Lettre ouverte de Pascale Théard à la rédaction de Magazine du Monde

La Nouvelliste:
Haïti: Attn : Madame Marie-Pierre LANNELONGUE
Rédactrice en chef de M, le magazine du Monde.

Port au Prince, le 9 janvier 2012

Madame,

C’est avec la plus forte stupéfaction que j’ai découvert sur le site web du Monde un article intitulé « Les nantis d’Haïti », dans lequel mon nom était cité avec commentaires. C’est à la lecture que j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un reportage fait par Arnaud Robert et Paolo Woods que j’avais reçus dans le cadre d’un article qu’ils préparaient pour montrer une image d’Haïti différente de ce que l’on présente habituellement avec des gens dynamiques oeuvrant pour leur pays.

Sans entrer dans le sujet de l’article lui-même, je tiens à vous préciser que vous m’avez causé à travers la publication de cet article deux graves préjudices.

Premier préjudice : Pendant plusieurs heures le vendredi 6 janvier, l’article a été publié sur le site web de façon tronquée, juste au milieu du paragraphe me concernant, faussant totalement l’image qui devait ressortir de mon interview. Et c’est justement cette version tronquée qui a été reproduite et diffusée par la presse haïtienne. Cette omission est grave car elle transmet une image complètement opposée à ma personne à mes convictions.

Second préjudice : le titre complètement négatif « Les nantis d’Haïti », ainsi que l’accroche qui l’accompagne « Parce qu’ils ont soutenu les dictateurs, parce qu’ils ont peu investi dans l’économie locale, […], les riches Haïtiens ont mauvaise réputation.[…] » sont en contradiction totale avec l’approche que les journalistes m’avaient annoncée. En fait j’ai appris que ces changements ont été imposés par la rédaction, sans doute pour rendre le tout plus vendeur, plus accrocheur, avec le même éternel cliché. Comment osez-vous associer mon nom à cette description hâtive? Vous faites vraiment peu de cas de la réputation des gens, de ce qu’ils font pour leur pays. Je suis outrée de ces clichés faciles, trop souvent diffusés par une presse internationale en quête de sensationnel ne prenant pas le temps de comprendre la situation complexe de ce pays et des honnêtes citoyens haïtiens.

Enfin je tenais à vous dire que le préjudice le plus important est encore celui fait à mon pays. Alors que le pays a besoin de se reconstruire et que le but est justement de se mettre tous ensemble pour le faire, que cette dynamique est une urgence, votre responsabilité en tant que grand journal du Monde, serait de la soutenir et non de balayer ces efforts en quelques mots.

Faisant valoir mon droit de réponse, je vous prie de bien vouloir publier cette lettre dans les meilleurs délais, afin de réparer un tant soit peu les torts que la rédaction du magazine du Monde a causés par la légèreté coupable avec laquelle elle a traité cet article.

Sincèrement,

Pascale THEARD

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