L’échec prévisible d’une in initiative louable

Harry E. Jean-Philippe

Voici une idée géniale venant du titulaire du Ministère des Haïtiens vivant à l’étranger,notre camarade Edwin Paraison: le recrutement des cadres de la diaspora pour travailler temporairement dans l’administration publique ou dans des institutions privées.Si le projet est louable dans ses intentions, on y relève, toutefois,des points de faiblesse qui puissent garantir son échec.

D’abord,il faut considérer le budget alloué au projet.Selon des chiffres officiels avancés par le titulaire du MHAVE, on peut généreusement estimer à 12 millions de dollars le montant du programme qui va être étalé sur trois (3)ans.Cette somme représente très peu pour inciter 200 experts haïtiens à retourner au bercail pour un temps déterminé.C’est encore plus difficile,voire impossible,si ce cadre doit quitter le confort de sa résidence, la tranquillité de sa famille,la double satisfaction d’un salaire mirobolant et d’une carrière bien réussie,les infrastructures et la sécurité relative dont il jouit dans sa municipalité.Comment demander alors à un travailleur dans sa quarantaine ou sa cinquantaine de quitter “sa terre promise ” où coule le lait et le miel pour une aventure lointaine dont l’incertitude est la marque dominante?

Des policiers haïtiano-américains de la ville de New York ont accepté de revenir au pays pour prêter leurs services à la Police Nationale d’Haïti à un prix très élevé.Point n’est besoin d’être clerc pour le comprendre!Si cet homme en uniforme gagnait $50.000 l’an,il ne quitterait pas son pays d’adoption pour gagner la même valeur ou moins en Haïti.Force est de croire que son voyage en vaut la chandelle.

De ce point de vue, on comprendra qu’il coûte énormément d’argent pour engager 200 experts haïtiens sur la voie du Retour sous l’égide d’un gouvernement déplaisant,dans un pays déprimant.12 millions de dollars,cela représente quelques grains d’arachide qui ne feraient pas tourner la tête même pas aux caïds du narco-trafic.

Pour les besoins du débat,un cadre avec un salaire annuel de $60.000 aux Etats-Unis d’Amérique ou au Canada ou en France attend, au minimum,$75.000 pour mettre les pieds en Haïti.Au bout d’un an,il faut $1.125.000 pour prêter les services de 15 experts. Comme le programme s’étire sur trois(3)ans,le coût de ces 15 experts s’élèvera à $3.375.000. Pour en avoir 50 sur le terrain pendant trois ans,il faudra $11.250.000.

Avec une enveloppe budgétaire de $12.000.000,le ministre du MHAVE, notre camarade Mr Edwin Paraison, doit nous dire où il va trouver de l’argent pour engager les services de 200 experts haïtiens.

Ce programme bien intentionné illustre fort bien la faiblesse de l’approche gouvernementale en matière de la Reconstruction qui ne doit pas être un ramassis de projets mal concus ou dépourvus de fonds suffisants pour garantir leur succès.

La Reconstruction du pays écrasé par le terrible tremblement de terre du 12 Janvier 2010 aurait dû être une affaire nationale.Malheureusement,ce n’est pas le cas. Elle est prise en otage par des secteurs puissants liés au Pouvoir en place et à la communauté internationale.Les autorités en place ont fait le mauvais choix en laissant avec plaisir aux puissances étrangères le soin de prendre les grandes décisions qui vont faire traîner la besogne dans l’intérêt des grandes firmes internationales.Huit (8) mois après la catastrophe,la capitale et les villes environnantes sont encore sous les décombres parce que la solution – même pour le déblayage – doit être étrangère.

Huit mois après,la population sinistrée attend des maisons temporaires ou pré-fabriquées de l’étranger comme si l’opportunité d’emplois, créée par le cataclysme, n’est que pour des constructeurs étrangers.Ce n’est pas mauvais en soi dans la mesure où le savoir-faire, les matériels et ressources nécessaires ne sont pas disponibles

dans le pays.

Si les blancs ont vraiment la science de la construction des maisons para-sismiques, c’est tant mieux pour eux. Mais qu’ils viennent en Haïti avec leur savoir-faire,enseigner les jeunes haïtiens et permettre qu’ils participent à la construction des nouvelles maisons dans lesquelles ils sont appelés à vivre.

Après le 12 Janvier, des opportunités d’emplois en Haïti sont immenses.Huit mois après,le boom économique n’a pas eu lieu. La mobilisation des ressources locales pour la collection des débris et le nettoyage des rues aurait dû provoquer des activités économiques intéressantes dans le pays.Mais la politisation du processus de Reconstruction favorisant des programmes bidons tel le Cash For Work a étouffé l’éclosion du boom économique dont Haïti a grandement besoin pour son relèvement.

10.000 militaires et policiers étrangers qui sont dans le pays depuis six ans ne sont pas parvenus à stabiliser le pays.Pourquoi alors maintenir leur présence et renouveler leur mandat après avoir constaté leur échec lamentable? La vague des enlèvements va bon train. Avant l’arrivée de cette force onusienne dite de stabilisation,les Haïtiens étaient étrangers à ce phénomène qui est devenu un fait divers dans la société. De plus,la présence soutenue des troupes de la MINUSTAH dans le pays n’est pas un facteur rassurant pour l’investisseur potentiel.Qui pis est: ces 10.000 militaires et policiers étrangers dérobent à la jeunesse haïtienne 10.000 emplois directs.

A la faveur du 12 Janvier qui devait interpeller la conscience des couches dominantes, Haïti pourrait se donner une nouvelle chance pour un nouveau départ.Malheureusement,les élites locales n’ont pas voulu changer de comportement à l’égard de cet espace dont elles ont la charge.Une fois de plus, elles se sont engagées dans un processus électoral dont le but inavoué est de maintenir le statu quo. Dans leur jargon trompeur, ils présentent les élections comme un passage obligé pour renouveler l’appareil d’un Etat qui n’existe même pas.

L’initiative du ministre Paraison est intéressante tout comme la série de rencontres, entreprise par le chef de l’Etat, sous les injonctions de la communauté internationale. Mais ces démarches tardives servant de facades à une entreprise politicienne sont vouées à l’échec si elles ne sont pas inspirées d’un plan magnanime de Reconstruction faisant de chaque haïtien l’artisan de son propre futur.

Harry E. Jean-Philippe

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