Michel Martelly, chanteur et novice en politique, finaliste de l’élection en Haïti

LEMONDE | 09.02.11 | 14h04  •  Mis à jour le 09.02.11 | 14h05

Pour René Préval, le président haïtien en fin de mandat, Michel Martelly est un Mussolini en herbe, un populiste de droite entouré de bandits. Pour ses supporteurs, nombreux parmi les jeunes, c’est l’espoir d’un changement, frustré depuis vingt-cinq ans. Le curriculum vitae de ce fils de famille aisée, qui aura 50 ans le 12 février, est succinct. Avant de se lancer dans la musique, il a fait de très brèves études aux Etats-Unis “en construction et initiation à la communication”, sans autre précision.

Avant le premier tour de l’élection présidentielle, le 28 novembre, la candidature du chanteur de compas, un rythme populaire en Haïti, semblait devoir rester folklorique. Clown pour les uns, outsider pour les autres, Michel Martelly, alias “Tet kalé” (“boule à zéro” en créole) avait occupé l’espace laissé libre par Wyclef Jean, la star haïtiano-américaine du hip-hop, dont la candidature avait été rejetée par le Conseil électoral provisoire (CEP).

Egalement surnommé “Sweet Micky”, il était l’un des chanteurs les plus populaires d’Haïti. Provocateur, il n’hésitait pas à montrer ses fesses à la fin des concerts ou à monter sur scène vêtu d’une jupe. “C’était déjà un boute-en-train en classe, où il n’étudiait pas beaucoup”, se souvient le géographe Jean-Marie Théodat, son ancien condisciple au collège Saint-Louis- de-Gonzague, à Port-au-Prince.

Les derniers sondages avant le premier tour le plaçaient en troisième position, derrière la juriste Mirlande Manigat et le poulain du président Préval, Jude Célestin. Les résultats provisoires annoncés début décembre 2010 confirmaient ce classement, excluant le chanteur du deuxième tour. Ils ont été accueillis par trois journées d’émeutes provoquées par les partisans de “Sweet Micky”.

Les fortes pressions des principaux bailleurs de fonds, à commencer par les Etats-Unis, auraient poussé, selon certains analystes, le CEP à inverser les deuxième et troisième places au profit de M. Martelly, le 3 février. Ces résultats définitifs présentés sans aucun chiffre ni pourcentage sont contestés par plusieurs candidats, et la moitié des huit membres du CEP ont refusé de les cautionner.

“Sweet Micky” s’est révélé fin manoeuvrier, menaçant de faire redescendre ses troupes dans la rue pour maintenir la pression. Après avoir demandé l’annulation du scrutin le jour de l’élection, puis l’organisation d’un deuxième tour avec tous les candidats, il a brandi les recommandations d’experts étrangers favorisant sa candidature. Il s’est habilement présenté comme le favori de la communauté internationale, qui a promis 10 milliards de dollars pour reconstruire le pays dévasté par le séisme du 12 janvier 2010. Aux tenues et poses sexy ont succédé costumes sombres bien coupés et mouvements de menton imitant le président des Etats-Unis, Barack Obama.

“Je suis clean”

“Martelly écoute ce qu’on lui dit. Je lui ai parlé d’un exemple de développement au Rwanda, deux heures plus tard, il le reprenait à la radio”, raconte un diplomate. Il suit à la lettre les conseils de son directeur de campagne, l’Espagnol Antonio Sola, dont les services sont rémunérés par un riche supporteur résidant en Floride. Liée au Parti populaire espagnol (PP, droite), son agence de communication, Ostos & Sola, a conseillé plusieurs candidats conservateurs en Amérique latine et la campagne du candidat républicain John McCain aux Etats-Unis en 2008.

“C’est vrai, Michel était “de facto” (proputschiste) et moi “lavalas” (favorable à l’ex-président Aristide). On a passé vingt ans sans se parler”, confirme Richard Morse, le patron de l’Hôtel Oloffson, musicien comme son cousin Michel Martelly. “Aujourd’hui, c’est le meilleur choix pour obtenir des résultats en faveur des pauvres”, assure-t-il. Ses adversaires évoquent ses liens avec la dictature duvaliériste ou les escadrons de la mort du régime putschiste et affirment que des narcotrafiquants appuient sa candidature.

Le chanteur balaie ces accusations : “Je suis clean, ça ne m’intéresse pas de parler de ces histoires, ce qui m’intéresse c’est l’avenir de mon pays.” Il reste d’une grande discrétion sur son entourage et ses appuis financiers. “Au début, le secteur des affaires ne croyait pas en ma victoire. Maintenant qu’ils ont compris que le peuple est avec moi, ils font des approches. Je suis sûr que l’argent va arriver”, confie-t-il.

Jean-Michel Caroit

Article paru dans l’édition du 10.02.11

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2 thoughts on “Michel Martelly, chanteur et novice en politique, finaliste de l’élection en Haïti

  1. Quelle histoire!
    Quelle abberration!
    Quelle tristesse!

    Haiti verra le fond du labyrinthe.
    Haiti restera a pivoter dans le bassin de la mediocrite.
    Haiti passera 5 annees de plus sur sa route de sa glissade aux enfers.

    Entre 2 maux, il faudrait choisir le moindre.
    Malgre tout, Haiti devra choisir le camp de RDNP.Meme si Manigat est le Fondateur du Macoutisme, mais, dans la conjincture actuelle, Haiti devra penser a elire sa femme comme presidente.Parce que,Martelly represente la negativite sociale et Mirlande represente la sociabilite intellectuelle, tant sous le plan national que sur le plan international.

    Cette defaite ne representera pas la faillite de la politique haitienne a proprement parler. Mais plutot la defaillance de la capacite dejugement et d’action du monde international au grand complet.

    Je pense que, sans etre partisan d’aucun camp que, la meilleure approche pour resoudre cette crise aurait ete l’annulation des elections du 28 Novembre 2010, malgre que d’aucuns s’accrochent a l’aspect monetaire de la crise et dira que la reprise de tout le processus coutera trop d’argent, alors que le pays est en declin economique, de la meme maniere qu’ils abordaient la question du maintien des forces armees d’haiti pour cause de manque d’argent, alors qu’en realite, ils depensent des centaines de millions de dollars americains pour maintenir une force armee etrangere dans le pays qui absorbe plus d’argent necessaire pour le developpement du pays en general chaque annee.

    Dans les deux camps, on a des crimenels connus.Mais, je pense qu’il est plus fiable de penser que Mirlande serait plus apte a redresser la derive si l’on se refere aux 4 mois de l’administration de Lesly en tant que president d’Haiti.

    La fossee est trop grande , peuple haitien, entre Mirlande et Michel.Haiti ne merite pas cette puniton.

    En tout cas, on a encore du temps pour bloquer cette defaiilance en proclamant nulles les sresultats de cette mascarade electorale avillisaante pour l’international toutes especes confondues.

    Si on veut sauver la face,il faut penser a reunir toute la nation autour d’un projet de reconcilliation nationale veritable.Sinon, la communaute internationale n’aura plus la chance de participer a aucune resolution de conflits a travers le monde entier, comme cela se dessine actuelle dans diverses parties du monde. C’est toute la credibilite de la communaute internationale qui est entrain d’etre evaluee.Ce n’est pas une question de colons face aux esclaves. Pas du tout.

    Toutefois, je vous previens que si la communaute internationale persiste dans la voie de l’erreur absolue qu’elle affiche dans le dossier des elections haitiennes,la structure meme de toute l’organisation des nations unies sera en peril pour de bon dans un avenir pas trop lointain.

    Pensez-y.

  2. Here we go again. Another voice from those who refuse to accept the will of a people. How disrespectful! Let’s give them our support for a change and let us all put our heads together and contribute what we can. The Haitian people can and will choose their fate. Why can’t we see that this is the problem. Why is it so difficult for intelligent individuals to realize that a people should and must have its own voice. We had our opportunities to act on their behalf and decade after decade failed to deliver anything, not even hope. There was an election and the results were confirmed. That is progress folks. It is called democracy and it is the only hope for our beloved Haiti and its beautiful people. In the end it will all work out, if we only are willing to try to free our minds of this colonial mindset that our people doesn’t possess the capacities to think for itself and chose it’s own destiny. Let’s work as hard to gain their trust and approval so that we too can one day be elected. Let stop blaming the people for this crazy choice that they made or Micky for wanting to do his part.

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