsais Estimé.

Et que le même Paul Magloire renverse en 1950 pour prendre sa place comme chef d’Etat et généralissime.

La pagaille …

En 1957, même scénario. La rivalité féroce déclenchée par les autorités civiles et les candidats à la présidence (Fignolé, Déjoie, Jumelle et Duvalier) conduit le pays au bord de la guerre civile.

Le général Kébreau est appelé à prendre la direction des affaires de l’Etat, presque de façon spontanée puisque les politiciens civils ne savent comme aujourd’hui que créer la pagaille …

Kébreau installe François Duvalier dit Papa Doc quelques mois plus tard.

Mais Papa Doc était d’une autre engeance (on dit d’ailleurs qu’il n’était pas haïtien, son grand père était en effet un immigrant martiniquais). Il créa une dynastie qui mit fin à toute activité politique pendant environ 30 ans (1957-1986).

Pas de quartier! …

Et voici à quoi nous nous exposons encore aujourd’hui. Un prochain massacre. Plusieurs massacres, déjà Papa Doc perçait sous Kébreau. En effet, cela ne va pas tout seul. On appelle l’Armée (même si personne n’osera le faire explicitement) pour mettre fin au désordre. Elle ne connaît d’autre façon pour y arriver que tuer, torturer, massacrer.

Ou comme criait le major Michel François sur le réseau de communications de l’armée lors du coup d’Etat du 30 septembre 1991, ‘Met mayèt nan janm yo’ ou ‘ne faites pas de quartier!’

Haïti n’est pas une exception. Les tortionnaires chiliens et argentins, le plan Condor ou programme d’assassinats mis en place par ces dictatures militaires-là pour détruire l’opposition de gauche, toutes ces industries de la mort qui continuent cependant de faire l’actualité comme récemment lors d’un procès par contumace pour la disparition de 4 ressortissants français aux mains des bourreaux du général Pinochet.

Only en Haiti! …

Au moins les bourreaux ne l’emporteront pas en paradis. Partout, sauf en Haïti. Peuple sans mémoire. Même des pires horreurs. Pourquoi nous sommes condamnés à revenir toujours à notre vomi (comme disait l’autre).

Et nous y voilà à nouveau. Nos politiciens et responsables civils arcboutés sur leurs ambitions, généralement inavouables. Refusant la moindre concession. Chacun sûr de pouvoir l’emporter sur toute la ligne. Il suffit de tenir bon, ‘jis mayi mi’, traduisez jusqu’à la fin des fins. Oui, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien que le vide actuel.

Michel Martelly sûr de l’emporter au premier tour, dût-on bouleverser le calendrier constitutionnel et y sacrifier la totalité du trésor public.

Le président René Préval ne fera pas un pas vers les 12 autres candidats ne figurant pas parmi les trois favoris, espérant encore pouvoir conserver pour son favori Jude Célestin et la plateforme présidentielle la totalité du gain.

Quant à Mirlande Manigat, rejoignons-la à sa dernière conférence de presse le vendredi écoulé. Du haut de sa première place aux résultats du premier tour (31,37% des suffrages, que la candidate semble confondre avec la majorité absolue, c’est à dire 50% plus 1 voix), elle se croit investie de la capacité de refuser toutes les autres propositions, y compris celles qui auraient la faveur de l’international.

Il est vrai que celui-ci n’est pas plus digne de confiance aujourd’hui, prêt à tourner casaque à la moindre occasion.

Une ‘correction démocratique’ …

Conclusion: plus de quinze jours après le premier tour des élections, le 28 novembre dernier, la classe politique civile a gelé toute activité à travers le pays.

Aussi bien économiques (congé forcé pour cause de manifestations ponctuées de violences et tous, aussi bien casseurs que meneurs et instigateurs, sûrs de l’impunité; manque à gagner et perte sèche – la diaspora ne viendra pas pour les fêtes; investisseurs potentiels découragés etc) que dans des domaines encore plus essentiels comme la lutte contre l’épidémie de choléra (2.535 morts au dernier bilan officiel).

Tant pis pour les terribles conséquences auxquelles leur conduite condamne le pays. Comme dit un proverbe haïtien: seuls les sots qui le permettent, et les imbéciles qui n’en profiteraient pas!

Mais cela aussi parce que, de toute l’histoire, le pays a toujours disposé d’un garde-fou quasiment naturel appelé: FAD’H ou forces armées d’Haïti.

Dès que la crise menace de capoter dans le vide, les militaires connaissent leur devoir!

Selon le mot du général Raoul Cédras en 1991: Non, ce n’est pas un coup d’Etat mais une ‘correction démocratique.’

En effet, Haïti est le seul pays où dictateurs, putschistes et tortionnaires n’ont qu’à se retirer à l’abri quelque part et attendre tranquillement que les choses tôt ou tard leur reviennent en main ou à portée. A commencer par leur profonde implication dans la campagne électorale actuelle et chez plus d’un candidat, nul ne l’ignore.

Ou la dictature … ou l’occupation! …

Mais voilà, les forces armées d’Haïti ont été dissoutes en 1995 au retour d’exil d’Aristide.

Personne donc aujourd’hui pour tenter (ou nourrir l’ambition) d’arrêter la chute libre dans laquelle les politiciens ont une nouvelle fois embrayé le pays?

Personne, sauf l’international.

Au parlement canadien, un groupe animé par le député Denis Coderre (qui était déjà très impliqué dans le brutal renversement du président Jean-Bertrand Aristide en 2004) propose que le Canada envoie aussi des militaires en Haïti pour aider à trouver une solution à la crise actuelle.

Les Canadiens disent-ils tout haut ce que la communauté internationale pense tout bas?

Et donc qu’on peut toujours trouver un substitut. N’est-ce pas aussi un proverbe canadien, plus précisément québécois, qui dit: ‘y a toujours moyen de moyenner!’.

D’autant plus que les transmissions de pouvoir les plus paisibles de notre histoire ont eu lieu sous l’Occupation américaine (1915-1934) et la dernière en 2006, après l’arrivée de la Minustah.

Ou la dictature … ou l’occupation! Voilà le seul choix que semble nous laisser aujourd’hui encore l’aveuglement de notre classe politique.

Sûre aussi qu’elle est de son impunité! C’est toujours le peuple qui trinque. Le peuple, entendez nous tous.

Haïti en Marche, 18 Décembre 2010

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