Martelly a ouvert la boîte de Pandore

Le Nouvelliste | Publié le : mercredi 13 juin 2012
Roberson Alphonse ralphonse@lenouvelliste.com
A Lascahobas, il y a quelques mois, le président Michel Joseph Martelly affichait un large sourire en annonçant à des habitants de cette ville du Bas-Plateau central le rétablissement du courant électrique après des mois si ce n’est des années de black-out. Les manifestations violentes, l’obstruction de routes, la séquestration de parlementaires …ont donné des “résultats”. Sans le savoir, le président de la République, en corrigeant une anomalie, a ouvert la boîte de Pandore.
Car les Lascahobassiens ont fait école, imprimé ou reconfirmé une façon de traiter avec l’Etat haïtien, un Etat pompier, laxiste, sans plans, qui bouge sous pression, quand on lui met le feu à l’arrière-train. Des habitants de Fonds-des-Nègres, pour les mêmes raisons, ont emboîté le pas, bloqué la route nationale numéro 2 et obtenu plus de 10 millions de gourdes. Peu chanceux, des résidents de Source-Matelas (9e section communale de Cabaret) qui réclament plus de courant (puissance) de la cimenterie nationale (CINA) sont tombés sur un os: la Compagnie d’intervention et de maintien de l’ordre (CIMO). Depuis au moins deux jours, des heurts sont signalés entre les policiers anti-émeutes et des membres de la population. Au moins trois personnes ont été blessées par balle, des maisonnettes sont parties en fumée . Mercredi, 13 juin, en milieu de journée, la route nationale numéro 1 était encore bloquée. « Anwo pa monte anba pa desan n ». Le simple citoyen, le touriste en fin de vacances sur la Côte-des- Arcadins ont rongé leur frein d’impatience. Dépités de constater qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, malgré les discours officiels prétendant le contraire. Si les penchants anarchistes de certains de nos compatriotes ne sont pas nés avec la montée de Martelly au pouvoir le 14 mai 2011, il est cependant évident que le chef de l’Etat a été maladroit en cédant à la pression des rues pour réaliser des travaux publics en dehors d’un cadre programmatique et budgétaire.

Sans faire l’addition des ressources disponibles pour les besoins exponentiels d’Haïti où tout est prioritaire, Martelly a quelque peu aidé à dévoiler les faiblesses de l’Etat, incapable de garantir à un touriste qu’il ne manquera pas son avion à cause d’une manifestation ; à un industriel que sa cargaison arrivera dans les délais à destination. Ces incidents ne devraient pas être banalisés dans le pays où l’on crie sur les toits être ouvert aux affaires. Souvent, c’est sur des détails que l’on est jugé. Est-ce que Martelly saura refermer cette boîte de Pandore ? Comprendra-t-il qu’il doit faire preuve de pondération, peser et sous-peser chacune de ses actions, ses coups, comme un joueur d’échecs ? Bon musicien, il faut espérer qu’il devienne aussi bon qu’un Gary Casparov, un as du jeu qui savait prendre le temps qu’il faut, sans « mache prese », pour mettre ses adversaires en échec; bref, gagner; bien gagner…

Roberson Alphonse ralphonse@lenouvelliste.com
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