Les heures de Préval sont-elles comptées?

Max Dorismond mx20005@yahoo.ca

Au cours de l’année 2003, une réunion extraordinaire était tenue à Ottawa, la capitale du Canada. Étaient sur place, les représentants de la diplomatie américaine, de la France et du pays hôte. Le jour suivant, sous la plume du chevronné journaliste, Michel Vastel, le seul qui avait couvert cette secrète rencontre, un article dévastateur sur Aristide était publié dans le journal Le Devoir, l’un des plus sérieux quotidiens québécois. Surpris et étonné du geste de cet influent éditorialiste, j’avais dévoré le texte le temps de le dire. Vastel était en mission commandée. A travers ses lignes, j’avais fini par conclure que les jours du prêtre-président étaient comptés. En effet, février 2004….nous connaissons la fin de l’histoire.

Le même scénario a été répété hier, mardi 13 décembre. Les Ministres des affaires étrangères du Canada, Lawrence Cannon, des USA, Hilary Clinton et du Mexique, Patricia Espinoza, malgré le dur hiver canadien, étaient en réunion plénière à Wakefield, un petit bled perdu dans la campagne québécoise. Il était encore question d’Haïti. Dans la soirée du même jour, un débat d’urgence sur la situation de l’île, s’était tenu au Parlement canadien sous les exigences d’un député de l’opposition, Denis Coderre, très proche des Haïtiens. Le débat a pris fin aux petites heures du jour.

En des termes très durs, les députés n’ont pas raté l’occasion de chiffonner le gouvernement haïtien pour son irresponsabilité suite aux fraudes révélées lors du premier tour des élections du 28 novembre et les conséquences qui s’en suivirent.

Ce que Préval ignore ou feint d’ignorer, le décor a changé. Les mandataires internationaux semblent changés leur fusil d’épaule. Dans le contexte post-séisme, rien n’obligeait ces derniers à exiger des élections hâtives. Mais l’urgence de l’heure la commandait, car, personne ne voudrait s’embarquer dans la reconstruction avec une telle équipe aux intentions nébuleuses, aux mœurs pas trop catholiques et aux compétences aléatoires. Or, même si dans Wikileaks, nous remarquons que Préval demeura l’homme de confiance des diplomates américains, le soulèvement de la population face aux fraudes électorales a jeté un pavé dans la marre. Ce soulèvement a failli amplifier la crise du choléra. Faute de soins urgents, les cadavres de certains malades décédés étaient abandonnés au bord des routes. Aucun politicien qui se respecte n’allait endosser ces imprévisibles conséquences pour Préval et compagnie. Leurs commettants ne leur auraient jamais pardonné de jeter l’argent des contribuables dans ce panier à crabes, au profit de dirigeants dont l’insatiable appétit du pouvoir aurait pu mettre en danger la santé de tout un continent. En effet, si le choléra était parvenu à traverser le bras de mer qui sépare Haïti des États-Unis ou à se profiler un peu plus au nord vers le Canada, les jours de Harper et d’Obama seraient comptés sur les doigts d’une main pour avoir mal gérer leur encombrant petit voisin. `’A la danse du cul, le lièvre et l’éléphant ne peuvent être partenaires4 ”.

En outre, le temps presse. La France1 avait confié à “l’un de ses meilleurs spécialistes du choléra en la personne du docteur Piarroux”, le soin de découvrir la cause et la source de la bactérie du choléra. Sa découverte effarante vint clouer le cercueil de l’ONU pour avoir mis le doigt sur l’origine du mal. Le gouvernement de la France préféra déposer abruptement le couvercle sur la marmite et déclara un « no comment » aux fins de ne pas mettre en péril la vie des soldats népalais et la mission de la Minustha dans l’Île1.

Encore une fois, le Canada aurait été appelé à jouer le rôle d’exécutant, de «déchouqueur» de présidents qui rêvent d’éternité. Ainsi, le Ministre Cannon a conclu qu’ « Il n’y aura pas de progrès économique s’il n’y a pas de stabilité politique2 ». Et Hilary de concéder : « Les défis sont immenses en Haïti : crise humanitaire, épidémie de choléra, pauvreté endémique, gouvernement aux capacités réduites». «Et les Haïtiens doivent maintenant relever le défi de tenir des élections sans taches2 » a-elle ajouté. Elle continue : « Nous ne voulons pas punir les haïtiens pour les problèmes allégués pendant les élections. Les gens ont encore besoin d’abris, d’éducation, d’eau potable, de soins de santé, de développement économique2 ». De surcroît, elle a souligné que les propos du Sénateur Patrick Leahy3 «témoignent d’une frustration croissante» qui devrait servir de mise en garde aux dirigeants haïtiens. Elle conclu avec cet avertissement : «C’est aux autorités haïtiennes d’assumer leur responsabilité2 ». Qui doit payer le pot cassé? Devine!

Au Parlement canadien, Denis Coderre a sonné la charge en mettant de la pression sur Harper : « Le gouvernement canadien doit faire preuve de leadership». «La pire des choses qu’on doit faire, c’est de prendre la population haïtienne en otage2 ». Tous les chefs de l’opposition s’étaient ligués contre le gouvernement Harper, lui reprochant son laxisme à propos d’Haïti en rapport au premier tour de l’élection ratée.

Donc, la table est mise, le dîner est servi. Préval, aura-t-il compris le message avant la fin du repas? Qui sait! Devant ces mises en garde, ces avertissements à peine voilés, notre président ferait mieux de jouer franc jeu au second tour de l’élection, s’il ne veut pas aller jouer au baccara avec son pote en Afrique du sud. Telles sont les règles du jeu!

Sources : 1- le Monde Fr. 2- La Presse de Montréal. 3- L’influent sénateur P. Leahy a proposé aux autorités américaines de ne plus accorder d’aide à Haïti si l’impasse persiste. 4- Proverbe africain.

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