Quelle sera la prochaine convocation du parquet ?

Le Nouvelliste:

Haïti: Pour la première fois depuis l’adoption de la Constitution de 1987, un ministre est convoqué par un commissaire du gouvernement. Paul Antoine Bien-Aimé, ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, a été entendu hier matin au parquet du tribunal civil de Port-au-Prince dans le cadre de l’enquête ouverte par le chef de la poursuite sur le scandale de corruption dénoncé par le Réseau national de Défense des Droits de l’homme (RNDDH). Croyant qu’il est dans la légalité la plus complète, à propos de cette audition, Me Sonel Jean-François n’a pas hésité une minute pour faire valoir l’opportunité de cette convocation puisqu’il y a scandale de corruption.

Le chapitre 5 comprenant les articles 185 à 190 de la Constitution de 1987 traite de la Haute Cour de Justice, l’unique juridiction compétente pour juger le président la République, le Premier ministre, les ministres et les secrétaires d’Etat, les membres du Conseil électoral permanent et de la Cour supérieure des Comptes et du Contentieux administratif, des juges et officiers du ministère public près la Cour de cassation et du Protecteur du citoyen. Après la lecture de ce chapitre, il y a lieu de se demander de quelle autre motivation dispose le commissaire Sonel Jean-François pour prendre une pareille décision à l’endroit d’un grand commis de l’Etat, démissionnaire ou pas.

Si le commissaire du gouvernement voulait simplement s’enquérir de ce scandale de corruption, comme certains veulent le faire croire, il aurait pu par lettre solliciter des informations auprès du ministre. Cependant, prendre l’initiative de convoquer un ministre pour audition veut dire que le commissaire pourrait acheminer le dossier au cabinet d’instruction. Or, dans le cas précis d’un ministre, seule la Chambre des députés peut mettre le ministre en accusation et le Sénat peut s’ériger en Haute Cour de Justice pour le juger.

Après plus de sept ans au poste de ministre, deux ans comme titulaire du ministère de l’Education nationale de 1999 à 2001 et cinq ans avec le portefeuille de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, de 2006 à 2011, Paul Antoine Bien-Aimé connaît mieux que quiconque le fonctionnement des institutions de l’Etat. Pourquoi a-t-il répondu à la convocation ? Le Premier ministre démissionnaire a été, sans nul doute, informé. Pourquoi a-t-il accepté que son ministre subisse cet affront ? Ce sont autant de questions qui paraissent complexes aux yeux de n’importe quel observateur avisé.

Me Sonel jean-François n’est pas à son coup d’essai. Il avait le mois dernier lancé des mandats à l’encontre du président et des membres du Conseil électoral provisoire, en dépit du fait que la loi électorale ait clairement précisé dans ses articles 230 et 233 – dans ses dispositions finales – que les conseillers du CEP, provisoire ou permanent, relèvent de la Haute Cour de Justice, ce que d’ailleurs les avocats de ces conseillers avaient fait valoir le mois dernier.

Sommes-nous en train d’assister à une comédie de mauvais goût dont le commissaire serait l’acteur principal ?

Lemoine Bonneau
bonneau@lenouvelliste.com

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