PRDN PLAN D’ACTION POUR LE RELÈVEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT NATIONAL D’HAÏTI

Contenu

1. Les grands chantiers de la reconstruction. 1

2. 780 millions pour la refondation territoriale. 3

3. Les piliers de la refondation économique. 4

1. Les grands chantiers de la reconstruction

On parle à tort et à travers du Plan d’Action pour le relèvement d’Haïti présenté à New York le 31 mars 2010 lors de la conférence internationale sur la reconstruction d’Haïti. Ayant constaté qu’aucune campagne de diffusion dudit plan n’a été lancée par le gouvernement, Le Nouvelliste se fait le devoir de présenter ses grandes lignes.

Le Plan d’action pour le Relèvement et le Développement national d’Haïti, qui se traduit en anglais par Post Disaster needs assessment (PDNA) est, d’après ses concepteurs, une proposition haïtienne. « Malgré le calendrier très court, les principaux secteurs de la société civile haïtienne ont été consultés, lit-on dans l’avant-propos du document. C’est aussi le cas des Haïtiens et Haïtiennes vivant à l’étranger qui se sont mobilisés et qui ont montré leur engagement envers l’avenir du pays. »

Le document rédigé à la va-vite après le séisme du 12 janvier par des experts étrangers et haïtiens présente une vision à long terme du développement d’Haïti. Il se propose de refonder la Nation haïtienne en transformant la catastrophe du 12 janvier 2010 en une opportunité pour qu’Haïti devienne un pays émergent d’ici 2030.

Cette refondation, d’après le PDNA, se matérialisera en : Une société équitable, juste, solidaire et conviviale, vivant en harmonie avec son environnement, sa culture, une société moderne où l’État de droit, la liberté d’association et d’expression et l’aménagement du territoire sont établis.

• Une société dotée d’une économie moderne, diversifiée, forte, dynamique, compétitive, ouverte, inclusive, et à large base territoriale.

• Une société où l’ensemble des besoins de base de la population sont satisfaits en termes quantitatif et qualitatif.

• Une société apprenante dans laquelle l’accès universel à l’éducation de base, la maîtrise des qualifications dérivant d’un système de formation professionnelle pertinent, et la capacité d’innovation scientifique et technique nourrie par un système universitaire moderne et efficace, façonnent le nouveau type de citoyen dont notre pays a besoin pour sa refondation.

• Tout ceci, avec l’encadrement d’un État unitaire, responsable, garant de l’application des lois et de l’intérêt des citoyens, fortement déconcentré et décentralisé.

Les grands chantiers de la reconstruction présentés dans le Plan d’Action pour le relèvement d’Haïti.

1. La refondation territoriale, qui passe par l’identification, la planification et la gestion des nouveaux pôles de développement, la stimulation du développement local, la reconstruction des zones affectées, la mise en place des infrastructures économiques nécessaires à la croissance (routes, énergie et communication), la gestion du foncier garantissant la protection de la propriété et facilitant l’avancement des grands projets.

2. La refondation économique, qui avec la valorisation des secteurs clés, doit viser la modernisation du secteur agricole dans ses composantes offrant un potentiel exportable comme les fruits et tubercules, l’élevage et la pêche avec comme objectif la sécurité alimentaire, le développement d’un secteur de la construction professionnelle, doté de lois et règlements antisismiques et anticycloniques et des structures d’application et de contrôle, la poursuite des activités de l’industrie manufacturière, l’organisation du développement touristique.

3. La refondation sociale priorisant en tout premier lieu un système éducatif garantissant l’accès à l’école à tous les enfants, offrant une éducation professionnelle et universitaire en adéquation avec l’exigence de modernisation de notre économie, un système de santé assurant une couverture maximum sur tout le territoire, une protection sociale pour les salariés et les plus vulnérables.

4. La refondation institutionnelle qui immédiatement s’attaquera à la remise en fonctionnement des institutions étatiques en priorisant les fonctions les plus essentielles, la redéfinition de notre cadre légal et règlementaire pour mieux l’adapter à nos besoins, la mise en place de la structure qui aura le mandat de gérer la reconstruction, l’établissement d’une culture de transparence et de reddition de comptes qui rende la corruption impraticable sur notre territoire.

Cet idéal à atteindre sur un horizon de vingt ans appelle la mobilisation de tous les efforts, de toutes les ressources pour « réussir le saut qualitatif », thème de la Stratégie Nationale de Croissance et de Réduction de la Pauvreté présentée en novembre 2007. Cette stratégie demeure un point de repère important dans l’énoncé des objectifs à atteindre.

Les grands moments de la reconstruction

Le Plan d’action doit conjuguer l’impératif d’agir maintenant tout en mettant en place les conditions de la croissance structurelle nécessaire dans la durée. Aussi, les « trois grands moments » de la planification des interventions, les échéances sur lesquelles Haïti demande l’appui de la communauté internationale pour réussir cette refondation qui s’avère un devoir historique pour chaque Haïtien et chaque Haïtienne, sont :

• La période d’urgence, qui doit servir à améliorer les conditions d’hébergement des sans-abri, à faire retourner les élèves à l’école et les étudiants à l’Université et aux centres de formation professionnelle, à préparer la prochaine saison cyclonique de l’été, à poursuivre les efforts pour redonner une normalité à la vie économique notamment en créant massivement des emplois par des activités à haute intensité de main d’oeuvre, en garantissant la stabilité du système financier et l’accès au crédit aux micro, petites et moyennes entreprises, à continuer la réorganisation des structures de l’État. Durant cette période, il faudra travailler sur les stratégies et plans de développement des nouveaux pôles choisis, poursuivre les actions en faveur de l’équipement des zones d’accueil des populations déplacées par le séisme, mettre en place le processus électoral pour éviter tout vide constitutionnel.

• La période d’implantation (dix-huit mois) des projets déclencheurs pour cette Haïti de demain et la mise en place du cadre d’incitation et d’encadrement à l’investissement privé sur lequel est fondé le choix de croissance économique fait par Haïti. En effet, comme le prévoient les différentes analyses et évaluations, les investissements privés, dans l’économique comme dans le social, vont constituer la colonne vertébrale de la refondation de notre pays. Parmi les engagements pris avec les donateurs, il a été retenu d’accompagner le développement du secteur privé, tout le secteur privé, pour le doter des capacités nécessaires pour remplir ce rôle.

• La période de concrétisation de la reconstruction et de la refondation d’Haïti sur un horizon de dix ans pour remettre le pays sur la voie du développement et dix ans de plus pour en faire véritablement un pays émergent.

Les actions dans l’immédiat pour l’avenir

Le Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti comporte des actions définies dans le temps, sur un horizon de dix-huit mois.

Il s’appuie par ailleurs sur les quatre grands chantiers devant permettre de concrétiser la refondation d’Haïti. Aussi les actions et initiatives sectorielles sont-elles regroupées selon les thèmes des refondations territoriale, économique, sociale et institutionnelle.

Les plans d’actions spécifiques à chaque domaine sont regroupés de la manière suivante :

Refondation territoriale : reconstruction des zones dévastées et la rénovation urbaine, le réseau routier, les pôles régionaux de développement et la rénovation urbaine, la préparation de la saison cyclonique, l’aménagement du territoire et le développement local.

• Refondation économique : relance de la production nationale, restauration des circuits économiques et financiers, l’accès à l’électricité.

• Refondation sociale : santé – sécurité alimentaire – nutrition – eau – assainissement, activités à haute intensité de main d’oeuvre.

• Refondation institutionnelle : les institutions démocratiques, le redémarrage des administrations, la justice et la sécurité.

Dans les prochains articles, nous présenterons les chantiers avec leur budget.

2. 780 millions pour la refondation territoriale

La refondation territoriale constitue l’un des grands chantiers de la reconstruction proposés dans le Plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti. En attendant les projets, les spécialistes estiment que 780 millions de dollars sont nécessaires pour le financement dudit chantier. Le Nouvelliste vous propose un second article sur le Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti (PNDA).

Haïti: Dans ce domaine, les experts haïtiens et étrangers présentent la reconstruction des zones dévastées comme l’une des actions à entreprendre. « À la suite du séisme dévastateur du 12 janvier 2010 qui a détruit environ 105 000 résidences et endommagé plus de 208 000 autres, de grands travaux urbains devront permettre la reconstruction des trois grandes zones sinistrées, soit : la zone métropolitaine de Port-au-Prince, l’axe Léogâne-Petit-Goâve et le département du Sud-est incluant Jacmel », estiment les experts.

Les concepteurs du PNDA identifient plusieurs obstacles à surmonter avant de lancer le processus de reconstruction des zones dévastés par le séisme. Il s’agit du dégagement et du traitement des débris; des aspects légaux pour déclarer les terres d’utilité publique incluant le dédommagement des propriétaires privés; de la planification de l’utilisation des sols et le plan d’urbanisme; de la mise en place des infrastructures de base comme l’évacuation des eaux pluviales; de la réalisation des travaux d’assainissement, d’eau potable, du réseau électrique, enfin des travaux de reconstruction proprement dits soumis aux normes de construction adéquates (normes antisismiques, risques d’inondations etc.).

Dans le domaine du dégagement et du traitement des débris, les experts disent constater que les travaux sont déjà amorcés sans qu’il y ait un plan d’ensemble. « C’est dire qu’il est de première urgence de procéder à l’identification des sites de dépôt, du traitement des débris pour récupérer les parties utilisables et les recycler pour un usage immédiat », ont-ils écrit.

En ce qui concerne la reconstruction des zones fortement dévastées, les experts rappellent qu’un premier arrêté d’utilité publique a été pris le 19 mars 2010 déclarant certains périmètres d’utilité publique pour répondre à la nécessité d’un nouvel aménagement du territoire suite au séisme. Cet arrêté porte sur la région métropolitaine de Port-au-Prince, de Croix-des-Bouquets et la commune de Léogâne.

Dans le domaine de la reconstruction des édifices publics, les experts se sont contentés d’indiquer: «Le cycle de reconstruction des édifices publics est bien connu et, dans ce cas, les normes de construction et les règlements de zonage devraient être assez simples à appliquer». Pour la reconstruction du domaine privé, ils estiment nécessaire un niveau de surveillance sans commune mesure avec la situation préexistante.

Données budgétaires pour 18 mois :

Gestion des débris : 265 millions, dont 50 en soutien budgétaire
Appropriation des terres : 500 millions en cash flow*
Utilisation des sols, plan d’urbanisme : 5 millions
Infrastructures de base : 500 millions dont 100 en soutien budgétaire
Reconstruction édifices publics : 10 millions
Total 780 millions dont 150 en soutien budgétaire
*non comptabilisé dans le total pour cause de recouvrement des coûts

Construire un réseau de transport national

L’Etat haïtien, à travers le Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti, se propose de créer un réseau de transport national qui va réunir toutes les parties du territoire national. Il (le réseau routier) constitue, d’après les experts ayant accouché le plan, le programme moteur permettant de réunir toutes les zones de développement du pays, soit tous les chefs-lieux d’arrondissement, et d’assurer les échanges avec la République dominicaine.

« La mise en place du réseau de transport national rend possible un réseau de routes secondaires à partir du réseau principal facilitant l’accès à toutes les zones du pays, précise le document. C’est par là que les intrants à la production arrivent, que les produits finis circulent, que les touristes ont accès au potentiel culturel et géographique, que les malades ont accès aux réseaux de services de santé et que les étudiants ont accès aux réseaux d’éducation. » C’est aussi une condition essentielle, d’après les experts, pour une véritable décentralisation et déconcentration incluant celle de l’État.

D’après l’estimation des experts haïtiens et étrangers, pour compléter le maillage routier, il faut construire 600 kilomètres de routes et les ouvrages d’art nécessaires au désenclavement de régions entières.

Données budgétaires pour 18 mois :
Routes à construire : 30 M$ en 18 mois et engagement ferme sur 600 M$
Réparation et entretien : 150 M$ dont 50 M$ en soutien budgétaire
Total 180 M$ dont 50 M$ en soutien budgétaire

Ouvrir le pays sur le monde : les aéroports

Haïti ne peut compter jusqu’à maintenant que sur un seul aéroport international, celui de Port-au-Prince qui a d’ailleurs été fortement endommagé par le tremblement de terre. Les jours qui ont suivi le séisme ont démontré que cette dépendance à un seul aéroport international rendait le pays vulnérable et handicapait lourdement sa capacité de faire face aux besoins d’approvisionnement par voie aérienne. Fort de ce triste constat, le gouvernement haïtien, à travers le plan soumis à la communauté internationale le 31 mai 2010, prévoit de réhabiliter et d’accroître la capacité d’accueil de l’aéroport de Port-au-Prince et doter le pays de deux autres aéroports internationaux situés à proximité des villes du Cap Haïtien et des Cayes. Ainsi les trois aéroports du pays seront en mesure de répondre aux besoins du développement économique et du tourisme.

Par ailleurs, les experts haïtiens et étrangers estiment que les installations du port de la capitale ne répondaient pas aux besoins réels des activités économiques du pays même avant le 12 janvier. Sa localisation pose aussi problème puisqu’il est situé au centre de Port-au-Prince, où il bloque en partie depuis longtemps l’ouverture de la ville à la baie de Port-au-Prince et la réaffectation de la zone à des fins institutionnelles, commerciales et récréatives plus appropriées à un centre-ville d’une capitale moderne à construire.

« De plus, son emplacement ne permet pas son agrandissement nécessaire à l’expansion des trafics, ni l’amarrage de bateaux à fort tonnage. Il devrait donc être reconstruit dans un endroit plus approprié à ses fonctions », lit-on dans le PDNA. Pour palier ce problème, les experts proposent la construction de deux autres ports en eau profonde. « Cela permettra de faciliter les importations et les exportations et favoriser l’émergence d’activités industrielles et commerciales dans les autres régions du pays. D’autres ports de moindre envergure complèteront les équipements nationaux », ont-ils soutenu.

Le financement de ces infrastructures, d’après les explications fournies dans le PDNA, devrait se faire par des partenariats publics-privés de type B.O.T. (Build, Operate and Transfer).

Données budgétaires pour 18 mois :
Réparation aéroport PaP : 70 M$ B.O.T.
Nouveaux aéroports : 35 M$ B.O.T.
Ports : 14 M$
Total 114 M$*
*non comptabilisé car doit être l’objet de partenariats publics-privés

Jean Pharès Jérôme

3. Les piliers de la refondation économique

« Relance du secteur agricole, création de fonds de garantie, rendre accessible le crédit », figurent au nombre des mesures prônées dans le Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti en vue de sortir le pays du marasme économique. Nous vous proposons un 3e article sur le PDNA.

Haïti: «Doter Haïti d’un cadre légal et réglementaire conforme aux exigences d’un pays moderne ouvert aux investissements». Voilà, d’après l’équipe d’experts qui a préparé le PDNA, l’une des conditions sine qua non à la refondation de l’économie haïtienne. Les lois à elles seules ne peuvent pas permettre à Haïti de sortir du marasme économique lequel elle se trouve même avant le séisme du 12 janvier 2010. Les experts le savent pertinemment. Ils mettent en avant le partenariat public-privé et la construction d’infrastructures de services capables de stimuler ces investissements ainsi que l’accès au crédit comme autres éléments de la refondation économique d’Haïti.

L’agriculture, selon les experts, constitue un des piliers de la stabilité du pays. Elle représente même un axe incontournable de son développement. « Les enjeux de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de l’agroalimentaire pèsent lourdement sur la situation socioéconomique et sur l’avenir du pays. Aujourd’hui, l’agriculture demeure le plus important secteur pourvoyeur d’emplois d’Haïti : elle occupe plus de 50 % de la main-d’oeuvre », écrivent les experts dans le Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti.

Après avoir énuméré certains obstacles au développement de l’agriculture, le PDNA propose la mise en oeuvre de cinq programmes qui doivent aider Haïti à sortir de la dépendance alimentaire :

• un premier programme financera l’achat et la distribution d’engrais, de semences, d’instruments aratoires, de tracteurs pour les agriculteurs et d’outils et de matériels de pêche pour les pêcheurs à des prix accessibles de façon à accroître la productivité;

• un deuxième programme financera la construction de lacs collinaires et de réseaux d’irrigation permettant la maîtrise de l’eau, composante également déterminante dans l’accroissement de la productivité des exploitations agricoles;

• un troisième programme financera la réalisation de routes rurales désenclavant les zones d’exploitations agricoles et permettant éventuellement de réduire le nombre de spéculateurs également au bénéfice des pêcheurs et de la population en général;

• un quatrième programme financera la recapitalisation des exploitations agricoles en donnant aux producteurs accès au crédit à des conditions et des taux acceptables; il financera également le développement de très petites, petites et moyennes entreprises de façon à accroître la valeur ajoutée sur la production, à limiter les pertes en transformant des produits qui ne peuvent être vendus à l’état frais et à accroître les revenus des exploitants.

• un cinquième programme financera l’amélioration des conditions d’abattage et de conservation des produits animaliers, d’élevage ou de pêche, garants de la qualité des produits et accroissant la rentabilité de leur exploitation.

Données budgétaires pour 18 mois :
Soutien à la production et distribution d’intrants agricoles
(engrais, semences, outils) : 80 M$ dont 40 M$ en soutien budgétaire
Bassins versants : 130 M$
Irrigation : 15 M$
Autres soutiens : 35 M$
Total 260 M$ dont 40 M$ en soutien budgétaire

Rendre le crédit accessible

Le bon fonctionnement des circuits économiques et financiers, selon l’avis des experts exprimés dans le PDNA, est crucial pour le financement de la reconstruction et la relance de la croissance, seule garante de l’emploi à moyen et long terme. « Le système en place avant le séisme a été durement affecté. Ses capacités, même restaurées, ne seront sans doute pas suffisantes pour répondre aux besoins de crédit en capital de risque, pour la reconstruction domiciliaire et le fonctionnement de la micro-finance », notent-ils.

L’augmentation nécessaire des investissements directs étrangers aura aussi besoin d’un système financier capable de répondre aux besoins des investisseurs et d’assurer la fluidité des fonds et les services bancaires et d’assurance pertinents.

Fonds de garantie

Selon un document conjoint du Ministère de l’Économie et des Finances et de la Banque de la République d’Haïti, l’une des conséquences du séisme du 12 janvier dernier est « la décapitalisation brutale des clients emprunteurs de Port-au-Prince et des autres villes sinistrées ».

Cela devrait donc accroître la demande de crédit de la part des clients emprunteurs existant pour se recapitaliser. On doit aussi prendre en compte les besoins des petites, moyennes et grandes entreprises qui obtiendront les marchés publics et privés de travaux. Pour répondre à ces besoins et ainsi assurer une capacité d’exécution à la hauteur des besoins, il faut que l’intermédiation financière fonctionne au mieux.

Selon le document déjà cité, les réserves de liquidités des banques sont suffisantes puisque celles-ci pratiquent un ratio prêts / dépôts de 36 % contre une moyenne de 56 % dans la région. L’explication d’un aussi faible recyclage de l’épargne en crédit tient à l’absence de demande solvable de crédit et à la faible disponibilité de capital de risque.

Pour améliorer cette performance tout en assurant la stabilité du système bancaire, les spécialistes plaident en faveur de la création de fonds de garantie. « Il importe cependant de s’assurer que ces garanties seront offertes pour des investissements productifs et non pour sécuriser ou effacer les créances douteuses dues au séisme ou autres aléas de l’économie », font-ils remarquer.

Le crédit à la reconstruction

« La reconstruction du parc de logements privés va aussi nécessiter des facilités de crédit à des taux acceptables, abordables par ceux qui voudront reconstruire leurs maisons », constitue l’une des recommandations figurant dans le DPNA. De telles facilités, jugent les experts, sont embryonnaires à l’heure actuelle mais on peut prévoir une explosion de la demande dès que la classe moyenne qui a été durement décapitalisée va se reloger.

« Il est probable qu’il reviendra au système bancaire de fournir une large part des facilités de crédit nécessaires. Là encore, compte tenu du niveau de risque et des taux, une intervention de l’État et des bailleurs de fonds sera nécessaire sous forme de fonds de garantie et autres pour satisfaire à la demande », soulignent-ils.

Les modalités, précisent les auteurs du plan de relèvement et de développement d’Haïti, restent à définir entre les interlocuteurs nationaux et internationaux, mais des solutions devront être trouvées et mises en place dans les meilleurs délais pour limiter les effets néfastes d’une crise majeure de l’habitat dans les zones dévastées.

Plusieurs formules peuvent être envisagées selon le statut du propriétaire des terrains et des constructions, parmi lesquelles la mise en place par le système bancaire haïtien de prêts à taux zéro garantis par l’État et rémunérés selon un taux conventionnel négocié entre l’État et les banques. Il s’agirait d’un système de place ouvert à l’ensemble des banques inscrites en Haïti auprès desquelles chaque emprunteur aurait la possibilité de présenter son dossier à la banque de son choix.

L’octroi de ces prêts serait subordonné à l’application des normes minimales de reconstruction et leur montant calculé en fonction du revenu des emprunteurs. Ce dispositif, postule le document, nécessiterait des financements pour la couverture de la bonification des taux d’intérêt et la constitution de fonds de garantie. Cette proposition consoliderait la reconstitution proposée par ailleurs d’un dispositif d’identification des biens fonciers (cadastre et registre foncier). Elle permettrait de créer dans la durée une demande pour les entreprises et artisans du secteur du bâtiment avec un fort impact en termes de création d’emplois.

La micro-finance

Les institutions de micro-finance (IMF) ont été durement touchées. Selon les explications fournies par les experts, la capacité de ces institutions à répondre aux besoins des 200 000 familles et micro-entrepreneurs qui dépendent d’elles pour leurs besoins de financement est aussi gravement atteinte. Pourtant, ajoutent-ils, la création et le maintien d’emplois pour un large secteur de la population dépendent du dynamisme de ces institutions.

Pour redynamiser le secteur de micro-finance, le document conjoint du Ministère de l’Économie et des Finances et de la Banque de la République d’Haïti cité dans le PDNA propose les solutions suivantes :

1) Octroi de dons humanitaires aux micro-entrepreneurs qu’on arrivera à retracer, en vue notamment de leur permettre : (i) de faire face à leurs besoins de consommation immédiats ; et (ii) de reconstituer leurs actifs fixes et circulants, en complément des microcrédits qu’ils devraient recevoir des IMF. La distribution de tels dons devrait logiquement s’appuyer sur les IMF elles-mêmes, de façon à bénéficier de leur connaissance des bénéficiaires et de leur capacité à les atteindre à travers leur réseau.

2) Établissement de fonds de garantie partiels destinés à relancer le microcrédit aux clients des zones touchées par le séisme et répondant aux spécificités propres à la micro-finance, fonds répondant toutefois à la même logique que celle des fonds à développer pour le système bancaire. Ces fonds de garantie viseraient aussi bien les crédits futurs que le refinancement de crédits existant avant le séisme.

3 Établissement de mécanismes de recapitalisation des IMF, prévoyant notamment le rachat de portefeuilles de créances en souffrance par un fonds ou une entité financière dédiée à cette fin. Pour Haïti, il serait toutefois indiqué d’envisager que le recouvrement des créances rachetées des IMF soit confié à ces mêmes entités sur base de commissions liées aux sommes effectivement recouvrées, de façon à bénéficier au mieux de leur expérience dans le domaine.

4 Établissement de fonds de garantie ou autres formes d’assurance couvrant les risques futurs liés à l’avènement de catastrophes naturelles ou autres chocs externes à l’activité des IMF.

L’investissement privé

Les investissements directs étrangers et nationaux seront déterminants pour assurer la relance de l’économie haïtienne. L’État, lit-on dans le document soumis à la Conférence des bailleurs sur Haïti le 31 mars dernier, s’engage à favoriser ces investissements par la révision du cadre légal et financier régissant les investissements dans les secteurs de la production, de la transformation, de la distribution et des services. « Une politique d’incitation adéquate sera aussi élaborée pour favoriser notamment l’implantation d’industries manufacturières, de zones franches, de parcs industriels et de zones de développement touristique », promettent les autorités haïtiennes dans le document.

Un ensemble de mesures incitatives seront mises en place pour l’instruction diligente des dossiers et la facilitation des investissements. Le Ministère du Commerce et de l’Industrie et le Centre de Facilitation des Investissements, selon les experts, sont à pied d’oeuvre pour avancer dans ces domaines.

Le Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti préconise notamment le développement de pôles régionaux et la mise en place d’infrastructures de transport, énergétiques et industrielles ainsi que de services marchands. Pour la mise en place de tels équipements et infrastructures (ports ; aéroports ; centrales de production d’énergie électrique ; parcs industriels ; systèmes d’alimentation en eau potable ; etc.), la stratégie nationale consistera entre autres à faire appel aux investissements privés étrangers et nationaux et, lorsque requis, à la mise en place de partenariats public-privé (PPP) selon des modalités inspirées de l’approche dite BOT (Build, Operate and Transfert).

Indications budgétaires pour 18 mois :

Subvention au taux hypothécaire et micro finance : 50 M$
Fonds de garantie : 350 M$
Total 400 M$*
*non comptabilisé car objet de partenariats spécifiques avec des institutions financières privées

Jean Pharès Jérôme

Publiés dans le Nouvelliste les 4, 10 et 11 juin 2010.

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=&ArticleID=80194

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=&ArticleID=80229

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=80344

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