Martelly publie l’amendement avec l’accord des pouvoirs législatif et judiciaire

Le Nouvelliste | Publié le : mardi 19 juin 2012

Roberson Alphonse ralphonse@lenouvelliste.com
Michel Joseph Martelly a attendu 12 mois et 16 jours avant d’annuler l’arrêté présidentiel du 3 juin 2011 publié dans le # 72 du journal officiel, Le Moniteur, rapportant pour « cause d’erreurs matérielles » la loi constitutionnelle amendée, votée en Assemblée nationale le 9 mai 2011. Concédant avoir été quelque peu empêtré dans ce dossier dont la conduite a suscité une vive controverse, Michel Joseph Martelly a finalement reconduit les amendements de la Constitution de 1987.
Pas sans l’appui de l’Assemblée nationale ayant garanti l’authenticité du texte après des travaux de reconstitution impliquant des parlementaires, des représentants de la présidence et de la société civile. Pas sans l’avis de non-objection de la Cour de cassation. « Les trois pouvoirs se sont mis d’accord pour reproduire le texte de la constitution amendée », a insisté le chef de l’Etat, au palais national, en présence du Premier ministre Laurent S. Lamothe, de quelques-uns de ses ministres et d’ambassadeurs accrédités en Haïti, mardi 19 juin 2012.
Selon Martelly, le sens de “l’abnégation”, du “sacrifice”et de “l’esprit patriotique” est indispensable à ce tournant pour instaurer un Etat moderne en Haïti. Tout de go dans l’addition des avantages de quelque 128 articles amendés, il s’est réjoui de la consécration d’un Conseil électoral permanent. « On était fatigué des Conseils électoraux provisoires impliqués dans la corruption », a martelé Martelly, qui souligne dans la même veine avoir nommé la veille une femme à la place de Pierre Louis Opont, ex-directeur du CEP. C’est dans la vague des 30 % que s’inscrit cette nomination, cette discrimination positive déjà en vigueur au gouvernement comptant beaucoup de femmes, a-t-il indiqué, heureux aussi de la mise sur pied du conseil constitutionnel et de l’accès à la double nationalité pour les Haïtiens de la diaspora.
La version créole gommée lors de la parade des chefs
Comme Levaillant Louis-Jeune, président de la Chambres des députés, Desras Simon Dieuseul, président du Sénat, Martelly a salué la bonne entente entre tous les pouvoirs de l’Etat et fait le voeu qu’elle perdure. Cependant, aucun de ces hommes d’Etat n’ont fait état de la version créole de la Constitution de 1987, non amendée en 2011. Si l’existence de la version créole a été gommée lors de la parade des chefs devant les caméras de télévision, une légère contradiction a été relevée dans les propos du président de la Cour de cassation.
Amendement forclos *, mais pas d’objection de la Cour de cassation pour sa publication
Me Anel Alexis, président de la Cour de cassation, a souligné que l’amendement est forclos puisque l’exécutif n’a pas respecté le délai de la huitaine pour faire objection. Cependant, la Cour de cassation n’a pas d’objection à la publication de l’amendement, selon Me Alexis.Quelque peu politique, le premier des juges de la République a prôné la « concorde pour que les choses changent », occultant ce détail technique très important, argument en béton de ceux qui sont favorables au respect des procédures d’amendement, stricts quant au respect du temps constitutionnel imparti à cet exercice. « La Constitution a été faite pour l’homme et non l’homme pour la Constitution », a renchéri Me Anel Alexis, ajoutant qu’il faut « prioriser les intérêts de l’homme ».
Grande confusion, légalisation d’une forfaiture
Mirlande H. Manigat, constitutionaliste, ex-candidat à la présidence ayant déjà souligné à maintes reprises que ces amendements étaient forclos, a confié que la version créole de la Constitution publiée dans le journal officiel, Le Moniteur, le 28 avril 1987, existe. « Les deux textes ont la même valeur juridique », a indiqué Mirlande H. Manigat, qui n’est pas contre les amendements mais plutôt le non-respect des procédures d’amendement. Me Bernard H. Gousse a indiqué que le pays est dans la confusion entre deux textes. La publication du texte amendé est la légalisation d’une forfaiture susceptible de nuire à la stabilité du pays, a analysé le juriste, acide envers la communauté internationale ayant, selon ce qui est dit, forcé la main au président de la République. « La défaite du droit est provisoire », a rappelé Me Gousse.
Le professeur Fritz Dorvilier est favorable à la publication de l’amendement. « C’est une réédition pour cause d’errata, a-t-il dit, rappelant que ce sont des représentants du peuple qui ont voté ces amendements ». « Malgré les erreurs, si le Parlement qui a voté un acte dit que l’acte est valable il est valable », a-t-il ajouté, soulignant aussi que tous les pouvoirs sont coresponsables du bon fonctionnement de l’Etat.
A ceux qui disent que la version créole de la Constitution est encore en vigueur, Fritz Dorvilier indique que cette version est une simple interprétation. La version créole a répondu à une disposition folklorique du moment d’euphorie de l’élaboration de la Constitution de 1987 et traduit également le néonationalisme du moment, selon l’universitaire.
La saga de l’amendement de la Constitution de 1987 a duré plus de trois ans. Véritable patate chaude refourguée à Michel Joseph Martelly, l’amendement de la Constitution a suscité des débats enflammés qui risquent de se poursuivre. Hésitant, Michel Joseph Martelly s’est finalement jeté à l’eau. Pas seul.Pas sans bouées de sauvetage face au mauvais temps annoncé par ceux qui avaient reclamé la fin de ce processus entaché pour le reprendre à la fin de la 49e législature…
Roberson Alphonse ralphonse@lenouvelliste.com
Share:

Author: `