Proposition de Pacte de gouvernabilité Décembre 09, 2018

Décembre 2018

  1. Mise en contexte

La République d’Haïti, qui s’étend sur 27,750 km carrés, abrite une population d’environ douze millions de personnes. Avec un PNB par habitant de 830 USD, un taux de chômage d’environ 66% et 25% de sa population vivant dans l’extrême pauvreté, elle est positionnée parmi les pays à faible revenu et représente le seul PMA des Amériques.

Parallèlement à ce tableau économique désastreux, Haïti est la proie d’une instabilité politique caractérisée par des agitations populaires, des contestations de l’opposition, une escalade de violences, des demandes de reddition de comptes des citoyens et des relations difficiles entre la société civile et le pouvoir. De surcroît, plus de 30 ans après 1986, date charnière du début du processus de démocratisation du pays, la transition démocratique demeure et les bases sont encore à renforcer.

Face à cette situation qui hypothèque le fondement même de l’Etat, le Président de la République, Son Excellence Jovenel MOISE, par message à la nation en date du 21 novembre 2018, avait officiellement mandaté le Premier Ministre Jean-Henry CEANT de réaliser un dialogue entre les haïtiens dans la perspective de jeter les bases d’une entente nationale.

Le présent Pacte de gouvernabilité constitue donc la résultante de ce dialogue entre le pouvoir actuel, l’opposition et la société civile.

  1. Finalité du Pacte de gouvernabilité

Les parties prenantes ayant participé au dialogue entre les haïtiens conduit par le Premier Ministre et toutes celles qui y adhèreront entendent, au cours des trois (3) prochaines années, œuvrer ensemble et s’engagent à respecter les composantes du présent Pacte de gouvernabilité en vue de :

  1. a) résoudre la crise politique que traverse le pays par un consensus entre les acteurs; b) assurer la stabilité du pays en créant un climat d’apaisement social ; c) promouvoir le progrès social et économique du pays.
  2. Méthodologie d’élaboration et d’adoption du Pacte

L’élaboration et l’adoption du présent Pacte de gouvernabilité a suivi une démarche méthodologique participative pouvant être déclinée comme suit :

  1. a) identification des forces de l’opposition, des organisations de la société civile et des alliés du pouvoir au cours d’une réunion d’analyse de la carte des acteurs ; b) pré-dialogue avec les alliés du pouvoir, des partis de l’opposition et des

Organisations de la société civile incluant le secteur privé des affaires ; c) synthèse des discussions et élaboration d’une ébauche de Pacte de

gouvernabilité ; d) partage de l’ébauche avec les participants au pré-dialogue ;

  1. e) dialogue autour de l’ébauche, recueil de recommandations et révision du

document ; f) consensus des parties prenantes autour du document final

  1. Composantes du Pacte de Gouvernabilité

4.1 Pacte politique

4.1.1 Partage de responsabilités avec l’opposition et la société civile dans le cadre d’un gouvernement d’ouverture mis en place par le pouvoir actuel. 4.1.2 Mise en place d’un comité de médiation pour la tenue d’une Conférence

nationale. 4.1.3 Consensus entre les parties prenantes sur la réalisation d’un profond

amendement constitutionnel ou d’une réforme constitutionnelle. 4.1.4 Octroi de financement aux partis politiques en vue de leur

fonctionnement et de leur renforcement. 4.1.5 Entente sur la mise sur pied du conseil électoral. 4.1.6 Réalisation des élections constitutionnellement prévues. 4.1.7 Accélération des démarches tendant à la Réforme effective de l’Etat.

4.2 Pacte social

4.2.1 Création d’emplois à haute intensité de main d’œuvre dans les dix (10) départements du pays, avec emphase sur les jeunes, et Appui à la mise en place par les jeunes et les femmes d’entreprises génératrices de revenus. 4.2.2 Incitation à la production vivrière et à la production animale de moindre coût et pouvant contribuer rapidement à la sécurité alimentaire et nutritionnelle. 4.2.3 Accord négocié par les Syndicats, le Patronat et le Gouvernement pour (i) des revalorisations du salaire minimum, entre 2019 et 2021, dépendamment de la décote de la gourde, (ii) l’indexation éventuelle du salaire minimum, (iii) le transport, la restauration et des avantages sociaux aux ouvriers. 4.2.4 Réforme de la sécurité sociale en mettant à profit également les organismes de sécurité sociale (ONA, OFATMA, CAS…) et rationalisation de la gestion des fonds y relatifs par des placements rentables. 4.2.5 Augmentation, le plus possible, du budget de l’Université, de

l’éducation, de la Santé.

4.3 Pacte économique

4.3.1 Relance de la production nationale en priorisant l’agriculture destinée à la consommation locale et dynamisation du secteur de la production bio destinée à l’exportation par des incitatifs aux producteurs locaux et aux PME. 4.3.2 Supports financiers et logistiques aux initiatives agricoles et agro- industrielles génératrices d’emplois et aux entreprises souhaitant se lancer dans l’assemblage en capitalisant sur les lois HOPE/HELP. 4.3.3 Finalisation de l’intégration d’Haïti au CARICOM pour, entre autres, l’exportation des denrées agricoles haïtiennes et des produits culturels, artistiques et artisanaux haïtiens dans la Caraïbe. 4.3.4 Développement du secteur des télécommunications par des incitatifs aux compagnies de téléphonie actives dans le pays pour la création de centres d’incubateur d’entreprises. 4.3.5 Développement du secteur de l’énergie par l’introduction de nouveaux producteurs et par l’incitation rationnelle des producteurs existants à investir dans une capacité plus grande, tout en tenant compte des investissements à faire dans la distribution. 4.3.6 Réforme de la SONAPI et Amélioration de la gestion des parcs

industriels gérés par la SONAPI. 4.3.7 Appuis à la construction de zones franches destinées à attirer de

potentiels investisseurs dans la sous-traitance. 4.3.8 Création de richesses par la mise en œuvre dune de réforme de l’économie nationale incluant notamment la stabilisation de la gourde, des mesures de facilitation de prêt et d’investissement dans les infrastructures. 4.3.9 Promotion du tourisme par l’incitation d’investissements massifs tant

étrangers que locaux. 4.3.10 Installation d’un climat d’affaires basé, entre autres, sur la compétitivité

pour attirer les investissements.

4.4 Pacte de lutte de contre le gaspillage, la contrebande, la corruption et

l’incivisme

4.4.1 Réduction du train de fonctionnement de l’Etat, notamment par une réduction significative du budget du pouvoir exécutif et du budget du pouvoir législatif. 4.4.2 Augmentation des recettes de l’Etat par le renforcement des capacités techniques, informatiques et logistiques de la Direction Générale des Impôts et de l’Administration Générale des Douanes, les organismes déconcentrés (OAVCT, APN, OFNAC, CONATEL).

4.4.3 Rentabilisation des intérêts de l’Etat dans les entreprises ou sociétés

d’économie mixtes. 4.4.4 Récupération de fonds non collectés par l’Etat au niveau des frontières et des ports à travers un combat accru contre la contrebande et la corruption. 4.4.5 Campagne d’incitation citoyenne au paiement des redevances fiscales,

sans aucun harassement du contribuable. 4.4.6 Identification des évasions fiscales des grandes entreprises, amnistie

partielle et entente de recouvrement négocié et échelonné. 4.4.7 Renforcement des organismes de surveillance et de contrôle : CSCCA,

CNMP, UCREF, ULCC, CONALD, IGF. 4.4.8 Formation de juges sur les traités internationaux relatifs à la corruption. 4.4.9 Programme intensif d’éducation civique par et pour les jeunes, avec emphase sur le patriotisme, la lutte contre la corruption, le reboisement et la protection de l’environnement.

4.5 Pacte sur le Procès Petro Caribe

4.5.1 Réflexion de plusieurs juristes pour dégager un point de vue commun

sur le dossier Petro caribe. 4.5.2 Accessibilité des dossiers de Petro caribe disponibles au niveau du

Gouvernement. 4.5.3 Dotation budgétaire au CSPJ pour permettre à l’appareil judiciaire d’enquêter sur la gestion des fonds de Petro caribe et de lutter efficacement contre l’impunité. 4.5.4 Renforcement du leadership, des supports logistiques et des structures techniques des organismes appelés à être directement impliqués dans la réalisation du Procès (UCREF, ULCC, Parquet du Tribunal de Première instance de Port-au-Prince…). 4.5.5 Communications régulières par le Parquet sur le dossier Petro caribe. 4.5.6 Suivi de la mise en place et de la réalisation du Procès par les

organismes juridiques et judiciaires concernés. 4.5.7 Mise en place d’une commission de garantie avec la participation d’organismes de Droits Humains et l’observation d’organismes internationaux. 4.5.8 Appui logistique à l’exécution des jugements.

4.6 Pacte de justice, de lutte contre l’impunité, de sécurité publique et de

respect des Droits Humains

4.6.1 Augmentation du budget du secteur justice. 4.6.2 Renforcement de la PNH en augmentant son budget et son soutien

logistique.

4.6.3 Réforme du système judiciaire par une révision du CSPJ en vue de permettre au judiciaire de recouvrer son indépendance par rapport à l’exécutif et de mettre l’Etat en situation de lutter contre l’impunité. 4.6.4 Combat contre l’insécurité par une lutte contre l’introduction illégale d’armes à feu sur le territoire haïtien et le désarmement à travers une double stratégie appelant à la remise volontaire des armes ou le démantèlement par la PNH des gangs armés. 4.6.5 Programme de réinsertion sociale des anciens membres des gangs et

des prisonniers. 4.6.6 Renforcement du partenariat avec l’OPC et les organisations de

défense des droits de l’homme de la société civile. 4.6.7 Mise en place de plans et de stratégies devant conduire à l’amélioration

du climat général de sécurité.

4.7 Pacte sur le paquet de lois à réviser ou à mettre en place en 2019

4.7.1 Loi portant création de l’UCREF 4.7.2 Le Code pénal 4.7.3 Loi sur la décentralisation 4.7.4 Loi sur le micro crédit 4.7.5 Loi sur le salaire minimum 4.7.6 Loi de finance 2018 – 2019 4.7.7 Loi sur l’accès aux Informations et Données Publiques.

  1. Mécanismes de suivi-évaluation

5.1 A l’adoption du présent pacte, un plan d’action sera élaboré afin d’en optimiser

l’opérationnalisation.

5.2 Au regard du Plan d’action, un plan de suivi sera élaboré pour déterminer les indicateurs de performance et mesurer tous les six (6) mois les progrès enregistrés. 5.3 Les résultats des revues semestrielles permettront de corriger, le cas échéant,

les écarts et procéder aux ajustements nécessaires.

5.4 Une évaluation sera réalisée à mi-parcours.

5.5 Au bout de trois (3) ans, il sera procédé à une évaluation finale.

Fait à Port-au-Prince, le……………………………………

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